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Canal du Midi. Faut-il crier au loup de la pollution des eaux au risque de favoriser "de la machine à nettoyer" privée ?



Pollution sur le Canal du Midi : on navigue en eaux troubles

Photomontage Samson

La pollution des eaux est souvent mise en avant par les professionnels du tourisme, les badauds, les riverains. Pourtant, le long des voies d’eau, nombreux sont ceux qui dénoncent une dramatisation exagérée, voire orchestrée, de la situation. De son côté, le gestionnaire VNF se veut rassurant. Une polémique qui navigue sur fond d’un manque d’études publiques précises sur les responsabilités de chacun pour faire cesser les remous. Le récent épisode d’une pollution par hydrocarbures à Toulouse a encore relancé le débat.
par Anne-Sophie Terral sur wwwfrituremag.info

Des matelas, vélos, machines à laver, canettes de bière, pneus... Le Canal est une source inépuisable de trésors pour la « Midinette », bateau acheté par la mairie de Toulouse et utilisé par Voies Navigables de France pour faire le ménage chaque semaine. Equipé de deux bras articulés, ses trouvailles ont de quoi laisser pantois. Le patrimoine mondial classé par l’Unesco serait-il devenu une décharge publique ? 

Ces « incivilités » sont préoccupantes pour VNF (Voies navigables de France), mais qui n’a pas non plus vocation à devenir un observatoire de la qualité des eaux. « Mon métier est de faire passer des bateaux ! » plaisante à moitié Jean-Pierre Mattossi responsable de l’infrastructure et de l’’exploitation du Canal à VNF. Il dispose par ailleurs de données plutôt rassurantes : il n’y a pas de pollutions lourdes d’ordre chimique, « à certains endroits, dans le secteur de Béziers notamment, nous suivons de près des facteurs de pollutions bactériologiques liées aux rejets humains ou animaux. La pollution d’ordre visuelle, même si elle est dérangeante, est un autre type de préoccupation ». En bref, « si la baignade est interdite le long du Canal, c’est plutôt pour ne pas se faire déchiqueter par une hélice ».

Pas de lourdes pollutions chimiques

Selon les analyses effectuées par VNF depuis 2011 sur quinze points de mesure différents, la qualité des eaux peut être qualifiée de « moyenne ». Il est pourtant impossible de jeter un œil à cette étude qui n’a pas été rendue publique. Autre donnée fournie par Jacques Noisette, responsable de la communication de VNF : les analyses de sédiments faites lors des opérations de dragage (extraction du surplus de vase en fond de canal) ne mettent pas à jour de pollutions. Il faut aussi savoir que les situations sont très diverses en fonction des zones géographiques. Le Canal latéral est alimenté par la Garonne. « Son eau est aussi utilisée pour l’irrigation et alimente même les réseaux d’eau potable » montre Jacques Noisette. Au contraire, sur le versant méditerranéen, l’eau est plus sensible aux changements de températures car elle circule moins.

A qui la faute ?

Les sources potentielles de pollution sont nombreuses : rejets agricoles et industriels, rejets des eaux usées des péniches, bateaux dégradés et abandonnés contenant encore des hydrocarbures, ou encore aires de carénage (lieux où on repeint les bateaux) mal équipées. Mais aucune étude ne permet pour le moment d’établir précisément la part de responsabilité de chaque usage.



Et le peuple de l’eau est déjà sur la défensive quand on pointe souvent du doigt les péniches. Laurent Martinez, de l’association nationale des plaisanciers en eaux intérieures, s’agace : « nous avons des statistiques qui évoquent que la pollution liée aux bateaux est infinitésimale par rapport aux autres pollutions. Je regrette qu’ils soient toujours montrés du doigt ! »

Pour Jean-Pierre Mattossi, « notre objectif est aujourd’hui d’avoir une connaissance plus fine de la situation et d’engager des actions collectives en justice en cas d’abus ou de rejets pirates ».


Les entreprises de nettoyage sur le coup

« On confond pollution et turbidité (eau trouble) » insiste aussi un habitant, « mais une eau peut être cristalline et très polluée ! ». Il dénonce ces « campagnes » régulières autour de la pollution et « demande à voir l’étude qui la prouve ». La raison de ce discours ambiant selon lui ? « On veut nous vendre de la machine à nettoyer ». Une analyse qui donne raison à ceux qui pensent que le lieu est un nouveau terrain de jeu pour les entreprises. En clair, faire entrer dans les mentalités l’idée que le Canal du Midi est une poubelle justifierait le fait de faire appel à des sociétés privées spécialisées dans la propreté, le nettoyage, l’assainissement. Une vision « un peu trop machiavélique » au goût de Jacques Noisette. Même si son collègue Jean-Jacques Mattossi confirme sans en dire plus, « c’est vrai que nous avons déjà assisté à la présentation commerciale d’un bateau nettoyeur... ».

En attendant, une convention est en train d’être signée avec l’Agence de l’eau Adour-Garonne pour monter un observatoire de la qualité des eaux. De quoi peut-être avoir des données plus complètes pour pouvoir prendre les mesures adéquates.


L'article sur le site de Mediapart 

 NPA 34, NPA

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