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René Revol, maire PG de Grabels, va-t-il faire le choix de la vidéosurveillance ?



Midi Libre 20 juillet


On lira ci-dessous la surprenante proposition, telle que rapportée par Midi libre, du maire de Grabels, René Revol (Parti de Gauche), de recourir, sur un conseil "soufflé par la gendarmerie" (!), à la vidéosurveillance, pardon, à la vidéoprotection, pour remédier à des problèmes de cambriolages et de vols de carburant sur sa commune. Nous sommes bien conscients, au NPA 34, de la nécessité d'apporter une réponse aux problèmes posés mais nous sommes également convaincus que cette réponse ne passe pas par une vidéosurveillance dont maintes études indépendantes mettent en cause et l'efficacité et le coût exorbitant sans parler des menaces qu'elle fait peser sur les libertés publiques. 

Nous nous appuyons en particulier sur les travaux du sociologue Laurent Mucchielli dont nous produisons ci-dessous un texte illustrant ce dont nous parlons. Nous publions également les diverses prises de position de notre élu au conseil municipal de Montpellier allant dans le même sens du refus du recours à la vidéosurveillance. 

Sans céder à un a priori politique "angélique" sur les questions de sécurité, nous nous inscrivons dans une vision politique alternative aux dérives sécuritaires qui, portées par la droite, ont gagné de larges pans de la gauche. Il nous paraîtrait dommageable qu'une personnalité reconnue de la gauche se réclamant de l'alternative aux logiques dominantes comme est René Revol cède à cet air du temps et contredise le René Revol qui déclarait, en janvier 2010, à la question "Et la vidéosurveillance ? « Je suis contre. J’ai été reçu en tant que maire de Grabels. C’était subventionné, quasiment gratuit alors que quand on demande une subvention pour des choses d’utilité publique, on n’est pas toujours aidé. [...] Je ne suis pas a priori contre une vidéosurveillance dans un lieu qui ne peut pas être visité régulièrement alors qu’elle peut rassurer les gens mais couvrir son territoire de vidéosurveillance et payer des gens pour qu’ils surveillent de partout, non. La meilleure sécurité c’est le lien social et la solidarité. [...] C’est classique, tous les ministres de l’intérieur nous ont fait le coup : à chaque fois qu’il y a une agression, on essaye d’avoir un bénéfice électoral en jouant du menton. »" (Montpellier journal) [c'est nous qui soulignons].  

Le NPA 34, quant à lui, maintient, pour régler, entre autres, les problèmes de "délinquance", ses choix en faveur du développement des services publics (école, action sociale, santé...) et contre l'insécurité sociale (chômage, précarité, bas salaires, etc.) que génère le cours libéral-capitaliste suivi par les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, depuis les années 80. La vidéosurveillance apparaît, dans cette perspective-là, un dangereux et coûteux, y compris sur le plan politique, dérivatif au choix nécessaire de rupture avec l'ordre/désordre capitaliste !

[Grabels est une commune située à la périphérie nord-ouest de Montpellier]

L'article de Midi Libre du 20 juillet

  
La position de l'élu du NPA 34 au Conseil municipal de Montpellier sur la vidéosurveillance

Conseil municipal de Montpellier du 6 février dernier

Les délibérations 9 et 10 concernaient une convention de partenariat relative à la vidéosurveillance entre la Police et la ville et une nouvelle extension de la vidéosurveillance..
Ce thème revient régulièrement vu que la ville a décidé de suivre les consignes de Sarkozy de tripler le nombre des caméras. Malgré l’avis de la Cour des Comptes sur la « gabegie financière » représenté par ce marché sécuritaire, sur l’inefficacité des implantations en lieux ouverts, la ville continue l’implantation de nouvelles caméras. Anne Rose interviendra sur ce point pour donner les arguments de notre vote « contre ». Le coût de l’implantation de 10 nouvelles caméras et le déplacement de 2 représente une somme de 700 000 euros ! Dans le même temps, la municipalité supprime la gratuité de la garderie scolaire.
Lors du vote du budget, un des arguments de notre vote contre était cette dépense dans son aspect logique sécuritaire et gâchis d’argent public.

Conseil municipal de Montpellier du 22 juin 2011

La délibération 3 concernait la vidéosurveillance nouvellement dénommée « vidéoprotection ».
Petit rappel, Sarkozy a déclaré vouloir tripler le nombre de caméras et Fillon en fait une priorité absolue. La Mairie de Montpellier avait déclaré faire une pause d’un an, cette délibération avait pour but de mettre en place 10 nouvelles caméras mais aussi de passer de 120 à 170 d’ici la fin du mandat (printemps 2014).
Je suis intervenu en interpellant la majorité de gauche. Pour la Droite, les choses sont claires. Les coupes budgétaires, la destruction des acquis sociaux…vont de pair avec une logique sécuritaire dont la vidéosurveillance est un pilier important. Pour des gens de gauche, il devrait en aller autrement. J’ai aussi utilisé la tribune parue dans le Monde le 31 Mai 2011 (Mucchielli, Le Goff, Heiman) dont le titre est éloquent «  la vidéoprotection : une gabegie ». Ces sociologues expliquent très bien que le déploiement des caméras dans l’espace public permet tout au plus d’élucider 1 à 2% des infractions sur la voie publique. Le coût pour les collectivités est tout autre. Régine Souche, rapporteur de la délibération, a indiqué qu’une caméra coûte 20 000 euros. Pour son utilisation, il faut y ajouter la maintenance et la masse salariale. A Montpellier, ce sont 15 opérateurs qui visionnent 365 jours sur 365 les caméras. Le coût de 1 million d’euros annuel pour la situation actuelle n’a pas été démenti, cette ligne budgétaire va exploser d’ici la fin du mandat.
La question des dérapages et d’une remise en cause des libertés individuelles est à prendre au sérieux, à tel point, qu’il nécessite la mise en place d’un nouveau comité d’éthique. Il faut dire que pour l’ancien comité, la LDH, le MRAP, la Cimade… avaient démissionné !

Vidéosurveillance.
Un coût très important pour des résultats très faibles
(Laurent Mucchielli)

Les évaluations scientifiques réalisées dans d’autres pays montrent que l’impact durable, tant
préventif que répressif, de la vidéosurveillance dans l’espace public est très faible (1). Mais ne
devient-il pas véritablement dérisoire voire même contre-productif lorsque l’on s’interroge sur
son coût pour une collectivité locale ? En effet, la vidéosurveillance coûte cher, bien plus que
ne le laissent supposer les chiffres généralement avancés par le marketing de ce commerce, à
savoir le coût d’installation du système des caméras, des fils et des écrans. Outre qu’il faut
ensuite entretenir ce système, il faut généralement aussi construire et équiper un local
particulier, et souvent réaliser un diagnostic spécial préalable (que proposent bien entendu
aussi les entreprises privées). Enfin et surtout le principal coût annuel est en réalité le coût
humain. Des écrans de contrôle que personne ne regarde ne servent pratiquement à rien. Pour
mesurer tout cela, examinons un exemple concret.

Le coût et l’impact de la vidéosurveillance dans la ville de Saint-Etienne (2)

La ville de Saint-Etienne comptait 177 480 habitants au recensement de 2006. Elle dispose
d’une police municipale forte de 160 agents. Parmi eux, 28 sont affectés au Centre de
supervision urbaine qui gère la vidéosurveillance. La ville s’est dotée d’un dispositif de
vidéosurveillance à partir de l’année 2001 et le dispositif est monté en puissance au fil des
ans. Il y a actuellement 67 caméras à Saint-Etienne. Un investissement sur 5 ans a représenté
1,7 millions d’euros (340 000 euros annuels) à quoi s’ajoute le coût d’aménagement du centre
de supervision. Le coût de maintenance annuel est d’environ 60 000 euros (chiffre qui peut
facilement doubler en cas de fortes dégradations). Enfin, la masse salariale des 28 agents est
d’environ 900 000 euros. Ceci fait donc au minimum 1,3 millions d’euros annuels, sans
compter la question des locaux. Il s’agit donc d’un investissement lourd. Pour quel impact ?
En 2008, le centre de vidéosurveillance a repéré 254 actes de délinquance dont 46 faits de
dégradation de biens publics, 20 troubles à l’ordre public et 61 rixes. Les années antérieures,
on comptait également quelques vols dans les voitures stationnées (vol à la roulotte). Au total,
il s’agit donc d’attroupements, de bagarres, de dégradations et de vols sur la voie publique.
Enfin, sur ces 254 faits, environ 130 donneraient lieu à des interpellations policières. On peut
alors faire un calcul simple quoique approximatif : reporter ces 130 procédures policières
générées par la vidéo aux 10 532 faits constatés par la police nationale en 2008 sur la ville.
Résultat : les faits repérés grâce à la vidéo représentent 1,2 % des faits de délinquance
comptabilisés par la police à Saint-Etienne. Certes, d’un côté, l’apport de la vidéo est sousestimé
dans ce calcul car elle ne concerne par définition que la délinquance de voie publique
et non l’ensemble de la délinquance. Mais d’un autre côté cet apport est surestimé car les
statistiques de police ne comptent pas les contraventions (seulement les crimes et délits). Or
une partie des dégradations et des rixes sont précisément verbalisées comme contraventions et
non comme délits. L’un dans l’autre, on peut estimer de façon approximative que la
vidéosurveillance a probablement permis de repérer entre 1 et 2 % des crimes et délits que la
police a poursuivi. C’est un résultat plus que modeste. Pas nul, assurément, mais tout de
même vraiment très faible… pour un budget qui, du coup, paraît exorbitant.

Un coût exorbitant que l’Etat cherche à imposer aux collectivités territoriales…

Les élus locaux l’ont aujourd’hui bien compris, il s’agit pour l’Etat de cofinancer l’installation
de dispositifs qui seront ensuite à la charge exclusive des collectivités territoriales. Et ce dans
un contexte de réduction des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales, que les
communes compensent de plus en plus par l’embauche de policiers municipaux. Certains s’en
accommodent et en font même un affichage politique (les caméras dans la rue, cela se voit et
cela rassure une partie des habitants et des commerçants). Beaucoup d’autres s’en défient :
« Certes, nous nous réjouissons de la récente reconnaissance du rôle pilote du maire en
matière de prévention de la délinquance. Mais, force est de constater que cette consécration
visait surtout à trouver un nouveau financeur. Le cas de la vidéoprotection, qui constitue un
véritable transfert de charges, est particulièrement frappant », déclarait récemment le
sénateur-maire PS qui préside actuellement le Forum Français pour la Sécurité Urbaine et qui
est aussi membre de la Commission nationale de la vidéosurveillance (3). Les budgets
municipaux de prévention-sécurité ne cessent déjà d’augmenter ces dernières années, du fait
notamment du développement des polices municipales (4). Entre 2 et 6 % du budget des
communes en 2006 (5). Forcément davantage en 2010.

Il existe ici de fortes disparités géographiques, liées d’abord aux ressources financières des
communes (ce qui créé une grande inégalité), ensuite aux orientations politiques (avec de
notables exceptions toutefois comme Paris et Lyon). A gauche, la ville de Nantes a fait le
choix d’investir ailleurs son budget, celle de Toulouse manifeste actuellement ses fortes
réticences, celle d’Amiens s’interroge fortement sur l’intérêt de la vidéo installée par la
précédente municipalité, celle de Villeurbanne s’y refuse explicitement comme l’a expliqué
son maire dans une tribune du Monde 6. A l’inverse, la vidéosurveillance trouve sans doute
ses plus ardents partisans dans les villes de droite de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Avec ses 624 caméras prévues pour 2011, la ville de Nice – dont le maire est Christian Estrosi
– sera la ville la plus vidéosurveillée de France. Rapporté à la taille de la population, cet
équipement est toutefois encore plus développé dans d’autres villes du littoral. Ainsi, Cannes
compte certes 3 fois moins de caméras mais sa population est 5 fois plus petite que celle de
Nice. On pourrait aussi citer le cas d’Avignon et bien sûr de Marseille où le maire, Jean-
Claude Gaudin, a récemment fait voter par le conseil municipal une résolution prévoyant (6)
millions d’euros pour l'installation de 220 caméras dans le centre-ville (7).

… qui « plombe » les budgets locaux et diminue d’autant le financement d’autres
actions de prévention

Enfin, il faut rappeler que les budgets investis pour si peu de résultats sont autant d’argent
public qui n’est plus mobilisable dans d’autres programmes de prévention et de tranquillité.
Au plan national, la politique de « prévention » de l’Etat est de plus en plus vidée de
substance par la vidéosurveillance qui occupera 61 % du budget de la prévention de la
délinquance en 2010 8. La circulaire du 5 mars 2010 précise du reste explicitement que l’Etat
n’engagera plus de financement pluriannuel autre que la vidéosurveillance, que ses
financements seront limités à une série d’actions précises (telles que violences intrafamiliales,
prévention de la récidive, violences à l’école, fonctionnement des CLSPD) et que les
collectivités devront se débrouiller avec d’autres partenaires pour financer à l’avenir des
actions préventives classiques telles que les mesures de prévention et de lutte contre la
toxicomanie, les mesures de sécurité routière, les dispositifs d’accès au droit (Maisons de
justice et du droit, points d’accès au droit) ou encore les opérations « Ville, vie, vacances ».

Au plan local, lorsque la vidéosurveillance vient « plomber » un budget municipal déjà
entamé par le développement de la police municipale, on devine qu’il ne reste plus grandchose
dans les caisses pour recruter des éducateurs, des animateurs socioculturels, des
médiateurs, des correspondants de nuit, des surveillants de sortie d’école, et autres types
d’emplois de proximité permettant de renforcer un peu le lien social, d’encadrer la jeunesse
avec des projets éducatifs et de maintenir le dialogue entre la population et les institutions.

Pour toutes ces raisons – et non une quelconque idéologie –, le développement de la
vidéosurveillance semble une mauvaise nouvelle pour la société française, un gaspillage
d’argent public et un renforcement de la « crédulité technologique » chez nos concitoyens
inquiets que la vidéosurveillance « rassure » souvent mais qu’elle ne protège pas réellement.

Laurent MUCCHIELLI
Sociologue, Directeur de recherches au CNRS (Cesdip)
Courriel : mucchielli@cesdip.fr

1) Voir également dans ce dossier le texte de Tanguy Le Goff ainsi ses références bibliographiques.
2) Notre source : Chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes, Rapport d’observations définitives.
Commune de Saint-Etienne. Enquête sécurité publique. Exercices 2004 et suivants, 19 Mars 2010.
3) Interview de Charles Gautier, dans La Gazette des communes, 8 février 2010, p. 29.
4) Voir le bon dossier de La Gazette des communes du 18 février 2010.
5) T. Le Goff, J. de Maillard, « Le financement de la sécurité dans les villes », Revue d’économie financière,
2006, n°86 (www.aef.asso.fr/article.jsp?prm=39927).
6) J.-P. Bret, « Non, les maires ne sont pas défaillants », Le Monde, 1er mars 2010.
7) Voir le dossier de La Provence du 25 mars 2010.
8) Circulaire du 5 mars 2010, Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance.





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