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Point de vue. Le Front de Gauche et le syndrome de "la gauche édredon"

"Nous ferons partie d’une majorité de gauche qui n’a pas le droit de décevoir"

C'est Patrice Bessac, porte-parole du PCF, qui s'exprime ainsi en rejetant la proposition unitaire du NPA résumée en ces termes par Olivier Besancenot : "[Le NPA propose de] voir comment ensemble on peut créer un bloc contre l’austérité, un front social et politique pour résister à tous les mauvais coups, pour travailler aux revendications que défendent les uns et les autres, pour voir aussi comment on fait pour sortir de l’Europe libérale". 

Patrice Bessac préfère parler de la priorité qu'est, pour lui, "l’intérêt de la France, pas de jouer les vierges rouges effarouchées." L'intérêt de la France en lieu et place de l'intérêt des travailleurs ? La campagne des présidentielles semble bien avoir décuplé les réflexes cocardiers chez nos camarades communistes ! Et une position des plus attentistes envers le gouvernement socialiste s'est substituée à la magique "dynamique" des prises de la Bastille : l'heure est à la bleu-blanc-rouge pause citoyenne et à crucifier virilement les rouges vierges, effarouchées of course, de la contestation radicale ! Pour le PC comme pour le PG.


Eric Coquerel, en effet, pour ce dernier, pose le même refus de préparer dès maintenant un bloc anti-austérité : "Nous ne sommes pas d’accord, dit-il au NPA, avec le terme d’opposition" envers le gouvernement Ayrault. Elles sont loin les proclamations enflammées sur la révolution par les urnes du temps de la présidentielle. Les urnes, au sortir des législatives, cela servira désormais à essayer de tirer le PS à gauche depuis une position "constructive et critique". Le communiste Bessac, avec toujours un temps d'avance, vend la mèche de ce refus du PG et du Front de Gauche d'être une opposition : "Notre but n’est pas de taper sur le PS. Sans être des béni-oui-oui, nous ferons partie d’une majorité de gauche qui n’a pas le droit de décevoir". Ben, voyons...une majorité de gauche qui fleure bon le "programme partagé" de toute la gauche cher depuis longtemps (toujours !) au PCF qui avait été remisé au grenier le temps que Jean-Luc Mélenchon la joue radicalité antiHollandréou !

Celui-ci n'avait d'ailleurs pas tardé à changer de registre et de ton dès la fin de la présidentielle : « Nous n’appellerons pas à des manifestations. Nous, on suit les syndicats ... Ni soutien, ni participation, ni opposition...
L’extrême gauche donne des consignes pour la grève ou le reste, mais pas nous !...
Face à Hollande, Besancenot dit "on doit être l’opposition", mais laissons le respirer, donnons une chance à notre pays..."

Finies les diatribes sur Hollande habillé pour l'été en "capitaine de pédalo" ! "Ni soutien, ni participation, ni opposition" voilà le nouveau credo des pourfendeurs de la mollesse social-libérale et autres preneurs de Bastille ! Le citoyen, une fois le bulletin de vote déposé dans la mythique urne par laquelle se feraient les révolutions, doit céder la place aux dirigeants et élus de la nouvelle gauche tout à leurs savants calculs et "millimétrages" d'une relation "en respiration" au gouvernement !

Par contraste au Monde on ne se paye pas de mots. Rien moins que l'éminente Françoise Fressoz la joue, elle, simple et clair sous le titre de "Les premiers pas du quiquennat (sic): une cure de désintoxication". Selon elle, cette cure passe, apprécions le langage choisi, par "une mise à zéro des attentes et des passions qui vont avec" par un Hollande qui, avec sa rhétorique du président normal et modeste, cherche seulement à "jouer sur le mode mineur de la gauche sage qui fait ce qu’elle peut, sans cacher la dureté des temps mais en évitant de crisper le pays". "C’est la stratégie de la gauche édredon, à la fois prise en compte obligée du réel et calcul politique car à force de la jouer modeste, cette gauche là offre peu de prises à la droite". La gauche édredon, voilà qui résonne sans appel en renvoyant les acrobaties et autres jongleries anti-unitaires du Front de Gauche vis-à-vis du NPA à la vérité de leur complaisance foncièrement unitaire avec un PS clairement disposé, sans attendre, à mettre en oeuvre une austérité de "gauche" sous l'égide de l'Union Européenne. Quand Mélenchon veut laisser respirer Hollande, ce partisan déclaré de la règle d'or pourtant si fustigée sur les tréteaux de la Bastille, Fressoz nous dit sans fard et, bien sûr, en l'approuvant, que le socialiste se prépare à endormir-étouffer sous son édredon gestionnaire toutes les velléités radicales et à désarmer ainsi une droite tentée d'exploiter d'éventuelles difficultés sur le front social : "Ce qui se profile au lendemain des législatives est une sévère cure de rigueur, à laquelle il fallait progressivement préparer le malade en abaissant le niveau de ses attentes politiques." Le bon peuple, ce malade; Hollande, l' hypnotique chirurgien "désintoxicateur" et quelques diafoirus de la citoyenneté radicale à son chevet...quel beau condensé du schéma rêvé par les défenseurs du système en vigueur !

Il n'y a décidément que Bessac, Laurent, Coquerel, Mélenchon (laissons de côté l'inusable faire-valoir dérisoire Piquet) pour croire que l'on peut tirer à gauche Hollande et Ayrault (et , pour les deux premiers, se poser sérieusement la question d'entrer, à cette fin, au gouvernement après les législatives) ! En claironnant que, dans l'immédiat et plus si affinités, on reste l'arme au pied : qu'on nous comprenne bien, par-delà les caricatures faciles d'une extrême gauche appelant hic et nunc aux grèves, il s'agit ...simplement, pour nous, d'annoncer la couleur, un beau rouge flamboyant à vous reléguer le drapeau tricolore au musée : en envoyant le signal qu'une gauche de combat est prête au premier faux-pas social-libéral à se mobiliser et à appeler à la mobilisation générale. Laquelle bien entendu ne se décrète pas mais, comme on ne le sait que trop, se prépare. Ne nous y trompons pas, tous les messages envoyés actuellement par les dirigeants du Front de Gauche convergent pour laisser entendre que, les flonflons de la présidentielle étant rangés, la raison et la responsabilité sont revenues au bercail. Alors que sur la Grèce ou sur la retraite, pour ne prendre que ces exemples, les positions de ce gouvernement sont conformes avec ce sens de la rigueur de gauche si fièrement revendiqué pendant la campagne du candidat Hollande.

Il va falloir s'y faire : il y a une gauche à la gauche du PS qui n'a jamais tiré les enseignements de l'expérience de la gauche plurielle de Jospin à laquelle, il est vrai, elle avait participé de façon très appliquée jusqu'au chavirement final. 

Triste, mais au fond assez prévisible, qu'il faille constater que Le Monde, dans sa logique libérale, en remontre au Front de Gauche en clarté politique sur le jeu des socialistes revenus au gouvernement ! La révolution par les urnes, telle que promise pendant la présidentielle, accouche de l'oxymore d'une dynamique attentiste, en somme une dynamique statique, qui ne se donne aucun objectif de mobilisation sociale, suivisme des confédérations oblige ! Le défi lancé aux anticapitalistes est on ne peut plus clair, les candidats du NPA dans la 2e, la 3e et la 4e circonscription le relèvent sans atermoiements : l' unité, pour eux, est une unité sans aucune illusion sur Hollande et Ayrault, ces clones de Jospin et fils politiques de Mitterrand. C'est une unité pour la lutte, pour la rupture avec la gestion loyale du capitalisme, pour jeter aux orties l'édredon social-libéral. Toute autre unité, en particulier une unité biaisée avec le PS, est en fait un pari sur un nouvel échec des espoirs populaires et la chronique annoncée d'un retour au prix fort de la droite extrême et de l'extrême droite ! Autant s'en souvenir au moment de voter le 10 juin en se projetant sur une rentrée sociale en septembre à construire "tous ensemble", y compris avec ceux qui croient ou ont cru dans la radicalité du Front de Gauche ! Mais il ne faudra pas compter sur la direction du Front de Gauche pour s'atteler à cette tâche nécessaire..

Antoine (NPA Pic-Saint-Loup)

Tribune rédigée à partir de Pour le NPA, les espoirs d’union avec la gauche radicale restent lettre morte (Bellaciao)

Reproduction d'un échange sur Bellaciao :

Posté par 109.***.198.***
En clair, les députés NPA de l’Hérault voteront toutes les motions de censure de la droite contre le gouvernement socialiste. Reste à savoir s’il y aura des députés NPA dans l’Herault !

Posté par antoine (Montpellier) - 88.***.220.**
On sera aussi très attentifs pour voir si le Front de Gauche aura des députés sur le coin ! Et si une fois élus ils feront ce que font régulièrement les élus du PCF, à savoir voter la plupart des propositions des socialistes : aides aux entreprises avec les deniers publics (et sans plus demander des comptes sur l’usage qui en est fait), aides à l’enseignement privé, y compris au-delà des exigences légales, privatisations par Délégation de Service public, etc. Sans oublier le temps où Buffet et Mélenchon étaient du gouvernement Jospin et laissaient faire le matraquage Allègre des personnels de l’Education (au fait Mélenchon a-t-il jamais protesté contre les mesures de son collègue Allègre ?) ou les privatisations sauce Gayssot ! Il s’agissait déjà d’infléchir à gauche un gouvernement socialiste !
A vouloir faire front contre la droite et l’extrême droite sans boussole alternative anticapitaliste, on se retrouve à soutenir ou au moins à laisser faire la gauche capitularde qui au bout du compte vous fait revenir lesdites droites "extrémisées" ou extrêmes sur le devant de la scène politique !
Voilà pourquoi il ne sert à rien, d’un point de vue anticapitaliste, d’annoncer qu’on ne présentera pas a priori de motion de censure contre un gouvernement de gauche : on peut le tourner comme on veut, c’est un gage de servitude volontaire adressé aux sociaux-libéraux qui sauront s’en souvenir pour la jouer Hollandréou sans coup férir !
Mais le fond du problème est bien dans le fait que le Front de Gauche, par ce positionnement sur la motion de censure, révèle ce qu’est sa conception de la transformation sociale : un pur jeu parlementaire où tout se joue et se déjoue dans l’enceinte incontournablement feutrée du Parlement. Sans nul recours à une motion de censure, on peut parier que si on s’attelle à construire une mobilisation sociale calée sur ses propres exigences et non a priori autolimitée dans son développement comme font les directions syndicales que le FdG suit bovinement, la question de la motion de censure devient un épouvantail sans vraie utilité. Le FdG agite la question de la motion de censure pour laisser entendre, par-delà ce qu’il reste de rhétorique type prise de la Bastille, qu’il ne sera pas d’une baston sociale qui mettrait en péril un Hollandréou ! Le FdG est dès maintenant la première victime, consentante, du coup de l’édredon fait par Hollande : elle met l’éteignoir sur les discours enflammés de la présidentielle qui, en bonne logique électoraliste, étaient avant tout destinés à faire des voix avant que les choses sérieuses ne commencent dans l’enceinte du Parlement, voire de Matignon... Loin de la Bastille !
La révolution par les urnes, citoyenne, etc., c’est laisser, dans le meilleur des cas, comme pour les retraites, le mouvement social s’épuiser pour qu’ensuite la délégation aux parlementaires prenne le relais pour, pour quoi au juste ? Pour faire des moulinets révolutionnairement citoyens qui n’empêcheront pas les contre-réformes d’avancer ! En attendant d’obtenir, par de nouvelles élections, un rapport de force qui, blabla, permettra de faire pression et de pousser à gauche un PS qui mange à droite depuis longtemps, etc. Bref la politique assurée de l’impuissance qui laisse l’ordre capitaliste avancer car, lui, fait les choses sérieusement...
Alors, on peut continuer à s’obnubiler sur la motion de censure qui permet d’éviter de poser que la seule motion de censure qui vaille, même si, bien évidemment, elle ne se décrète pas, c’est celle de la rue ; celle de la rue à laquelle des parlementaires "citoyens" dignes de ce nom doivent se plier ! Et là, pas de danger que cette motion de censure soit votée par la droite... Mais pour le FdG, le mouvement social tellement monté en épingle dans les discours, n’a de place dans sa stratégie que pour autant qu’il ne va pas jusqu’au bout. Mélenchon lui a placé le balisage du chemin : "tourner à la première impasse à gauche et, une fois salués les députés de la révolution citoyenne, faire demi-tour, revenir à la maison et regarder à la télé le combat héroïque mené pour la révolution par les urnes !"
Avec le FdG le mouvement social ne peut faire que Bastille-République, pas République-Bastille : le terminus de toutes les prises de la Bastille citoyennes, c’est immanquablement République où le drapeau rouge cède la place au bleu-blanc-rouge. C’est ainsi que va le républicaniste FdG et son enfumage sur la motion de censure !

Tiré de Le Front de Gauche et le syndrome de "la gauche édredon"


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