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Coup de chaud dans le Front de gauche confronté à des candidats communistes positionnés en "quasi-socialistes à peine déguisés" (Mélenchon)

 Pour une gauche qui oeuvre au développement des luttes !

L'heure des bilans a sonné dans le Front de gauche et les dirigeants du PCF et du PG ne sont pas tendres les uns vis-à-vis des autres. On lira ci-dessous les rudesses échangées où l'on relève que, pour Mélenchon, le PC a joué trop près du PS aux législatives tandis que, pour le PC, il y a probablement eu un manque de lisibilité de "l'utilité " du Front de gauche dans "la majorité de gauche". 

 Majorité qui, comme le confirme le tchat du Monde avec Pierre Laurent, ci-dessous, reste l'axe politique du PCF à travers une subtile dialectique, pas bien nouvelle au fond, des deux fers au feu : résolument dans la majorité avec le PS avec, comme mineure, le refus de participer à un gouvernement dont le PCF sait parfaitement qu'il est programmé pour imposer une austérité "de gauche", ce qui devrait a priori questionner son appartenance à ladite majorité. Ce grand écart se confirme à travers le choix probable de s'abstenir sur le prochain vote de confiance au gouvernement mais celui de voter en faveur du candidat du PS à la présidence de l'Assemblée. 

En résumé, une fois la séquence électorale finie, les deux principales composantes du Front de gauche cherchent à tirer la couverture à soi : pour le PCF, qui met à nu la difficulté du PG, malgré la présidentielle, à peser sur les équilibres d'appareils dans le Front de Gauche (1), il s'agit de garder le contact avec le PS sans (trop) dédire la rhétorique de la radicalité portée par la campagne de la présidentielle. Pour le PG, il importe de capitaliser celle-ci portée par Mélenchon en se donnant un profil plus à gauche (gauchiste disent certains au PCF !) : histoire déjà d'attirer à lui les quelques anticapitalistes de l'extérieur séduits par sa radicalité verbale et renforcer ses troupes. Mais tout cela ne nous fait pas oublier les pas de deux du dirigeant du PG à l'Elysée au surlendemain de la victoire socialiste sur fond de communion mitterrandolâtre (2), les appels à laisser "respirer" le gouvernement et, logiquement, le refus affiché de se poser, "comme Olivier Besancenot", en opposition vis-à-vis dudit gouvernement. Une autre façon donc de tenir deux fers au feu et, sur le fond en convergence avec le PCF, un même refus de répondre à l'appel du NPA à poser les jalons d'un mouvement social anticipant sur l'inévitable agression austéritaire que prépare le gouvernement ! 

Voilà ce que les anticapitalistes doivent retenir de ces "tensions" internes du Front de gauche (où l'on note le silence assourdissant des anticapitalistes de l'intérieur : Picquet, Autain, etc.) qui ne sauraient masquer ce que déjà le mouvement des retraites de 2010 avait mis en évidence : le Front de gauche ne veut pas être un catalyseur du mouvement social, aligné qu'il est totalement sur l'attentisme des principales directions syndicales et pris à plein par les manoeuvres parlementaires. Voilà ce que les effets de tribune exaltés, mais foncièrement électoralistes, sur la révolution citoyenne ne peuvent masquer et ce qui dessine la feuille de route des anticapitalistes : favoriser, en indépendance de ce Front de gauche fort "institutionnaliste" tout en maintenant, malgré tout, une disponibilité à une unité avec lui sur le terrain des luttes, le développement de celles-ci. Loin des querelles politiciennes et autres concurrences d'appareils "de toujours" qui se déploient aujourd'hui, elles-mêmes, bien évidemment éloignées des espoirs mis par exemple dans des assemblées citoyennes que certains voyaient déjà comme le creuset d'une nouvelle radicalisation populaire susceptible de prendre au mot le fameux slogan de campagne "prenez le pouvoir !". 

Antoine

(1) On notera, dans la lettre de démission du PG de l'économiste Jacques Rigaudiat, au demeurant attristé du cours "gauchiste" de son parti, cette remarque sur le fonctionnement interne de celui-ci : "J’admets bien volontiers que cette analyse puisse ne pas être partagée dans le PG, c’est le prix normal et légitime de l’action collective ; mais je constate qu’elle n’a même pas pu y être seulement discutée. Je ne parle pas ici de notre comité, mais des instances nationales, où je ne suis d’ailleurs pas seul à avoir, en vain, tenté de l’y porter. Chacun, à cet égard, se souvient du Congrès du Mans et de l’enterrement clandestin, sans fleurs ni couronnes, ni même de faire-part, de « Lignes d’horizon ». Cela pose, évidemment, la question du mode de fonctionnement du PG, dans lequel les vrais débats n’ont lieu qu’au sein d’un tout petit groupe qui, seul, prend les décisions. Les instances nationales officielles étant là non pour les discuter mais pour les avaliser et les transmettre."

Tiré de Démission de Jacques Rigaudiat du PG

(2) Mélenchon, des tréteaux de la Bastille aux bureaux feutrés de l'Elysée...sur fond d'émotion mitterrandophile !

 On trouvera en fin de page un extrait des déclarations de Michel Passet, le secrétaire fédéral du PCF 34 et adjoint de l'hollando-socialiste Hélène Mandroux à la mairie de Montpellier, qui s'inscrit sans surprise dans la démarche de la "majorité de gauche ...mais...sans être une opposition" !

Illustration : 247306_jean‑luc‑melenchon‑candidat‑a‑la‑ 

Le bilan des législatives provoque des tiraillements au sein du Front de gauche (Le Monde)

 

Les résultats électoraux décevants aux législatives commencent à donner des aigreurs au Front de gauche. Jean-Luc Mélenchon a ouvertement reproché, lundi 26 juin, à son partenaire, le Parti communiste français, son positionnement vis-à-vis du Parti socialiste.


Le président du Parti de gauche a ainsi évoqué lors d'une conférence de presse à Paris, la "carence de direction politique" au Front de gauche durant les législatives : "Il faut tirer la leçon de tout cela et comprendre où sont passés les deux millions de voix qui manquent", entre les scrutins présidentiel et législatif, a continué l'ex-candidat à la présidentielle.

La critique avait déjà été faite dimanche lors d'une réunion de la direction du PG à huis clos : sans prendre de gants, les cadres du parti ont regretté l'absence de campagne nationale du Front de gauche en faisant porter la responsabilité aux communistes.

CRITIQUES SUR LA CAMPAGNE DE HÉNIN-BEAUMONT

Là, M. Mélenchon va plus loin, en critiquant un positionnement du PCF trop conciliant vis-à-vis de François Hollande. Répétant qu'il aurait fallu défendre un programme et une orientation, "pas seulement essayer de sauver sa peau chacun dans son coin", il ajoute acide : "il fallait être beaucoup plus ferme et empêcher qu'à certains endroits des campagnes ne se fassent sans même le sigle Front de gauche". Et le député européen d'insister en parlant de candidats communistes positionnés en "quasi-socialistes à peine déguisés".

La charge est sévère et dénote un certain tirage dans l'attelage PCF-PG. Les communistes avaient eux-mêmes ouvert le débat lors de leur conférence nationale le 20 juin. Si la très grosse majorité des cadres et militants avaient souligné l'apport positif de l'alliance formée avec les amis de M. Mélenchon, certains avaient fait entendre des critiques sur la campagne de Hénin-Beaumont. Avec la médiatisation de cette candidature, la campagne aurait été "trop focalisée" sur le FN pour faire entendre autre chose ailleurs.
"Certains camarades ont regretté qu'on soit resté rivé sur l'objectif d'être devant le Front national", raconte Marie-Pierre Vieu, membre de la direction nationale communiste. "Ça a pu apparaître comme un enfermement dans une stratégie de front contre front au lieu de défendre nos propositions pour peser sur la majorité de gauche", ajoute la jeune dirigeante.

"INFLUENCE GAUCHISTE"

Le débat est reconnu aussi par Olivier Dartigolles du PCF, porte-parole : "Le choix de Mélenchon de se présenter à Hénin-Beaumont – cohérent avec la ligne de la présidentielle – nous a déporté. On a donné l'impression qu'on refaisait le match de la présidentielle avec Marine Le Pen alors que les électeurs de gauche étaient passés à autre chose", dit-il.

Les opposants internes à Pierre Laurent en ont profité pour tirer à boulets rouges sur le "camarade Jean-Luc". Nicolas Marchand, ancien marchaisien, dénonçait ainsi "une influence gauchiste chez Jean-Luc Mélenchon, contradictoire avec l'objectif d'un large rassemblement transformateur de toute la gauche". Son ami, Yves Dimicoli, lui aussi membre de la direction, stigmatisait un message "rétréci à un "plan com" anti Le Pen très contreproductif, en même temps qu'une critique du PS, inutilement agressive".

Les nostalgiques de la gauche plurielle, anciens amis de Robert Hue parti du PCF, se sont aussi fait entendre : "La seule ambition nationalement visible du Front de gauche à l'occasion des législatives a été circonscrite au duel entre Mme Le Pen et Jean-Luc Mélenchon", écrit ainsi Gérard Lahellec, sur le blog Communisme 21, animé par les proches de Pierre Blotin, ancien bras droit de M. Hue.

"MESSIE DE LA PRÉSIDENTIELLE"

La direction dit aujourd'hui refuser tout "raccourci" : "La médiatisation de Hénin-Beaumont n'est pas l'essentiel de l'affaire. On a été confronté au rouleau compresseur du PS, remarque M. Dartigolles. C'est vrai qu'il nous a manqué un pilotage national mais on était tous en campagne dans nos circonscriptions." "Est-ce que le messie de la présidentielle va devenir le bouc émissaire pour expliquer la perte de la moitié de nos élus ? Ce n'est pas sérieux", raille un cadre communiste.
Ce que Pierre Laurent dit avec plus de diplomatie, par un raisonnement en deux temps : "La campagne d'Hénin-Beaumont était utile et a fait progresser le Front de gauche", remarquait-il sur RTL, le 15 juin.



Tweet de Pierre Laurent le 15 juin.

Le numéro un du PCF l'a répété le 20 juin, lors de la conférence nationale, comme un mantra à l'égard de ses troupes. Mais en ajoutant aussitôt à l'égard de son homologue du PG : "Le seul message qu'il y avait à faire entendre n'était pas le seul message anti-FN mais aussi celui sur notre utilité dans la majorité de gauche et peut être ne l'avons nous pas assez fait entendre", assurait M. Laurent sur France inter.
Il n'est en effet pas question de laisser passer le message que le PCF serait trop conciliant avec le gouvernement comme le sussurent les amis de M. Mélenchon. "Pas un seul élu sortant n'a été dans la compromission avec le PS. Et on a été plus que cool dans la campagne", remarque Mme Vieu.
D'ailleurs les militants ont voté à une écrasante majorité le refus de participer au gouvernement de M. Hollande, insiste-t-on place du Colonel Fabien, siège du PCF.

Pierre Laurent appelle Mélenchon à "se garder de réactions caricaturales, voire insultantes" (Le Monde)

Extraits

Bertrand : Jean-Luc Mélenchon parle de "carence de direction politique" dans votre parti, que répondez vous ?

Pierre Laurent : D'abord, il a parlé de carence de direction politique dans le Front de gauche, à propos des élections législatives. Je pense que chacun devrait faire attention aux déclarations à l'emporte-pièce sur nos résultats dans ces élections. [...]

Contrairement à Jean-Luc, je ne pense pas que la campagne menée localement par nos candidats, a fortiori dans les circonscriptions sortantes, soit en cause.

Jeanne : Croyez vous comme Mélenchon que les communistes ont tenté individuellement de "sauver leur peau" ?

C'est contraire à toute la réalité de la campagne, qui a été menée collectivement au nom du Front de gauche. Si on veut sérieusement s'interroger sur les électeurs qui avaient voté pour nous à la présidentielle et qui ne l'ont pas fait aux législatives, il faut chercher les raisons ailleurs. [...]

Aline : Comment décryptez vous les attaques de Jean-Luc Mélenchon ?

A l'issue d'une période électorale aussi intense, il est normal que toutes les formations du Front de gauche tirent les leçons des scrutins et confrontent leurs idées sur la suite à donner.
Que s'expriment des opinions différentes au sein même du Front de gauche n'est pas en soi un problème. En revanche, je pense que chacun devrait se garder de réactions caricaturales, voire insultantes, sur la campagne de nos candidats.

L'exigence de confrontation n'exclut pas la solidarité et surtout, impose que nos jugements soient étayés sur des analyses approfondies et non des racontars. Je souhaite, j'espère que cela sera le cas très vite, que ces premières réactions laissent la place à ce nécessaire travail d'analyse dont nous avons besoin pour relancer de plus belle la dynamique conquérante du Front de gauche. [...]

Stéphane : Le Front de gauche est-il dans la majorité ou est-il une opposition de gauche au Parlement ?

Je considère que le Front de gauche est une des composantes de la majorité de gauche que le peuple a formée en permettant les victoires électorales aux élections présidentielle et législatives. Sans la contribution du Front de gauche, ces victoires n'auraient pas été possibles.

En même temps, nous ne nous reconnaissons pas dans la vision gouvernementale qui consiste à tirer un trait d'égalité entre cette majorité de gauche dans le pays et la composition du gouvernement. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de ne pas participer à ce gouvernement. [...]

Nous sommes déterminés à engager une campagne nationale d'explication et de mobilisation sur les questions des salaires et du pouvoir d'achat, qui restent pour nous une priorité absolue.

Henri De Gourges : Quelle est votre position concernant le vote de la confiance au gouvernement, sachant que Jean-Luc Mélenchon s'est prononcé pour l'abstention au nom du Parti de Gauche ?

Nos deux groupes parlementaires se réuniront dans les jours à venir pour arrêter leur position. C'est d'abord à eux de le faire. Il convient de connaître pour cela le détail des orientations de la déclaration de politique générale qui sera faite par le premier ministre. Il faut apporter à cette question une réponse précise et non une réponse de posture.

A titre personnel, et compte tenu de ce que je connais aujourd'hui de ces orientations, je penche également en faveur d'une abstention. [...]

Quentin : Les députés communistes vont-ils voter pour le candidat socialiste à la présidence de l'Assemblée, Claude Bartolone ? 

Ils ont annoncé qu'ils ne présenteraient pas de candidat à ce poste et qu'ils voteraient pour le candidat désigné par le groupe socialiste. Je pense donc qu'ils confirmeront, lors de leur première réunion de groupe, leur vote en faveur de Claude Bartolone.


Lu dans L'Hérault du jour du 26 juin 2012



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