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Montpellier. Les salariés du CIF entre immédiat "ennui payé" et prochaine mise au chômage



Montpellier : payés à ne rien faire, les salariés du Crédit immobilier de France désespèrent

ALEXANDRE MENDEL Midi Libre 01/04/2013 

Obligés de pointer, les salariés sont inactifs en attendant le plan social.
Obligés de pointer, les salariés sont inactifs en attendant le plan social. (Photo V. DAMOURETTE)

C’est le rêve de millions de travailleurs. C’est, depuis juin 2012, le cauchemar de dizaines d’employés montpelliérains du Crédit immobilier de France. Être payés à ne rien faire, comme du temps du plein emploi soviétique : voilà à quoi sont condamnés, dans l’attente d’un plan social probablement annoncé à la fin de l’année, les deux tiers des quelque cent employés montpelliérains qui tournent en rond et s’ennuient ferme. Et cela depuis que l’agence Moody’s a abaissé la note de l’établissement et que l’État a demandé l’arrêt de sa production de crédit.


Parties de cartes, shopping au programme

Exemple de ce surplace surréaliste au siège montpelliérain, avec ce salarié qui veut rester anonyme : "La plupart des commerciaux “agence” et des prescripteurs glandent. Les plannings sont vides ! Les imprimantes des offres sont à l’arrêt. On ne va pas imprimer des offres vierges. On s’occupe comme on peut. Le soir, t’as rien à raconter à ta femme."

Les parties de cartes s’éternisent, les pauses-café sont passées de dix minutes à une heure, Google anesthésie les idées noires. Les commerciaux, qui débordaient d’activité, vont faire les boutiques en ville, faute de pouvoir démarcher les professionnels de l’immobilier. "On aimerait aussi que la direction débride internet. Qu’on puisse aller au moins sur YouTube !", se lamente un salarié… Car, jusqu’ici, les employés se prêtaient des DVD qu’ils regardaient au bureau.

Peur de perdre son savoir-faire

Déléguée du personnel au comité d’entreprise (non syndiquée), Marion Bonnemaison ne dit guère mieux : "C’est pas drôle de venir pour juste ouvrir les rideaux le matin et les fermer le soir. On se sent inutile, sans rôle dans la société." Avec cette inquiétude : "On a peur de perdre en savoir-faire. Et de ne plus rien valoir sur le marché de l’emploi."

Sandrine Gantin, déléguée syndicale Force ouvrière pour le Cif Méditerranée, décrit un malaise plus important dans les petites agences régionales : "Quand on est seul ou deux, c’est encore plus dur." Elle-même confie ne "pas avoir de recette miracle" et plaide pour un réaménagement des plages horaires, trop longues, selon elle. Un ancien salarié témoigne du climat délétère qui règne entre ceux qui ont encore une activité (gestion et contentieux) et ceux qui n’en ont plus : "Il faut essayer de préserver sa santé mentale au mieux. À chacun de rebondir et de se prendre en charge."

Un numéro vert pour un soutien psychologique

La banque a mis en place un numéro vert renvoyant vers Stimulus, un cabinet parisien fondé en 1989 et spécialisé dans la prévention du stress et des risques psychosociaux au travail. Mais cette intention, louable, a fait apparemment un flop. Une trentaine de coups de fils (pour toute la France) ont été passés. "On n’est pas aux États-Unis. Ce n’est pas encore dans les habitudes", reconnaît Anne-Marie Cariou, directrice associée de ce cabinet. "On n’a pas vocation à se substituer à SOS Médecins ou à SOS Suicides", prévient cette psychologue clinicienne.

Maigre consolation, quand même : "Il existe bien pire. Il y a les gens qui sont au placard. Là, c’est catastrophique pour l’estime de soi. Au Cif, jamais ils ne se diront que c’est de leur faute." Même si Anne-Marie Cariou refuse de dévoiler les conversations, elle évoque, de façon générale, ces employés "terrorisés à l’idée de se rouiller". "Tout est affaire d’histoire personnelle", glisse-t-elle. L’histoire pourrait s’arrêter à la fin de l’année. Et à l’ennui payé pourrait succéder le chômage indemnisé.

Des jeux de rôle...

S’il ne nie pas le problème, François Morlat, directeur général du Crédit immobilier de France, veut voir le bon côté des choses : « On a des salariés qui sont payés et qui n’ont pas de problème de fin de mois. » Comment tirer profit de cette période d’inactivité contrainte ? «  Nous avons alloué des moyens dédiés à la formation. » Dans les faits, à Montpellier, certains salariés font par exemple deux heures d’anglais par semaine (sur 37,5 travaillées). Trop peu ?

« Ces formations montent en puissance ! » En témoigne la mise en place prochaine d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), genre de plan de diagnostic et de perspective des ressources humaines de l’entreprise.


Et d’annoncer des mesures supplémentaires : « On est en train d’organiser une sorte de bourse d’idées entre les directions régionales. » C’est ainsi que, prenant exemple sur la région Sud-Ouest,  les salariés pourraient être amenés à faire des jeux de rôle commerciaux… « Ça veut dire qu’il y a des initiatives formidables. Et c’est quand même plus motivant que d’aller au travail pour regarder YouTube ! »

L'article sur le site de Midi Libre

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