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L’austérité de gauche arrive...

... Mais pas tout de suite, car il faut d’abord « donner une majorité au changement ». C’est après que viendra le plan d’austérité, et il sera sévère

Jusqu’aux législatives, le gouvernement a fait patte blanche auprès des électeurs de gauche. Il a soigneusement distillé, l’une après l’autre, les quelques petites mesures progressistes du programme présidentiel : l’annulation du projet de TVA antisociale voté par la droite ; le retour de la retraite à 60 ans pour les rares (100 000) salariés ayant pu cotiser à cet âge 41, 5 annuités ; l’homéopathique « coup de pouce » au SMIC ; la suppression des tribunaux correctionnels pour les mineurs ; l’encadrement de certains loyers pour freiner l’envolée des prix…

Il titille ainsi la droite et l’extrême droite, dont le discours sur le laxisme et la folie dépensière de la gauche vient, en retour, conforter sa propre posture. Il met en scène son volontarisme, pour « la croissance » ou contre les fermetures de sites ou d’entreprises – sans résultat tangible à ce jour malgré les gesticulations d’un Montebourg.

Et il reste motus et bouche cousue sur l’essentiel de son programme économique.

« La France tiendra son engagement »

Car l’austérité de gauche est programmée pour après le 17 juin. Un peu plus tôt, un peu plus tard, selon toute probabilité plutôt après les congés d’été – mais elle va venir.

Le ministre des finances, Pierre Moscovici, s’en est porté garant à plusieurs reprises devant ses pairs de l’Union européenne. Le 30 mai au Luxembourg, il a réitéré que « la France tiendra son engagement » de ramener le déficit public sous les 3 % du PIB dès 2013. Le gouvernement, a-t-il précisé, présentera prochainement une loi de programmation des finances publiques traçant le « cheminement », « contraignant », vers « le retour à l’équilibre en 2017 ». Dans ses « 60 propositions », le candidat Hollande avait déjà indiqué que pour atteindre cet objectif, il limiterait à 1, 1 % la hausse nominale (hors inflation) des dépenses de l’Etat.

Un rapport de la Cour des comptes présenté – le 30 mai également – par son premier président, le socialiste Migaud, éclaire cet engagement présidentiel. Après avoir salué l’action de réduction des déficits accomplie en 2011 par Sarkozy et Fillon, il affirme que les efforts dans ce sens « devront être répétés et amplifiés au cours des exercices suivants. » Et comme il n’est pas question de s’en prendre au capital et à ses profits, il cible toute une série de « coûts » et de dépenses sociales.

Dans son collimateur se trouvent les « dépenses de personnels », c’est-à-dire l’emploi et les salaires de la fonction publique, le financement des « opérateurs de l’Etat » tels que Pôle emploi, le CNRS ou Météo France, où la situation va donc aussi se dégrader, ainsi que les « dépenses d’intervention » à savoir les aides sociales, à l’emploi et au logement. Un autre rapport, celui-ci de l’Inspection générale des finances, chiffre la réduction supplémentaire des dépenses publiques (lire, des dépenses sociales) qui selon lui serait nécessaire à 5 milliards par an.

Dans le carcan de l’Europe néolibérale

Si le nouveau gouvernement était tenté de s’écarter du dogme de l’orthodoxie budgétaire, les institutions de l’Union européenne seraient là pour le rappeler à l’ordre. Sans attendre la promulgation du traité sur le pacte budgétaire européen (le TSCG), la Commission européenne s’est déjà vu attribuer le droit d’ouvrir des enquêtes, avec à la clé de possibles sanctions financières, à l’encontre des Etats membres dont elle juge la politique et les résultats économiques inappropriés ou insuffisants.

C’est ce qu’elle a fait en février dernier pour 11 pays dont la France, et les résultats viennent d’être publiés. La Commission recommande pour la France le gel des salaires, l’allongement de l’âge du départ à la retraite et, surtout, une nouvelle et vaste déréglementation du droit du travail. Le champ des licenciements économiques, tel que défini par la loi, devrait même être élargi à ceux destinés à améliorer la « compétitivité » ou la « rentabilité », c’est-à-dire ce qu’on appelle les licenciements « boursiers »…

Il est notable qu’Hollande, Ayrault et Moscovici n’aient pas émis la moindre protestation. Mais leur attitude est cohérente avec leur acceptation du pacte budgétaire européen, qu’ils souhaitent simplement compléter par un « pacte de croissance » (déjà en cours de négociation) visant à « l’amélioration de la compétitivité » et « le soutien aux investissements ».

A l’instar de leurs homologues européens, les nouveaux dirigeants français ont également multiplié les pressions sur le peuple grec pour le dissuader de voter contre l’austérité imposée par la Troïka.
Pour Moscovici – à l’issue de sa rencontre avec Schäuble (ministre allemand des finances) le 21 mai –, « il faut tout faire pour qu’il y ait, après les élections du 17 juin, une gouvernement favorable à la zone euro qui s’engage à faire le nécessaire pour rester dans la zone euro. » La veille, Fabius déclarait que «  les Grecs, s’ils veulent rester dans la zone euro, ne peuvent pas se prononcer pour des formations qui les feraient sortir de l’euro. » La seule différence avec la droite est dans le style, jésuitique : « c’est très délicat, car nous n’avons pas de leçons à leur donner », ajoutait-il.

Construire les résistances et l’opposition de gauche

Le Monde du 31 mai résume la situation : « S’il se refuse encore à parler d’un plan de rigueur, le gouvernement Ayrault attend les conclusions, pour la fin juin, de l’audit des finances publiques [qu’il a] commandé à la Cour des comptes. » C’est ensuite que le couperet tombera.
Il est indispensable de commencer dès à présent à construire une opposition de gauche au gouvernement. Parce que faire face aux nouvelles attaques en préparation sera vital pour les salariés et la jeunesse. Et que si ne surgit pas une force d’opposition à gauche du gouvernement, tôt ou tard la crise et l’austérité remettront en selle la droite, aujourd’hui affaiblie et divisée, voire permettront à l’extrême droite d’élargir encore son influence.

Cette opposition se forgera d’abord dans les luttes, dont on peut attendre qu’elles se développent, malgré la politique des grands appareils syndicaux avec lesquels le gouvernement a renoué le « dialogue social ». Il y a trop peu d’illusions dans Hollande et le PS pour que le sentiment de libération suscité par la défaite de Sarkozy et de la droite ne débouche pas sur des mobilisations sociales face à la crise et à l’austérité. Ce sont les batailles à venir, en défense de l’emploi, des salaires, des statuts et protections sociales, des services publics, contre les politiques de la Troïka (aujourd’hui, le TSCG), contre les politiques nucléaires et du capitalisme vert, qui poseront concrètement les problèmes politiques d’une confrontation et d’une alternative au social-libéralisme.

On verra alors si le Front de gauche, ses partis et ses députés sont capables de mettre en accord les promesses de leur programme et leur comportement politique. Il est vrai que de la direction du PCF, qui veut « faire réussir la gauche » et être « dans la majorité de gauche avec une volonté constructive et autonome » (Marie-George Buffet au soir du 10 juin) , à Jean-Luc Mélenchon, qui répète sur tous les tons qu’il n’est « pas dans l’opposition » et se présente comme « l’éclaireur amical » de Hollande auquel il faudrait « laisser sa chance » (le 5 juin lors de sa réception par le président de la République), ils n’en prennent pas vraiment le chemin.

Le NPA s’adresse en tout cas à l’ensemble des forces de la gauche non gouvernementale, comme au Front de gauche qui cultive l’ambiguïté, pour leur proposer de construire un front commun, le plus large possible, de solidarité avec le peuple grec, de refus du traité budgétaire européen comme de l’austérité à venir.
Au cours des semaines et mois à venir, il s’agira de faire grandir l’exigence de la rupture avec le gouvernement social-libéral, condition nécessaire afin que les travailleurs puissent engager la contre-offensive.

Jean-Philippe Divès

Publié dans : Revue Tout est à nous ! 33 (juin 2012)

Smic : +6 centimes de l’heure !

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Le « coup de pouce » au Smic, annoncé par François Hollande, se traduit finalement par une hausse de 2 % du taux horaire.
Selon le code du travail, le Smic est augmenté, chaque 1er janvier, selon une formule qui additionne l’inflation depuis la dernière revalorisation avec la moitié du gain de pouvoir d’achat du salaire ouvrier moyen (celui-ci n’ayant pas progressé plus que l’inflation, il ne rentre pas en compte cette fois-ci) et un éventuel coup de pouce, à la discrétion du gouvernement.

Les 2 % annoncés le 26 juin comprennent donc, en réalité, et sous forme d’« avance », une partie de l’inflation devant intervenir dans la hausse qui doit être accordée, au plus tard, le 1er janvier 2013. Il s’agit de l’augmentation constatée des prix entre novembre 2011, date de la dernière revalorisation, et le mois dernier, soit 1, 4 %. Résultat : le vrai coup de pouce est de 0, 6 % (2 %-1, 4 %), soit moins de 6 centimes d’euros de l’heure pour une augmentation totale de 18 centimes de l’heure (le Smic horaire va passer de 9, 22 à 9, 40 euros). Et la hausse de janvier prochain sera minuscule.

Pas de quoi pavoiser pour les bas salaires. Le gouvernement affiche un chiffre de hausse de 21, 50 euros par mois. Mais cela ne concernera pas les temps partiels nombreux à être payés sur la base du Smic horaire, surtout pour les femmes. Ce n’est pas non plus comme ça qu’on réduira les inégalités : une étude de l’Insee publiée le 26 juin montre qu’en 2010 (derniers chiffres disponibles), dans le privé, les augmentations ont été d’autant plus fortes qu’on monte dans la hiérarchie : le pouvoir d’achat du salaire mensuel net moyen des ouvriers a baissé de 0, 2 %, celui des employés a fait un peu mieux avec +0, 2 % tandis les cadres gagnaient 1 %.

Bien sur, le Medef a protesté. Il est là pour ça et mène avec résolution la lutte des classes.
Le 19 juin, Laurence Parisot a tenu un discours apocalyptique et décalé de la réalité économique sur la situation des entreprises.

Il s’agit de faire pression sur le gouvernement pour que la future augmentation des taxes pèse avant tout sur les salariéEs. L’énergie du Medef contraste avec l’atonie des directions syndicales dont la passivité actuelle préjuge très mal de leur tonus face aux mesures d’austérité en discussion au gouvernement et qui devraient apparaître au grand jour en septembre dans les budgets de l’État et de la Sécurité sociale.

Henri Wilno

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