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Andalousie (Espagne). En lutte contre l'austérité de la droite gouvernementale, opposé au pacte d'austérité de son parti (IU) avec les socialistes régionaux, Juan Manuel Sánchez Gordillo...

La croisade d'un maire contre les conséquences de l'austérité en Espagne (Le Monde,15 août 2012) 

Juan Manuel Sanchez Gordillo, maire de la petite ville de Marinaleda, en Andalousie, est une figure contestataire connue en Espagne, où il participe depuis une trentaine d'années à des actions coup de poing pour dénoncer les inégalités sociales et l'action des partis politiques nationaux. En août, il a fait parler de lui au-delà des frontières espagnoles en dirigeant des razzias dans les rayons de deux supermarchés d'Andalousie pour redistribuer des chariots remplis de produits alimentaires à des ONG locales. 


 Jeudi 16 août, cet élu du parti de gauche Izquierda Unida, âgé de 59 ans, que certains ont déjà baptisé "le maire Robin des bois", entame une marche de trois semaines. Il sillonnera l'Andalousie pour dénoncer les mesures d'austérité adoptées par le gouvernement espagnol et convaincre les maires de petites ville comme la sienne de ne pas coopérer. 

L'Andalousie est une des régions d'Espagne les plus touchées par la crise, avec 33,92 % de sa population au chômage. Symboliquement, Sanchez Gordillo partira de la ville de Jódar, qui détient le triste record de chômage de la région. "Il y a des personnes qui n'ont pas les moyens de manger. Au XXIe siècle, c'est une honte absolue", a dit le maire à Reuters, expliquant qu'avec sa marche de trois semaines il veut mettre en lumière les conséquences humaines de la situation économique en Espagne.

Le gouvernement du premier ministre Mariano Rajoy prévoit d'économiser 102 milliards d'euros d'ici à la fin de 2014, un total qui inclut le plan de rigueur de 65 milliards déjà annoncé en juillet. Ces économies prévoient notamment des rentrées évaluées à 35 milliards d'euros du fait des hausses d'impôt, dont la TVA à partir du 1er septembre, des coupes dans la fonction publique ainsi que dans les budgets régionaux de la santé et de l'éducation. 

Lire l'éclairage : " Jusqu'où ira la rigueur espagnole ?"

 Parmi les mesures que Juan Manuel Sanchez Gordillo conseillera aux maires de suivre : mettre un terme aux licenciements et aux expulsions de locataires et ignorer les demandes du gouvernement central quand celles-ci concernent des coupes dans les budgets. Ses actions et sa popularité grandissante dans un contexte de crise énervent passablement les responsables espagnols, Mariano Rajoy en tête. "Vous ne pouvez pas jouer à Robin des bois et au shérif de Nottingham. Cet homme ne cherche qu'à se faire de la publicité sur le dos de tout le monde", a dit Alfonso Alonso, porte-parole du Parti populaire (PP), au pouvoir. 

"Ils disent que je suis dangereux, répond M. Sanchez Gordillo. Et les banquiers qui sont disculpés après avoir fraudé ? Ils ne sont pas dangereux ? Et les banques qui empruntent à la BCE à 1 % et revendent cette dette aux Espagnols à 6 %, ce n'est pas dangereux ?" En tant qu'élu du Parlement d'Andalousie, Juan Manuel Sanchez Gordillo bénéficie de l'immunité parlementaire. Mais il assure être prêt à y renoncer. "Si je finis en prison parce que j'ai pointé du doigt les effets de la crise, ce sera un honneur pour moi", avait-il dit après l'opération contre les supermarchés, qu'il avait conduite, mégaphone à la main, avec le Syndicat andalou des travailleurs (SAT). [voir « Ni chocolat, ni desserts » : les Andalous se servent au supermarché]

Depuis, sept personnes ont été interpellées et le maire de Marinaleda, conforté par le soutien populaire et la médiatisation, a décidé de franchir un palier. "Juan Manuel Sánchez Gordillo n'a sans doute jamais été aussi populaire pendant sa longue carrière de gauchiste utopique", note, ironique, le journal El Pais.

L'intéressé préfère parler des réalisations de sa municipalité de Marinaleda. Il assure que son village de 2 645 habitants connaît le plein emploi grâce aux fermes coopératives qu'il a instaurées pour les chômeurs, parfois en confisquant la terre.

L'article sur le site du Monde :  La croisade d'un maire contre les conséquences de l'austérité en Espagne

Pour ceux qui lisent l'espagnol : Más de 400 jornaleros inician la primera marcha obrera en Andalucía [début de la marche contre l'austérité] et Así se repartió lo 'expropiado' a Mercadona [sur la façon dont ont été distribués les produits expropriés dans les supermarchés]
 

Précision : Juan Manuel Sánchez Gordillo, conformément au primat qu'il accorde à la lutte anticapitaliste, appartient au courant de Izquierda Unida qui refuse l'alliance que son parti a faite avec les socialistes du PSOE pour gouverner la région (Communauté autonome) d'Andalousie dont les premières mesures ont été dictées par  l'acceptation de ne pas dépasser la barre des 1,5 % de déficit imposée par le gouvernement central de droite ! Nous avions relevé dans un article publié en mai dernier les conséquences désastreuses de la compromission cogestionnaire de l'austérité décidée par Izquierda Unida d'Andalousie et signalé que "Le maire de la commune "révolutionnaire" de Marinaleda, membre prestigieux de Gauche Unie, avait dénoncé le truquage des résultats [de la consultation interne d'Izquierda Unida] qui, selon ses calculs, avaient donné la victoire aux opposants à gouverner avec les sociaux-libéraux!". Il s'agissait bien entendu de Juan Manuel Sánchez Gordillo. Voir notre article : Gauche radicale : s'allier ou pas aux socialistes ? L'exemple andalou

Par ailleurs notre camarade Gérard du comité NPA du Pic-Saint-Loup nous avait ramené un reportage de son séjour à Marinaleda dont Juan Manuel Sánchez Gordillo est le maire.

Eh bien oui ! Auto organisation et autogestion seraient possibles non seulement dans les communautés zapatistes du Chiapas mais aussi pas si loin de chez nous: Marinaleda, communauté autonome d’Andalousie, à 92 km de Séville, 59 km de Cordoue, moins de 1500 km de Montpellier!

(1) 

 Un gros village (2708 hab. en 2008 ) vit depuis 30 ans une expérience certainement unique en Europe. Zéro policier, zéro chômeur, des maisons à 15 €/mois. Ici le travail, la culture, l’éducation et la santé sont des droits. Ici Vous pourrez emprunter calle Ernesto Che Guevara, entre l’avenida Libertad et la calle Salvador Allende, e,t en direction du centre, découvrir une fresque qui proclame : « Guerre sociale contre le capital ».


(2)

De la pauvreté locale et de la détermination politique de Juan Manuel Sanchez Gordillo, 54 ans, instituteur, maire de Marinaleda et leader du mouvement, est né un combat qui a mené les habitants à réquisitionner, après 12 ans de luttes, 1200ha de terre propriété du Duc de l’Infantado. En 1977, au sortir du franquisme, il fut le plus jeune maire d’Espagne. Depuis, en remportant sept élections, il a battu le record national de longévité municipale. Il est membre du CUT (Collectif Uni des Travailleurs).

La production : « la terre appartient à ceux qui l’exploitent »; sur ce principe les terres ont été réquisitionnées et une coopérative créée. C’est elle qui fait vivre la majorité de la population. Comme le disent les habitants du village « ces terres ne sont la propriété de personne sinon de toute la communauté de travailleurs». On y produit et conditionne huile d’olive et légumes, artichauts, poivrons etc. A la ferme de la coopérative, EL HUMOSO, les coopérateurs travaillent 6 h 1/2 par jour, du lundi au samedi, ce qui donne des semaines de 39 h.

La récolte est conditionnée artisanalement dans la petite fabrique HUMAR MARINALEDA, au milieu du village où travaillent environ 65 personnes, principalement les femmes. Les bénéfices de la coopérative ne sont pas distribués, mais réinvestis pour créer du travail, c’est ce qui permet d’éviter le chômage. Tout le monde a le même salaire : 47 €/jour, indépendant de la fonction. Un peu moins de 1200 €/mois, mais ici une place à la crèche avec tous les repas compris coûte 12 €/mois et dans certaines conditions on peut se loger pour moins de 16 €/mois (programme d’autoconstruction). Pendant que le reste de l’Espagne paie les conséquences de la crise capitaliste immobilière, avec un taux de chômage qui a atteint 20%, ici tout le monde a du travail, grâce à un modèle unique en Europe fondé sur une économie à 90% collective et autogérée.


(3)

L’habitat : « un droit et pas une marchandise » (4), Grâce au programme d’autoconstruction plus de 350 maisons de 90 m2 avec une cour de 100 m2 ont déjà été construites par les habitants eux- mêmes. Sans discrimination, l’unique condition pour une attribution est de ne pas déjà disposer d’un logement. La municipalité met à disposition gratuitement la terre et un architecte, la Communauté autonome d’Andalousie fournit les matériaux et les habitants se retroussent les manches ! Un groupe de futurs voisins construisent ensemble une rangée de maisons mitoyennes sans savoir encore laquelle sera la leur. Le logement attribué, les finitions, l’emplacement des portes, les ouvertures peuvent être individualisés par chaque famille. Le loyer se décide en réunion du collectif. Il a été fixé à moins de 16 euros par mois.

Ni gendarme, ni curé:« Nous n’avons pas de gendarmes ici - ça serait un gaspillage inutile» (4) Les gens n’ont pas envie de vandaliser leur propre village. « Nous n’avons pas de curé non plus – Grâce à Dieu ! » (4) plaisante le maire. La liberté de pratiquer sa religion est pourtant garantie. Le dernier policier parti en retraite n’a pas été remplacé. Délinquance à Marinaleda ? «Il n’y a pas de vandalisme, par exemple, parce que tout a été construit par les gens du village. Si un jeune ou son père ou un ami a installé un banc, il n’y a pas de raison de le dégrader ou d’y faire des graffitis non ? » (4) « et le fait que les budgets soient approuvés par tous contribue également à l’absence de délinquance. » (4)

Vie sociale et culture : Cette fresque peinte face à la TV Locale donne le ton : « Apaga la TV, enciende tu mente - Eteins la TV, allume ton cerveau » … « Nous faisons beaucoup de fêtes avec des repas communs gratuits, et il y a toujours assez de volontaires pour organiser tout cela. La joie et la fête gratuites et pour tous doivent être un droit. Ce n’est pas la mayonnaise des médias qui va nous dicter ce qui doit nous plaire, nous avons une culture à nous.» (4). Dans un bâtiment sur lequel on peut lire «Sindicato de Obreros del Campo» et « Casa de cultura», à côté du local syndical, une grande salle fait également office de café, bar et restaurant. C’est un lieu d’échanges, de débats, de fête et de convivialité. C’est là aussi que se retrouvent, dès l’aube, les travailleurs agricoles pour un petit déjeuner collectif avant de partir ensemble pour une journée de travail. Durant l’été, les habitants assistent régulièrement à la projection de films en plein air dans le parc naturel. Débats, conférences, films et soutien aux peuples opprimés, notamment ceux qui sont injustement privés de leur territoire, font partie de la vie culturelle et politique du village.

Le village est relativement riche en équipements collectifs comparativement aux communes avoisinantes. Les habitants peuvent se baigner durant toute la saison estivale dans la piscine municipale pour la modique somme de trois euros. Le complexe sportif «Ernesto Che Guevara», bien entretenu, leur permet de pratiquer plusieurs sports comme par exemple le football, le tennis ou encore l’athlétisme. Les «dimanches rouges», des volontaires se chargent gratuitement de nettoyer et d’embellir leur commune: entretien des allées et jardins publics, plantations d’arbres, etc. La petite ville est non seulement l’une des plus sûre mais aussi l’une des plus propres de la région!



Démocratie : Marinaleda c’est aussi la démocratie directe. Au local syndical dans les nombreuses Assemblées Générales, on décide collectivement de toutes les affaires du village. Pour les élus : «Avant d’accepter le mandat, nous devons nous engager par contrat à toujours être les derniers à percevoir un quelconque bénéfice. C’est-à-dire que, si nous décidons, lors d’une assemblée, d’attribuer de nouvelles maisons et qu’un élu en a besoin, il sera toujours le dernier sur la liste. Pour ce qui est de la rémunération, nous ne touchons rien. Je n’ai jamais rien touché pour faire de la politique. Je suis enseignant, c’est de ce travail que je vis. » (4)

Dans la situation socioéconomique que nous connaissons, Marinaleda doit plus que jamais susciter notre curiosité, nos espoirs et notre enthousiasme pour un autre monde possible !

*Gérard

(1) photo :http://1.bp.blogspot.com/_V-tSMZk-qcc/TC21Eb4ExtI/AAAAAAAAAYs/aQ_VPz5W2_I/s1600/Marinaleda+6.JPG)

(2) photo : http://3.bp.blogspot.com/_
V-tSMZk-qcc/S82mOqhBSVI/AAAAAAAAAWc/1RlBU558cC8/s1600/Marinaleda+5.JPG)

(3) photo : http://3.bp.blogspot.com/_V-tSMZk-qcc/S82mQWs2UyI/AAAAAAAAAW8/W0nafGrg9mg/s1600/Marinaleda+1.JPG)

(4) Propos du maire. Sources principales : articles d’ El Mundo, reproduit le 14 janvier 2010 par Tout est à nous !, l’hebdomadaire du NPA, article de Mohamed Belaali et de Andrea Duffour, Asso. Cuba-si (ch)

A lire aussi 
  
Et aussi notre dossier Juan Manuel Sánchez Gordillo sur le site de nos camarades de Izquierda Anticapitalista : Elogio de Sánchez Gordillo (aunque no haga falta)










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