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Justice. Enfermement des mineurs : ni angélisme, ni hypocrisie, ni simplismes, ni pseudo-raison, donnons le coup de grâce à l'hystérie sécuritaire...

Enfermement : L’esprit fermé des naïfs de droite

A peine l’encre fraîche des déclarations de Christiane Taubira a t- elle séchée que nos habituels idéologues de droite s’en sont donné à coeur joie. Pourtant les déclarations à l’emporte pièce de MM Brice Hortefeux ou d’Yves Jégo cachent mal l’échec de leur politique sécuritaire...( http://www.liberation.fr/depeches/2012/08/07/christiane-taubira-critique-l-enfermement-et-provoque-un-nouveau-tolle-a-droite_838267).

La volonté est vive de redonner corps au clivage entre les angélistes ignares des réalités et les hommes de raison, ces derniers  siégeant forcément à droite de l’hémicycle...

Il est  bien évident que non seulement cette vision du monde est simpliste mais encore elle empêche tout débat sur les réalités de l’enfance en danger ( qu’elle soit délinquante ou pas). 

On pourrait même dire que les angélistes sont ceux qui jouent les fiers à bras  en menaçant les sauvageons du bâton et de l’enfermement... Evidemment c’est plus simple, c’est même simple comme le signe définitif d’une impuissance face à la délinquance juvénile... Otez de mon regard ces jeunes délinquants dans l’attente qu’ils deviennent majeurs,  et qu’on n' en parle plus... Quelle naïveté ou hypocrisie..c’est selon....!!!

Pourquoi les Centre Educatif Fermés ( CEF)  ne sont pas la panacée du lutte contre la délinquance

La plupart du temps associations de droit privé, les CEF ont vocation à accueillir, sur décision d’un juge des enfants, des enfants de 13 à 18 ans, souvent avant même leur condamnation, mais qui ont déjà fait l’objet d’autres procédures pénales. Conformément à leur intitulé, l’enfermement est au centre de ce dispositif et toute fugue, même sans nouveau délit, peut entraîner une incarcération. 

Une étude du contrôleur général des lieux privatifs de liberté a démontré que, par-delà un intitulé unique, les CEF fonctionnaient bien souvent avec des orientations différentes selon les lieux et que, plus les structures étaient ouvertes sur l’extérieur dans les dispositifs de droit commun (inscription à l’école, formation professionnelle, activités extra-scolaires, ...), plus la récidive était réduite.(http://www.laurent-mucchielli.org/index.php?post/2010/12/19/Le-contrôleur-général-des-lieux-de-privation-de-liberté-critique-les-centre-éducatifs-fermés).

Mais ce constat partagé et observé par tous les professionnels doit se re-situer dans  le démantèlement progressif du suivi en milieu ouvert qui a été systématiquement mis en oeuvre sous Nicolas Sarkozy... Le résultat est simple...en l’absence de suivi éducatif proche du milieu familial et de suivi psychologique, aucune prise en charge n’est proposée à l’enfance en danger...ou bien compte tenu de l’encombrement des services la prise en charge intervient de longs mois après la décision du juge des enfants... La totalité des moyens budgétaires et humains est phagocytée par les structures à visée d’enfermement .. et la vidéo- surveillance ....
Par ailleurs, l’enfermement n’est qu’une phase et toute la difficulté est de réinsérer le jeune dans son environnement familial et social. L’absence de toute passerelle  entre la prison et la société conduit inévitablement à une accentuation de la désocialisation et in fine à de nouvelles violences..

 Il est plus rentable  et efficace de favoriser des foyers d’accueil ouverts sur l’extérieur dans les dispositifs de droit commun (inscription à l’école, formation professionnelle, activités extra-scolaires, ...) pour lutter contre la récidive...( cf http://www.lepartidegauche.fr/actualites/communique/protection-judiciaire-la-jeunesse-oui-l-education-non-l-enfermement-16473#.UCQjvUJcnu1).

Courtes peines,  idées courtes...

De la même manière, la Garde des Sceaux a déclaré : «Il y a des années qu’on sait que la prison, sur les courtes peines, génère de la récidive, c’est presque mécanique. Je le dis, il faut arrêter ! Ça désocialise, ça coûte cher et ça fait de nouvelles victimes»...

Les critiques de la droite nationale et populaire ont redoublé de vigueur...

Pourtant cette situation mérite quelques explications que l’on retrouve dans un rapport publié à la documentation française établi sous l’autorité du député UMP Warsmann. 

Que disait ce rapport à propos des courtes peines : «La maison d’arrêt est la bonne réponse pour les individus dangereux, car elle remplit sa fonction de mise à l’écart. Mais pour tous les autres, elle n’est pas la solution adaptée : elle méconnaît la valeur du travail et fait perdre son emploi à celui qui en avait un ; elle n’offre que peu d’activités et signifie souvent l’oisiveté pour les détenus dans des conditions peu idéales. De plus, elle ne garantit pas les intérêts de la société en ne permettant pas de lutter contre la récidive par une préparation de la sortie. Enfin, la maison d’arrêt est la forme la plus coûteuse de détention : environ 60 euros par jours. La semi-liberté coûte de 20 à 30 euros par jour. Le placement sous surveillance électronique dans la phase actuelle de lancement coûte 22 euros par jour. Incarcérer un condamné en maison d’arrêt, c’est dépenser beaucoup d’argent pour l’isoler et pour le plus souvent le condamner à l’inactivité

Le député UMP WARSMANN proposait alors la création massive de centre de semi liberté mais  à la place nous avons eu droit au délire sécuritaire de Rachida Dati qui courrait après les idées du Front National avec les peines planchers ..(.http://prisons.free.fr/rapport%20Warsmann.htm).

Faudra t-il attendre encore longtemps pour arrêter de suivre les sornettes d’une droite en pleine déconfiture qui n’envisage comme projet de société que le gourdin à défaut d’un avenir viable pour notre jeunesse...
Semi-liberté, suivi en milieu ouvert, politique de prévention et de santé ( notamment des addictions) seront autrement plus efficaces...Il semble qu’une présidence normale devrait comprendre l’enjeu de ces mesures et se détourner de l’hystérie sécuritaire de ces dernières années. 

Enfermement : L’esprit fermé des naïfs de droite 

A lire aussi

Les centres éducatifs fermés à leur juste place (481) par Jean-Pierre Rosenczveig (Le Monde)

"La prison est toujours l'école du crime" (Le Monde du 11 août 2012)

Xavier Lameyre, 56 ans, vice-président chargé de d'application des peines au tribunal de grande instance de Paris, enseigne la criminologie et la pénologie à l'université Paris-II depuis douze ans. Il est l'auteur de l'ouvrage Le Glaive sans la balance (Grasset, 224 p., 17 euros), un petit livre incontestable qui rassemble toutes les données chiffrées de la politique pénale du dernier quinquennat et s'inquiète de sa "démesure pénale". Il clôt sa réflexion en citant Corneille : "Votre sévérité sans produire aucun fruit / Seigneur, jusqu'à présent a fait beaucoup de bruit."


Justice des mineurs, la position du NPA 

Une avancée pour la justice des mineurs

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L’annonce par Taubira de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs est une bonne nouvelle pour l’ensemble de la profession. Il faut aller plus loin en réduisant le nombre de centres fermés.
Les professionnels de la justice des mineurs ont accueilli avec soulagement l’annonce par la nouvelle ministre de la Justice, Christiane Taubira, de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs et des peines plancher. Évidemment, la droite est tout de suite montée au créneau, dénonçant ce projet. Les propos très violents tenus à l’encontre de Christiane Taubira ont des relents sexistes et racistes.
On aurait aimé un soutien plus rapide et plus ferme du gouvernement Ayrault.

Abrogation de la loi Mercier

Symboliquement Christiane Taubira a donné le ton sur la justice des mineurs en annonçant l’abrogation des mesures de la loi Mercier du 10 août 2011. Elle s’est rendue dès le 20 mai à la permanence éducative du tribunal pour enfants de Paris où l’avocat de permanence pour les mineurs déferés était Pierre Joxe ! Dans un livre récent, écrit à partir de son expérience d’avocat à l’antenne des mineurs du tribunal de Paris, il dénonçait de façon assez virulente l’abandon des réponses éducatives pour les mineurs auteurs de délits.
Les mineurs délinquants étaient dans le collimateur de Sarkozy qui n’a eu de cesse pendant son quinquennat de casser la justice spécifique des mineurs.

Création d’établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), création de centres éducatifs fermés (CEF), et suppression des centres d’insertion et des foyers éducatifs ont précédé la création de tribunaux correctionnels pour mineurs.

Ceux-ci, composés de trois juges dont un juge des enfants, peut juger des mineurs de plus de 16 ans en état de récidive et risquant une peine d’emprisonnement d’au moins trois ans. Ils peuvent juger aussi des majeurs.

Approche éducative

L’objectif était de diminuer le poids du magistrat spécialisé, le juge des enfants, qui a une approche plus éducative qu’un magistrat non spécialisé. Le résultat escompté était que les mineurs soient condamnés comme des majeurs.

Le tribunal pour enfant est lui présidé par un juge des enfants, entouré de deux accesseurs choisis au sein de la société civile pour leur connaissance de l’enfance ou de l’adolescence.

La mise en place de ce nouveau tribunal correctionnel a varié selon les juridictions : soit le choix a été de mettre deux juges des enfants et un juge correctionnel pour contrecarrer l’esprit de cette loi, soit il n’y avait qu’un seul juge des enfants.

Le SNPES-PJJ/FSU, syndicat majoritaire, avait appelé à la grève le 6 avril contre cette loi et le tout-répressif appliqué à la justice des mineurs. L’Association des magistrats de la jeunesse, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et Pierre Joxe s’étaient joints à la conférence de presse qui avait permis de médiatiser le rejet commun de ce nouveau tribunal correctionnel.

Par ailleurs, de nombreuses lois sécuritaires (lois Perben, Sarkozy) créant de nouveaux délits et durcissant les peines ont touché les mineurs, notamment en accélérant les procédures de comparution (création notamment du jugement à bref délai, qui juge entre quinze jours et un mois après le délit) ne laissant plus de place « au temps éducatif ». Supprimer ce temps éducatif qui permet de mieux appréhender la problématique des adolescents, c’est nier la possibilité à l’adolescent d’évoluer et c’est ne plus le considérer comme un être en devenir.

Déjà au tribunal pour enfants, les mineurs sont de plus en plus condamnés à des peines de prison assorties de sursis et de mesures de probation, parfois dès le premier délit, par des juges pour enfants, sous pression permanente du parquet. Dans cette logique de pression du parquet, on peut imaginer qu’à long terme, les tribunaux correctionnels pour mineurs se seraient rapprochés des chambres correctionnelles de comparution immédiate. Dans cette juridiction expéditive, pour un délit équivalent, les peines prononcées sont en moyenne supérieures d’un tiers à celles rendues dans un tribunal correctionnel classique.

Mobilisation

Si les professionnels de l’enfance en danger se réjouissent des propos de la ministre de la Justice qui dit vouloir revenir à l’esprit éducatif de l’ordonnance de 1945, et attendent rapidement l’abrogation de la loi Mercier, ils sont opposés à la multiplication des centres fermés contenus dans le projet du Parti socialiste.
Les récents propos de Manuels Valls sur le rapprochement police/justice concernant la justice des mineurs montrent qu’il faudra se mobiliser pour que l’éducatif, mis en avant aujourd’hui par Christiane Taubira, l’emporte.

Anne Leclerc


Illustration : image_68932702.jpg

Et aussi

  
Depuis trente ans, les actes violents sont de moins en moins nombreux et pourtant...

Réformer le parquet, instrument judiciaire de l’arbitraire gouvernemental, par Matthieu Bonduelle (La Revue des livres)

Extraits : Le texte qui suit a été initialement publié dans Contre l’arbitraire du pouvoir. 12 propositions (La Fabrique, 2012) et est reproduit ici avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur. Question à première vue technique et secondaire, la réforme du parquet apparaît grâce à la précision pédagogique et à la vigueur politique de l’analyse développée par Matthieu Bonduelle, juge d’instruction à Bobigny et président du Syndicat de la magistrature, comme ce qu’elle est : un enjeu essentiel pour toute politique démocratique progressiste. [...]

La situation du ministère public français relève du paradoxe : à un accroissement tendanciel de ses prérogatives correspond une inféodation croissante, qui résulte de l’évolution du droit et des pratiques.
Une telle configuration soulève deux problèmes démocratiques majeurs, empiriquement vérifiés : le traitement par le parquet des affaires dites « sensibles » et le rôle dévolu au ministère public en matière de protection des libertés. [...]

Sociologiquement, le choix des procureurs dans les grands tribunaux est crucial pour le pouvoir en place. Il est clair que ce choix se fait en fonction de la docilité, réelle ou supposée, du magistrat en question. Les pratiques illégales risquent alors d’être acceptées par des magistrats qui craignent de « rater leur carrière » : tout est fait pour que, chacun à leur niveau, ils acceptent de prendre l’avis de leur hiérarchie avant toute décision dans les dossiers sensibles. Cela constitue pourtant un détournement du texte prévoyant que le garde des Sceaux et le procureur général peuvent enjoindre de poursuivre par écrit dans un dossier classé sans suite. Le but de cette pratique est de dissimuler que la décision vient « d’en haut »…

Par conséquent, les procureurs acceptent les injonctions de poursuivre sans ordre écrit de la hiérarchie, et la même logique les conduit à accepter les injonctions de classer sans suite.

Dès lors, l’insuffisance des garanties concernant, d’une part, la nomination des magistrats du parquet et, d’autre part, les pouvoirs respectifs des procureurs et de leurs substituts, sont deux facteurs essentiels qui rendent possibles des pratiques illégitimes, voire illégales, et un contrôle de la plupart des décisions sensibles par le pouvoir exécutif.

De fait, en dépit des dénégations générales des représentants de l’exécutif et de la haute hiérarchie du parquet, les intrusions du pouvoir politique dans la sphère judiciaire en vue de contenir, entraver ou faire avorter des procédures pénales susceptibles de l’embarrasser ne sont pas rares. Le ministère public constitue alors bien souvent un relais efficace







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