Le site de l'Observatoire des inégalités publie les Premières estimations du taux de pauvreté des plus grandes communes de France à partir de l'évaluation du bureau d’études Compas pour les 100 plus grandes villes.. Voici des extraits dont ceux portant sur les villes du Languedoc-Roussillon (nous surlignons en jaune ce qui concerne "nos" villes).
Le taux moyen de pauvreté de 15 %, tel qu’il ressort de nos estimations [1]
n’a pas grand sens pour les habitants au quotidien dans leur commune.
Parmi les 100 plus grandes villes, les taux de pauvreté estimés vont de 7
à 46 % entre Neuilly-sur-Seine et Roubaix. De la même façon que l’on
observe la pauvreté par âge, sexe, catégorie sociale ou niveau de
diplôme, il faut l’observer en fonction des territoires.
Roubaix, Aubervilliers
et Saint-Denis de la Réunion sont les villes de France où le taux de
pauvreté est le plus élevé. Il atteint 46 % a Roubaix. Pour la première
fois en France, le bureau d’études Compas évalue la pauvreté au niveau
local pour les 100 plus grandes villes.
Nos calculs montrent clairement que la pauvreté se concentre dans les villes les plus importantes.
Les 100 plus grandes villes rassemblent un tiers des ménages pauvres,
alors qu’elles ne regroupent qu’un cinquième de la population. La ville
attire les plus démunis, notamment parce qu’on y trouve le plus de
logement sociaux et d’emplois. Contrairement à un discours aujourd’hui
répandu, les villes de plus petite taille, l’espace périurbain ou rural
n’est pas celui où l’on trouve le plus de ménages pauvres, même si les
deux-tiers des ménages pauvres n’habitent pas dans les 100 plus grandes
villes.
[...] Une partie des villes de grande taille connaissent
des difficultés économiques mais sont aussi devenues des pôles qui
attirent la main d’oeuvre. On peut y trouver à la fois une pauvreté
importante et un certain dynamisme économique : c’est le cas par exemple
de Montpellier et Lille (27 % de pauvres) ou Marseille (26 %). D’autres
villes importantes, comme Dijon (13 % de pauvres) ou Aix-en-Provence
(14 %) se situent autour de la moyenne. Ce sont des villes où les
ménages pauvres peuvent aussi être accueillis soit en périphérie
immédiate - c’est le cas pour Dijon avec des villes de sa banlieue qui
ont une offre de logements sociaux importante - ou vers une autre grande
ville du département (effet notamment des relations entre Marseille et
Aix). C’est le coeur des villes en bonne santé, ce qui ne signifie pas
que tout aille pour le mieux : nos données masquent des écarts par
quartier et, encore une fois, elles écartent les communes de petite
taille de l’agglomération. Une partie des plus grandes villes de France,
comme Paris (16 % de pauvres), Lyon (15 %), Nantes (17 %) ou Bordeaux
(18 %) se situent autour de la moyenne nationale. Elles jouent un rôle
de pôle d’attraction, mais les prix de l’immobilier ne permettent plus
aux plus démunis de s’y loger hors du parc social : ils se contentent de
leurs banlieues ou alors de logements de centre-ville en très mauvais
état.
Certaines villes du Sud de la France connaissent une
situation économique très dégradée avec un niveau de chômage élevé, une
proportion de population immigrée relativement importante, comme Nîmes
(29 % de pauvres), Perpignan ou Béziers (32 %) ainsi qu’Avignon (30 %).
Un travail à compléter
Cette analyse exploratoire dresse le premier portrait de la pauvreté des villes
en utilisant le concept de pauvreté monétaire. Il illustre la diversité
des territoires et l’importance de considérer avec précaution les
moyennes, qui masquent des réalités sociales divergentes. Il permet de
comprendre comment un même discours public sur la situation sociale peut
être reçu de façon différente, à Nantes, Mulhouse ou Roubaix.
Ce travail demande à être complété. D’abord en observant encore plus finement la situation des communes, quartier par quartier.
Les villes riches ne sont pas des ilôts de richesse et n’ont pas
éradiqué la pauvreté : vivre pauvre parmi les riches peut être ressenti
de façon plus violente que parmi une population moins favorisée, et
rendu encore plus difficile du fait des prix de l’immobilier. Les écarts
entre quartiers en disent long sur la mixité de la ville. La faiblesse
de la pauvreté dans certaines communes n’est parfois que le transfert
des populations démunies vers des territoires extérieurs qui ont un
habitat adapté [2].
Familles nombreuses, travailleurs pauvres, personnes seules… les formes
même de la pauvreté varient selon les territoires et mériteraient
d’être étudiées de façon plus détaillée.
Il faudrait aussi explorer des communes de plus petite taille :
notre travail s’arrête environ au seuil de 50 000 habitants, descendre
plus finement nous permettrait de compléter notre panorama. On y
trouverait notamment des communes périphériques de grandes villes, qui
viendraient nuancer les résultats obtenus, certaines communes riches
étant environnées de « satellites » moins favorisés, et inversement. Au
fond, la question de la bonne échelle et des frontières de l’observation
sociale locale mérite en permanence d’être interrogée. Nous raisonnons
dans un cadre communal, alors que la question de la pauvreté dépasse les
frontières de la ville.
François Cousseau, Louis Maurin et Violaine Mazery
Cette note est reproduite du site Internet du Compas : télécharger le PDF. Pour en savoir plus, voir aussi www.lecompas.fr
Illustration : riches‑et‑pauvre.jpg
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