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PSA. Le gouvernement se défausse ("ce n’est pas au gouvernement de faire bouger les choses, c’est au dialogue social"), les salariés se mobilisent

Pour les salariés de PSA, le plan du gouvernement est «écœurant et indécent»

(Mediapart) 

Lire ci-dessous aussi : PSA-Montebourg, beaucoup de cris pour rien (Libération)

[...] Accablés par la chaleur et les mois d’incertitude, ils sont venus de tous les sites du groupe automobile pour lancer une promesse à leur patron, Philippe Varin : devenir son « cauchemar ». « On est complètement sur les rotules, et en plus, c’est le Ramadan. Pour une majorité de salariés, c’est une période physiquement dure, explique Jean-Pierre Mercier, délégué central CGT. Et pourtant, on est tous mobilisés, bien décidés à ne pas nous laisser faire. Varin a déclaré la guerre à ses salariés en souhaitant enclencher immédiatement, à la veille des congés, la machine infernale à licencier. Nous avons réussi à gagner un peu de temps. »

 

  En refusant de s’exprimer en comité central d’entreprise (CCE) sur le plan de suppression de 8 000 postes, les organisations syndicales ont en effet repoussé les projets de la direction de PSA, qui a annoncé le même jour une perte nette de 819 millions d'euros au premier semestre 2012. Dans le même temps, elles ont confié au cabinet d'expert Secafi le soin d'enquêter sur la situation économique et financière du groupe. « On a besoin d’un regard différent par rapport à celui de la direction, souligne Serge Maffi, délégué syndical central GSEA (Groupement des syndicats européens de l’automobile). On ne peut pas créditer les allégations de la direction sans avoir des informations supplémentaires. »

 

« On ne veut pas négocier avec une guillotine au-dessus de nos têtes, ajoute Jean-Pierre Mercier. Notre but maintenant, c’est que l’expert rende son avis le plus tard possible pour qu’on ait le temps de s’organiser, en faisant reculer Peugeot et en mobilisant le gouvernement. » Le gouvernement, justement, est sur toutes les lèvres. Les représentants syndicaux qui se succèdent sur l'estrade de fortune installée à l'entrée du siège fustigent tout autant leur patron que le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, « qui ne fait rien pour (les) aider ». Aux cris de « PSA assassin ! » et « Varin, démission ! », répond l'interrogation collective : « Le changement, c'est vraiment maintenant ? »

 

« Pour l’instant, on n’a pas senti de volonté politique de s’affronter à Peugeot, poursuit le délégué central CGT. Que Hollande dise que la famille a menti, c’est bien, mais ça ne suffit pas. Nous, c’est notre boulot qui est en jeu. Quand on voit les millions que le gouvernement met sur la table aujourd’hui même pour soit disant sauver les patrons de l’automobile, on se dit qu’ils sont en complet décalage. C’est écœurant et indécent ce qu’ils sont en train de faire. Encore de l'argent public sans la moindre contrepartie… C’est scandaleux. »

À quelques mètres de l'Arc de Triomphe, M'Barek Harfaoui discute avec un petit groupe. Cet « ancien » d'Aulnay, dont Mediapart avait dressé le portrait, met un point d'honneur à soutenir « la jeune génération ». Il égrenne les dates des « événements » auxquels il a participé : « 1982, 1984, 2004, 2005 et maintenant 2012... J'ai tout fait. Nous nous sommes battus pour libérer les esclaves de PSA, mais on ne connaissait pas nos droits. Actuellement, la jeune génération prend les choses en main, elle connaît ses droits, elle est dans la société. Je n'ai confiance qu'en eux. Le gouvernement et le patronat, ils se mettent d’accord derrière leurs tables. Il n’y a que la population qui puisse changer les choses. »

Contrôleuse de gestion sur le site de Saint-Ouen, où 10 % des effectifs sont également menacés, Corinne n'accorde, elle aussi, aucune confiance au gouvernement. « C'est bien simple, depuis la rencontre entre Varin et le premier ministre, il y a eu un changement de ton net, estime-t-elle. Ils disent qu’ils vont faire en sorte qu’il y ait des reclassements, mais c’est bidon. Des reclassements pour aller où ? Chez Air France qui licencie aussi ? Les 8 000 personnes qui vont être mises dehors seront au chômage et puis c’est tout. » Dans la foule, plusieurs représentants des salariés de la compagnie aérienne, mais aussi de Sanofi et de la Poste sont venus soutenir la manifestation. « Quand on entend parler leur patron, on a l’impression d’entendre le notre », souffle l’un d’entre eux.
A la sortie du conseil des ministres, les ministres Arnaud Montebourg et Michel Sapin ont présenté à la presse leur plan de redressement de la filière automobile. Un moyen de dire que le gouvernement a fait son possible pour PSA. Mais dans le détail, on voit surtout que le gouvernement pense à l’après. « Le gouvernement est présent, mais compte sur la démocratie sociale », explique ainsi le ministre du dialogue social, estimant que « par son expression, nous avons ouvert un espace de discussion, et nous espérons désormais une modification en profondeur du plan social ».
 
« Mais ce n’est pas au gouvernement de faire bouger les choses, c’est au dialogue social, a-t-il renchéri. Nous accompagnerons la négociation, pour la faciliter, et pour s’assurer qu’une des parties ne soit pas lésées. » Son homologue au redressement productif a, lui, défendu la mise en œuvre d’une « nouvelle stratégie industrielle », basée sur « la voiture propre et populaire », assumant « le projet d’un changement progressif de rapport avec l’automobile » et faisant de « la transition énergétique une chance industrielle ».

Le « plan Montebourg » entend mobiliser « l’ensemble du secteur automobile et des acteurs concernés», qui se réunira en septembre lors d’une commission paritaire pour dresser l’état des lieux des besoins, et reposera sur la commande publique (11 000 commandes de véhicules par l’État et les collectivités locales par an) et par un équipement de bornes électriques (« environ 350 bornes et un coût estimé à 5 millions d’euros par ville», espère Montebourg, alors que l'Etat promet d'engager 50 millions d'euros pour les financer), dans douze grandes villes pilotes (Bordeaux, Grenoble, Rennes, Paris, Angoulême, Orléans, Strasbourg, Nice, Le Havre, Aix-en-Provence, Rouen, Nancy).

Une campagne de « mise en valeur du “made in France” » a en outre été confiée à des « cinéastes militants » (Cédric Klapisch et… Luc Besson), qui réaliseront des spots de pub, sans qu’il soit précisé s’ils le font à titre gratuit. En espérant attirer les particuliers, pour qui le plan prévoit une augmentation du bonus pour les véhicules électriques (de 5 000 à 7 000 euros) et pour les hybrides de 2 000 à 4 000 euros, un bonus conditionné au maintien des prix de vente par les constructeurs. Pour compenser le coût de cette aide (estimée autour de 490 millions d’euros), l’exécutif entend appliquer à partir de 2013 des malus financiers aux véhicules les plus polluants. « Les bonus sont à effet immédiat, les malus sont à effet de quelques mois, et seront discutés et votés par le Parlement lors de l’examen de la loi de finance », a expliqué Montebourg. L'objectif du ministère se situe autour de « 100.000 véhicules propres » vendus en 2013, dont 27.000 électriques (contre 5.000 actuellement) et 73.000 hybrides (contre 27.000 aujourd'hui). « Nous voulons rendre le véhicule propre accessible à toutes les bourses. La voiture Zoé sortant des usines Renault de Flin sera d’ores et déjà accessible à 13 400 euros ! » a-t-il ensuite assuré, avant d'appeler à « une mobilisation sociétale ». Manque de bol, quelques heures plus tard, Renault a annoncé qu'il repoussait à l'année prochaine le lancement de sa citadine électrique, initialement prévu pour cet automne.

Le ministre du redressement productif joue gros dans ce qui apparaît comme la première réelle annonce politique du nouveau pouvoir, jusqu’ici concentré sur le détricotage de mesures prises par Sarkozy et sur un changement de gouvernance essentiellement symbolique. Afin de ne pas se laisser enfermer dans un rôle de ministre de la parole volontaire mais impuissante, Montebourg affirme que « désormais, cette stratégie de ciblage de l’argent public s’accompagnera de contre-parties pour nos partenaires ». Et de citer « la pérennisation des sites de production », le « maintien sur le territoire national » des laboratoires de Recherche & Développement (qui bénéficieront du crédit impôt recherche), et une « évaluation régulière de l’usage des fonds publics », notamment par les syndicats.

Durant sa conférence de presse, Arnaud Montebourg a aussi retrouvé ses accents de « démondialisateur », qui l’avaient promu troisième homme à la primaire socialiste. Notamment en s’en prenant à « l’Union européenne qui a fait n’importe quoi ». Selon lui, « dans le cadre de l’offensive de la France dans la réorientation européenne », François Hollande va porter à l’agenda de l’UE « la question de l’Europe ouverte et non offerte ». « Notre politique commerciale ne peut plus être naïve », et « le dumping déloyal, social et environnemental, ne peut plus être accepté ». En ligne de mire, les accords de libre-échange UE-Corée, signé en octobre 2010, et ayant douloureusement impacté la production automobile continentale, en même temps qu’ont explosé les importations de voitures asiatiques.
Selon la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem, le président Hollande a salué un plan « cohérent et global », qui serait « exemplaire au plan social ». Les salariés de PSA, eux, risquent d’être davantage dubitatifs.

 

 

 

 


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