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Hollande accède à la présidence en honorant Jules Ferry et Marie Curie. Marie Curie, bien sûr, mais Jules Ferry ?

Ferry n'était pas socialiste (Christian Laval, Mediapart) 

 

François Hollande veut rendre hommage lors de son investiture le 15 mai prochain à Marie Curie et à Jules Ferry. Marie Curie, bien sûr, mais Jules Ferry ? Le président du rassemblement veut à l’évidence  s’appuyer sur une référence qui est pour lui consubstantielle à « l’âme de la France ». Gloire donc à Ferry  fondateur de l’école publique obligatoire et gratuite ! Silence sera fait sur d’autres aspects moins reluisants du personnage et de sa politique. L’époque est au consensus républicain, aux valeurs partagées. C’est là un trait de la conjoncture  nationale. République, nation, laïcité : trois idées qui ont été au cœur de l’élection, trois emblèmes disputés par les forces politiques les plus opposées, toutes en mal de détenir l’interprétation légitime du génie français.

Relevons juste en passant, et sans vouloir troubler l’émotion républicaine qui nous étreindra le 15 mai, qu’il y aurait quelque injustice historique à oublier les combats qu’ont menés des générations de socialistes et de syndicalistes contre la conception socialement et idéologiquement conservatrice qui fut celle de la bourgeoisie en matière d’école. L’école indépendante de l’Église c’était beaucoup, mais ce n’était pas tout.
C’est peut-être aussi le moment de se rappeler qu’un certain Jaurès a inlassablement défendu l’idée que le socialisme impliquait une autre école, une école qui  donnerait aux enfants une haute idée de la « force du travail »  dans l’histoire,  qui réussirait à leur faire voir l’importance de la « force du savoir » pour l’accomplissement des tâches qui revenait  au peuple travailleur dans le mouvement de sa propre émancipation. C’était il y a longtemps, lorsque des socialistes bizarrement croyaient au socialisme.
Non,  Ferry n’était pas socialiste. Il suffit de relire ce que  Jaurès disait de leur différence : "Ce n'est pas que cet homme remarquable manquât de philosophie et de vues générales. Mais il se refusait de parti pris aux perspectives lointaines, et l'idée qu'il se faisait du rôle dominant de la bourgeoisie brisait presque tout essor. Je le pressais un jour sur les fins dernières de sa politique : "Quel est donc votre idéal ? Vers quel terme croyez-vous qu'évolue la société humaine, et où prétendez-vous la conduire ? – Laissez ces choses, me dit-il ; un gouvernement n'est pas la trompette de l'avenir. – Mais enfin, vous n'êtes pas un empirique : vous avez une conception générale du monde et de l'histoire. Quel est votre but ?" Il réfléchit un instant, comme pour trouver la formule la plus décisive de sa pensée : "Mon but, c'est d'organiser l'humanité sans Dieu et sans roi." S'il eût ajouté "et sans patron", c'eût été la formule complète du socialisme qui veut abolir théocratie, monarchie, capitalisme, et substituer la libre coopération des esprits et des forces à l'autorité du dogme, à la tyrannie du monarque, au despotisme de la propriété… Mais il s'arrêtait au seuil du problème social."[1]
Une société "sans Dieu", "sans roi" et "sans patron". C’était il y a longtemps. Quand certains croyaient au socialisme.


[1] Jean Jaurès, Préface aux Discours parlementaires, le socialisme et le radicalisme en 1885, réédition Slatkine, 1980, p. 28-29.



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