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PSA-Aulnay, le Vilvorde de Hollande ?

PSA-Aulnay : chronique d'une fermeture annoncée (Nouvel Observateur)

La CGT redoute un scénario identique à celui de Vilvoorde en 1997, symbole d'un engagement non tenu de la gauche (1).   

 

Avec une baisse de 9,5% pour PSA, les chiffres des ventes de voitures neuves diffusés lundi 2 juillet ne risquent pas de remonter le moral des 3.000 salariés du constructeur automobile à Aulnay-sous-Bois dont l'usine paraît condamnée. Pour Jean-Pierre Mercier, délégué CGT sur le site, " Depuis les élections, pour le moment, le changement, on ne le voit pas."

Depuis juin 2011, la fermeture de cette usine ressemble fort à la chronique d'une mort annoncée. C'est la diffusion par la CGT d'une note confidentielle de la direction de PSA qui avait donné l'alerte. Le groupe a bien tenté de calmer les esprits, évoquant "un document préparatoire datant d'il y a près d'un an (soit un projet déjà prêt en 2010, NDLR)" mais qui n'était "en aucun cas un relevé de décisions". Le "plan secret" de Philippe Varin, président du directoire de PSA, prévoyait la fermeture d'Aulnay-sous-Bois en 2014 mais aussi celle du site de Sevelnord dans le Nord en 2015, soit 6.400 personnes concernées.

Une fermeture dès 2013 ?

Si la menace semble s'éloigner de Sevelnord, à Aulnay, certains syndicalistes évoquent la rumeur d'une fermeture prèvue dès 2013. "On ne va pas lâcher", lance Jean-Pierre Mercier. Et de s'emporter contre l'attitude d'Arnaud Montebourg : vendredi 29 juin, le ministre du Redressement productif a écrit à Philippe Varin afin de lui demander "que la direction de PSA fasse connaître ses intentions au plus vite et de façon précise". "Depuis quand le ministre n'est pas au courant ? Il a rencontré la direction de PSA la semaine dernière. Toute la France sait qu'ils veulent fermer Aulnay !" La CGT estime qu'Arnaud Montebourg doit maintenant exiger de Philippe Varin qu'il suspende la fermeture de l'usine.

Car le calendrier s'accélère. Deux Comités centraux d'entreprise (CCE) sont prévus jeudi 12 et mercredi 25 juillet. La fin d'Aulnay pourrait y être officialisée. Les syndicats se mobilisent d'autant plus que le second CCE aura lieu à la veille d'une fermeture du site pour cinq semaines, quatre de congés et une de chômage technique.

Mise à l'abri d'un stock de pièces

D'après la CGT, la direction de PSA anticipe d'ores et déjà une forte réaction des salariés et se prépare à un éventuel conflit à la rentrée. Située, comme Aulnay, en Seine-Saint-Denis, l'usine de Saint-Ouen produit des pièces indispensables pour faire tourner l'ensemble des sites du constructeur automobile. Le groupe y a fait augmenter la production afin de disposer d'un stock suffisant pour alimenter ses usines pendant trois semaines. 

"Ils se préparent en cas de blocage à la reprise en septembre, après les vacances", estime Jean-Pierre Mercier.

De son côté, la direction dit avoir lancé cette commande dès le mois d'avril en prévision des travaux qui doivent être réalisés cet été dans l'usine de Saint-Ouen.

Jean-Pierre Mercier prévient : "Le gouvernement ne doit pas nous refaire le coup de Vilvoorde", rappelant la mort de l'usine belge de Renault en 1997, symbole des engagements non tenus de la gauche. Promesse de campagne, le sauvetage de Vilvoorde a échoué quelques semaines à peine après la nomination de Jospin comme Premier ministre.

Le plan de soutien du gouvernement à la filière automobile peine à convaincre le syndicaliste. La CGT considère que ces aides qui s'enchainent depuis 1999 ne sont que des cadeaux faits aux industriels. Et de réclamer à la place qu'Arnaud Montebourg contraigne Peugeot et Renault à stopper leurs plans de suppression d'emplois.

  

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(1) LA TRAHISON DE VILVORDE (nous avons mis en rouge la clé de compréhension du reniement de Jospin)

Le 4 mars 1997, après que la fermeture de l’usine Renault à Vilvorde. en Belgique, eut été annoncée, Lionel Jospin demande, en pleine campagne des législatives, que la décision, ainsi que le plan social qui l’accompagne, «soient reconsidérés ». Il juge cette décision «financièrement, industriellement et socialement aberrante, alors que le groupe Renault a récemment investi 1.4 milliard de francs dans la modernisation».

 
        Pour bien signifier que la gauche. en cas de victoire, ne resterait pas inerte, il décide même, le 16 mars suivant, de manifester sa solidarité avec les salariés et les syndicats. en participant, à leurs côtés, à un cortège unitaire à Bruxelles. Le geste est évidemment hautement symbolique. Chacun est invité à comprendre que le gouvernement Juppé, encore en fonctions, est adepte du laisser-faire, tandis que les socialistes, eux, feraient jouer à I’Etat son rôle d’actionnaire pour annuler la décision de fermeture.

        Au cours de la manifestation, Lionel Jospin parle d’ailleurs sans détour. Exprimant son «émotion face à la décision brutale et symbolique » de Renault, il insiste sur la nécessité de donner « plus de place à l’Europe sociale ». Le 29 mai, à la sortie de son dernier meeting de campagne, à Lille, il reçoit même une délégation de syndicalistes de Vilvorde et leur dit encore plus clairement: « En tant qu’actionnaire de Renault, les représentants de I’Etat au conseil d’administration exigeraient que d’autres mesures soient envisagées, étudiées et préparées, pour résoudre les difficultés qui peuvent exister en matière de coûts de production de l’usine de Vilvorde. »

        Pourtant, la reculade ne tarde pas. Dès le 6 juin, soit cinq jours après le second tour des législatives, le nouveau Premier ministre, qui est à Malmö, en Suède. se montre subitement beaucoup moins empressé à défendre les salariés de Vilvorde. "C’est une question dont je suis amené à me saisir. J’ai une sensibilité et une opinion en tant que responsable politique, mais je ne peux pas apporter une réponse à une question industrielle », lâche-t-il. L e 7 juin, deuxième reculade: à l'issue d’un entretien avec le Premier ministre belge.
 
Lionel Jospin fait savoir- que " sur le dossier Vilvorde. Ce n’est pas le gouvernement français qui décide », et qu’il n’a « pas, non plus, une emprise directe sur l'entreprise
Renault ». [...] Le samedi 28 juin, c’est enfin le verdict attendu : le conseil d’administration Renault décide la fermeture du site.

        [...I Si Lionel Jospin tourne casaque, c’est qu’il considère qu'il n’as pas le choix. Certes, sur le papier, c’est 1’Etat qui est l’actionnaire principal de Renault. II détient encore 44,2 % du capital et peut donc décider ce que bon lui semble. II peut, en l’occurrence, demander à ses représentants qui siègent au conseil d’administration de voter contre la fermeture de Vilvorde, et, avec le renfort des administrateurs salariés, faire basculer la décision en ce sens. Mais comment oser se lancer dans pareille aventure? Malgré les apparences, Renault n’est plus, et depuis longtemps, la forteresse ouvrière devant laquelle tant de gouvernements ont cédé. Au fil des ans, c’est presque devenu une entreprise ordinaire, Plus encore, le symbole s’il demeure, s’est en réalité inversé le groupe est révélateur des évolutions fantastiques que le capitalisme français a connues au cours des dernières années, marquées tout à la fois par les effets de la globalisation des marchés, de l’entrée en force des investisseurs étrangers à la Bourse de Paris et de la déréglementation.

Le capital de Renault a, effectivement, fait l’objet d’une première introduction en Bourse, en 1994, au terme de laquelle l’Etat était encore majoritaire. Puis, à l’été 1996, une opération de gré à gré est survenue, qui a contribué à réellement privatiser l’entreprise, la part de l’Etat passant sous la barre des 50%. Au lendemain de la victoire socialiste aux élections législatives de 1997, l’Etat n’est donc plus, en fait, le véritable patron ou, en tout cas, il n’ose plus en assumer les fonctions, car il doit composer avec d’autres actionnaires terriblement puissants. Au lendemain du retrait de Volvo du capital du constructeur français, d’autres investisseurs étrangers sont, en effet entrés en force dans le groupe, qu’ils contrôlent alors à hauteur de près de 30%. Et parmi eux, notamment, il y a Templeton Global Investors, l’un de ces fonds de placement américains hyperpuissants. qui ont depuis peu déferlé en Europe et singulièrement en France. […]

Sur-le-champ, au ministère des Finances, on mesure donc comment le message d’une non-fermature du site de Vilvorde pourrait être interprété : tous les investisseurs étrangers – ceux là mêmes que le gouvernement va s’apprêter à aguicher pour l’ouverture du capital de France Télécom risquent de penser que I’Etat français est décidément trop interventionniste et que, même avec une position d’actionnaire  minoritaire, c’est encore lui qui fait la loi dans les entreprises privées [...].

        Tout le monde, dans les allées du pouvoir, comprend donc très vite qu’en réalité c’est tout le programme de privatisation des mois à venir qui pourrait s’en trouver menacé. Dès lors, la décision est inéluctable: Vilvorde sera fermé et tant pis si l’un des premiers actes du gouvernement de gauche va spectaculairement à l’encontre de l’un de ses engagements.

        Ainsi en est-il donc décidé. Totalement apaisé au sujet de la politique économique que le nouveau gouvernement va conduire, le fonds américain annonce un mois plus tard, le 1” août 1997. qu’il a acquis de nouvelles actions de Renault e t que sa participation est désormais supérieure à 5% [...].

 Lionel Jospin a soutenu activement la campagne de François Hollande

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