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Poutou, le trotskiste relax qui réveille «DPDA»

Mercredi soir, lors de l'émission « des Paroles et des actes », l'ouvrier de l'usine Ford de Blanquefort, en Gironde, a livré sur France 2 une prestation déconcertante de spontanéité et de décontraction. 

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« Si je me fais chier depuis huit mois, c'est bien que je suis motivé ! » Cinquième et dernier candidat à passer son grand oral sur France 2, mercredi soir, Philippe Poutou a livré une prestation déconcertante de spontanéité et de décontraction sur le plateau de «des Paroles et des actes» («DPDA»).
De quoi réveiller les téléspectateurs qui n'ont été que 3,4 millions à suivre l'émission (14,1% de parts de marché).

L'ouvrier de l'usine Ford de Blanquefort, en Gironde, confime ne pas vouloir « faire de carrière politique », ni « devenir président de la République ». Si l'objectif revendiqué est de «porter des idées» et de «contester un système», l'aveu laisse toujours ses interlocuteurs perplexes. Il lui permet aussi d'avoir un capital sympathie dans l'opinion. Le plus souriant des prétendants à l'Elysée «sonne» sincère et détonne dans une campagne que beaucoup disent terne. Et certaines de ses formules pourraient bien devenir cultes.

Quand François Lenglet, directeur de BFM Business, le place face aux chiffres contradictoires de son programme, Poutou apparaît désarçonné, avant de vite remonter en selle : «Cela n'existe pas les charges sociales, c'est cotisations sociales», rétorque-t-il au journaliste. «Ça, c'est le langage patronal.» Hilarité sur le plateau, même s'il ne répond pas pour autant aux questions de l'économiste.

Sur sa candidature, nouveaux fous-rires dans l'assistance, y compris chez les journalistes qui l'interviewent : «Besancenot m'a dit : Tiens, fais-le, tu vas te faire chier à ton tour !» «La difficulté, c'est que là je suis tout seul sans mes potes. D'habitude, on séquestre en groupe...»

Un franc-parler déconcertant, une posture décomplexée


La griffe Poutou, c'est tout d'abord un style direct. Pas d'effets de manche ni de dentelle dans ses propos, surtout pour évoquer ses adversaires : Nicolas Sarkozy, sa cible favorite, est ainsi invité à « dégager » dans son spot officiel de campagne. Mercredi soir, les autres candidats en ont pris pour leur grade, accusés selon Philippe Poutou «de s'en tamponner de la démocratie ! ». Le candidat trotskiste ne fait pas dans la nuance, y compris dans son programme. Sur France 2, il a suggéré d' « exproprier » ceux qui dirigent « l'économie n'importe comment » pour « leur enlever les moyens de nuire ». La veille, sur RTL, il avait défendu avec aplomb une réduction drastique du temps de travail, « parce que nous on est pour bosser le moins possible et gagner le plus possible […] si on pouvait ne pas travailler du tout, on ne serait pas contre ».

Il n'est certainement pas moins radical que son prédécesseur, Olivier Besancenot. La différence est dans le ton. Car Philippe Poutou n'est pas un « pro » de la politique. Et loin de l'attitude austère et sérieuse de ses adversaires lorsqu'ils attaquent les sujets graves, loin de la posture «nerveuse» qui sied souvent à l'extrême gauche, il parle de révolution avec le sourire. Il appelle à exproprier les riches sur un ton calme et apaisé.

La version longue de son clip de campagne est une parodie, aux allures d'autodérision, de l'émission «Questions pour un champion», dans laquelle deux joueurs doivent trouver quel candidat «défend un bouclier social comprenant une augmentation de salaire de 300 euros nets et pas un revenu inférieur à 1 700 euros par mois». Surréaliste. Au point que certains lui reprochent au mieux du découragement, au pire de la désinvolture.

«Moi je n'ai pas rendez-vous avec le peuple»

Là est l'autre singularité du candidat Poutou, il n'est pas à sa place et le clame haut et fort. « Moi je n'ai pas rendez-vous avec le peuple, j'ai pas entendu des voix », a-t-il expliqué mercredi soir sur France 2, moquant la solennité des favoris. «Interrogé sur sa volonté d'être président, il a même répondu : « Non, c'est pas mon rêve […] La carrière politique, je veux pas en faire une, je veux que la politique soit l'affaire de tous ». Ce désintérêt pour la fonction, ce côté « paumé » dans la cour des grands, Poutou le cultive. « Je dors bien mais quand je me réveille, je me dis : Ah merde, je suis candidat », lachait-il récemment sur BFMTV. Invité de Canal + au début du mois, Philippe Poutou avait éclaté de rire après la diffusion d'un sujet dans lequel un journaliste demandait à Olivier Besancenot «la priorité de Philippe Poutou s'il est élu ? ». « Ah ah, il sera bien dans la merde » avait répondu l'ancien patron du NPA. « C'est vrai qu'on a pas prévu ça », avait alors enchaîné l'ouvrier sur le plateau du Petit Journal.

Les applaudissements du public

Que fait-il là alors, est-on en droit de se demander ? La réponse a été immédiate mercredi sur France 2 : «Je suis candidat pour porter un programme, pour porter des idées, pour contester un système.» En réplique à ceux qui l'accuseraient d'amateurisme, Poutou a conclu l'interview par une leçon de politique, en appelant avec vigueur et à toute vitesse, dans les dernières 30 secondes qui lui étaient imparties, l'extrême gauche à se rassembler. «Il faut qu'on se batte tous ensemble pour imposer une vraie politique de gauche» a-t-il conclu, enthousiaste, à la seconde ou résonnait le gong annonçant la fin de l'interview, s'attirant les félicitations de David Pujadas et provoquant les applaudissements du public. Il est déjà loin le temps où Philippe Poutou, à peine investi par le NPA, « bafouillait » lors de ses premiers meetings.



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