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Rachel Corrie. Solidaire avec les Palestiniens à en mourir. N'oublions pas !


 Qui était Rachel Corrie, morte sous les chenilles d'un bulldozer israélien ? (Le Monde, le 28 août 2012)

A lire aussi ci-dessous : "Un bon Juif se doit de détester les Arabes" (Bellaciao)

Rachel Corrie.


"Je suis en Palestine depuis deux semaines et une heure, et les mots me manquent encore pour décrire ce que je vois", raconte Rachel Corrie dans un courriel envoyé le 7 février 2003 à sa famille, qui vit à Olympia, dans l'Etat de Washington, aux Etats-Unis. "Je ne sais pas si beaucoup d'enfants ici ont jamais vécu sans voir des trous d'obus dans leurs murs et les miradors d'une armée d'occupation les surveillant constamment depuis les proches alentours", déplore-t-elle, prenant pour la première fois conscience de l'enfance privilégiée qu'a été la sienne. 

Les courriels de Rachel Corrie ont été publiés en anglais par le Guardian ( 1 et 2) et réunis dans un petit livre en PDF par l'organisation If America knew.

Alors âgée de 23 ans, Rachel Corrie est partie fin janvier 2003 s'installer à Rafah, une ville de 140 000 habitants dans la bande de Gaza, avec sept autres volontaires américains et britanniques du Mouvement de solidarité internationale (ISM), pour jouer les boucliers humains entre la population palestinienne et l'armée israélienne. Depuis le début de la seconde intifada en septembre 2000, les habitants de ce petit territoire palestinien vivent au rythme des incursions de l'armée, qui procède à des arrestations, des bombardements et des destructions de maisons en représailles aux attentats-suicides perpétrés sur le sol israélien.

Prônant l'action directe et non-violente, les volontaires internationaux de l'ISM sont conscients des risques qu'ils prennent, mais ils se croient protégés par leur passeport étranger et entendent faire bénéficier les Palestiniens de cette protection. "Personne ne peut imaginer ce qu'il se passe avant de l'avoir vu – et même alors, on a toujours conscience que notre expérience ne reflète pas la réalité : du fait des difficultés auxquelles l'armée israélienne serait confrontée si elle tuait un citoyen américain non-armé ; du fait que j'ai, moi, les moyens d'acheter de l'eau quand l'armée détruit des puits et surtout parce que j'ai la possibilité de partir", raconte ainsi Rachel Corrie dans le courriel envoyé le 7 février.

Pourtant, le 16 mars 2003, Rachel Corrie va mourir sous les chenilles d'un bulldozer de l'armée israélienne alors qu'elle tentait d'empêcher la destruction de maisons. Première volontaire étrangère tuée par l'armée israélienne dans la bande de Gaza, Rachel Corrie est devenue un symbole de la mobilisation internationale en faveur des Palestiniens. Une pièce de théâtre basée sur ses écrits personnels a été jouée dans plus de dix pays ; l'un des bateaux engagés dans la flottille Free Gaza, le MV Rachel Corrie, porte son nom.


D'OLYMPIA À RAFAH

Rien ne prédestinait Rachel Corrie à devenir un symbole. Née le 10 avril 1979 à Olympia, une petite ville de la côte Ouest des Etats-Unis, la jeune femme grandit dans une famille peu militante. Dans ses écrits personnels, que Katharine Viner a utilisés pour la pièce de théâtre Mon nom est Rachel Corrie, l'Américaine raconte avoir commencé à militer pour la paix après le 11-Septembre, avec peu à peu l'envie d'aller voir sur le terrain à quoi ses impôts servaient. Après un stage avec l'ISM, elle part fin janvier 2003 dans la bande de Gaza.


Rachel Corrie à Rafah dans la bande de Gaza en 2003.
Cachant la blondeur de ses cheveux sous un foulard, Rachel Corrie va vivre pendant plusieurs semaines le quotidien des habitants de Rafah, qui l'hébergent et la choient en signe de gratitude. "J'ai très peur pour les gens ici. Hier, j'ai vu un père emmener ses deux petits enfants, qui lui tenaient la main, hors de portée des tanks, des snipers, des bulldozers et des jeeps parce qu'il pensait que sa maison allait exploser. Jenny et moi sommes restées dans la maison avec plusieurs autres femmes et deux petits bébés. (...) J'étais terrifiée à l'idée de penser que cet homme trouvait moins risqué de marcher à portée des viseurs des tanks avec ses enfants que de rester chez lui. J'ai vraiment eu peur qu'ils soient tous abattus et j'ai essayé de rester postée entre eux et le tank", raconte-t-elle dans un courriel adressé à sa mère, le 27 février.

Chaque jour, Rachel et les autres volontaires s'interposent ainsi entre la population palestinienne et les tanks, les bulldozers ou les tireurs d'élite de l'armée israélienne. Des images qui la poursuivent la nuit, raconte-t-elle, dans ses cauchemars mais l'adrénaline a toujours raison de sa peur. Dans son dernier courriel, adressé le 28 février 2003 à son père, elle lui dit : "Ne t'inquiète pas trop pour moi, pour le moment je suis plus inquiète par le fait que nous ne soyons pas très efficaces. Je ne me sens pas particulièrement en danger."

ÉCRASÉE PAR UN BULLDOZER


"When killing is easy" : dans ce documentaire sur Rachel Corrie, la BBC soutient la version selon laquelle le conducteur a délibérément tué la militante américaine. Pour voir la vidéo cliquer ici

Le 16 mars 2003, Rachel Corrie essaie avec les autres membres de son organisation d'arrêter pacifiquement la démolition de la maison d'un médecin palestinien par deux bulldozers D9 dans le quartier de Hi Es Salam, à Rafah. "Rachel se tenait devant la maison d'une famille dont elle était très proche. Depuis trois mois un Européen ou un Américain y dormait chaque nuit, et Rachel y avait elle-même passé plusieurs nuits", raconte Dreg Sha, un autre volontaire présent sur les lieux.

Habillée d'un gilet orange fluo et armée d'un haut-parleur, Rachel Corrie bataille pendant deux heures avec les autres volontaires pour tenter d'empêcher l'avancée d'un bulldozer. "Rachel a tenu tête au bulldozer seule parce qu'elle connaissait cette famille et parce qu'elle pensait que son action était juste. S'approchant de plus en plus de Rachel, le bulldozer a commencé à pousser la terre sous ses pieds. A quatre pattes, elle essayait de rester au sommet de la pile qui ne cessait de monter. A un moment elle s'est retrouvée assez haut, presque sur la pelle. Suffisamment près pour que le conducteur puisse la regarder dans les yeux. Puis elle a commencé à s'enfoncer, avalée dans la terre sous la pelle du bulldozer. Le bulldozer n'a pas ralenti, ne s'est pas arrêté. Il a continué à avancer, pelle au niveau du sol, jusqu'à lui passer sur tout le corps. Alors il s'est mis en marche arrière, la pelle toujours au sol, et lui est repassé dessus", poursuit Dreg Sha. 

"Rachel gisait sur le sol, tordue de douleur et à moitié enterrée. Sa lèvre supérieure déchirée saignait abondamment. Elle ne put que dire 'je me suis cassé le dos'. Après ça elle n'arriva plus à dire son nom ni même à parler. (...) Mais on pouvait voir son état se détériorer rapidement. Des signes indiquant une hémorragie interne à la tête apparurent bientôt. Après environ un quart d'heure des brancardiers sont arrivés et l'ont emmenée à l'hôpital", raconte Dreg Sha. Rachel Corrie est morte des suites de ses blessures à l'hôpital.

UNE VERSION CONTESTÉE PAR L'ARMÉE ISRAÉLIENNE


Craig, Sarah et Cindy Corrie au tribunal de district de Haïfa, le 28 août 2012.
Quatre autres volontaires, présents sur les lieux, ont confirmé cette version des faits au journal en ligne Electronic Intifada, le 19 mars 2003. Des photographies qu'ils ont prises ce jour-là, diffusées également par le site, semblent confirmer leur version. Pourtant, cette thèse a toujours été contestée par l'armée israélienne. Selon son porte-parole, le conducteur de l'engin ne l'aurait pas vue, car elle était dans un angle mort.

Aux termes de son enquête, l'armée a conclu que Rachel Corrie a été tuée "alors qu'elle perturbait les opérations menées sur le terrain par des bulldozers" militaires. "Corrie n'a pas été tuée parce que le bulldozer l'a écrasée ou du fait de l'action de cet engin, mais parce que des amas de terre et des matériaux de construction poussés par le bulldozer l'ont ensevelie", avait affirmé le rapport d'enquête de l'armée, dont le Guardian avait obtenu copie. L'armée a aussi accusé Rachel Corrie et les autres militants d'ISM d'avoir contribué à cette mort "par leur comportement illégal et irresponsable". Le procureur général militaire a fermé le dossier dès 2003 et aucune mesure disciplinaire n'a été prise.

Contestant cette décision, la famille avait déposé, en mars 2010, une plainte au civil contre l'Etat d'Israël et le ministère de la défense en demandant un dédommagement symbolique d'un dollar. Au cours du procès, un officier israélien présent le 16 mars 2003 a pour la première fois témoigné en public de l'"accident". L'officier, dont le quotidien israélien Haaretz rapporte le témoignage (en anglais), a indiqué que les militants avaient été sommés de quitter les lieux, notamment avec des gaz lacrymogènes et que l'armée s'est déplacée à de multiples reprises. "A mon grand regret, après la huitième fois, (Corrie) s'est cachée derrière un talus. Le conducteur du D9 ne l'a pas vue. Elle a pensé qu'il l'avait vue", a-t-il dit au tribunal, confirmant le témoignage du conducteur. Le juge Oded Gershon, du tribunal du district de Haïfa, a donné raison à l'armée, en rejetant le 28 août 2012, la plainte de Craig et Cindy Corrie. Ces derniers ont décidé de faire appel.



Pour aller plus loin :
  • Le site Internet à la mémoire de Rachel Corrie
  • Le site Internet de The Rachel Corrie Foundation for Peace and Justice

    Texte sur le site du Monde : Qui était Rachel Corrie, morte sous les chenilles d'un bulldozer israélien ?


     A lire aussi

    Le 16 mars 2003, Rachel Corrie était écrasée par un bulldozer blindé israélien à Gaza (videos) [Bellaciao]


    Et aussi

    "Un bon Juif se doit de détester les Arabes" (Bellaciao)
    mardi 28 août 2012

    « Un bon Juif se doit de détester les Arabes » : Zvi Ba’rel, journaliste senior au quotidien Haaretz où il est entré il y a trente ans, n’y va pas par quatre chemins pour fustiger la fausse indignation des médias et de personnalités gouvernementales, à l’annonce du lynchage d’un jeune Palestinien au cœur de Jérusalem, pendant que des dizaines de badauds regardaient la scène sans réagir. D’où cet éditorial au vitriol, que voici, dans lequel il montre la profondeur du racisme anti-Arabe qui gangrène la société juive israélienne (traduction de l’anglais vers le français CAPJPO-EuroPalestine)

    « Les jeunes criminels qui ont battu sans pitié Jamal Julani et ses cousins (les 3 victimes du lynchage cité plus haut, NDT) pour l’unique raison que ce sont des Arabes n’habitent pas dans une colonie, ils n’ont eux-mêmes jamais occupé de villes ; ils n’ont pas pris possession de l’une de ces collines dans les territoires palestiniens. Peut-être ont-ils participé à l’une de ces excursions organisées par le ministère de l’Education à Hébron, où l’on s’efforce de familiariser les enfants avec leur Patrimoine Juif. Peut-être ont-ils ici où là entendu parler de l’occupation, mais c’est bien tout.

    La célérité avec laquelle certains ont voulu voir un lien entre les violences perpétrées la semaine dernière à Jérusalem et l’influence corruptrice de l’occupation des territoires palestiniens est superflue. Les déclarations effroyables de l’un des adolescents interpellés, à savoir que Julani, laissé pour mort sous ses coups et ceux de ses complices, « pouvait bien mourir, cela m’est égal, puisque c’est un Arabe » ne sont pas un produit de l’occupation. C’est un élément inséparable de notre culture, qui a pu être quelque peu stimulé par l’occupation. Mais haïr l’Arabe et vouloir sa mort ; rester là à regarder sans rien faire, ce qui a été le cas de dizaines de passants dans cette affaire ; arrêter un Palestinien malade et le laisser crever sur le bord d’une route, comme l’a fait un policier, c’est déjà une vision globale.

    Nul besoin de lire l’ouvrage répugnant « La Torah du Roi », dans lequel les rabbins Yitzhak Shapira et Yosef Elitzur –de la yeshiva Od Yosef à Yitzhar- écrivent : « L’interdiction de tuer des non-Juifs ne résulte pas de la valeur intrinsèque de la vie de ceux-ci, vie qui n’a pas essentiellement de légitimité en tant que telle ». D’accord, les rabbins en question sont des rabbins des colonies, arbitres de la loi juive au bénéfice des hooligans des avant-postes. On peut dire qu’ils sont dans un autre pays, là où on peut ne pas faire la moindre attention aux lois de l’Etat d’Israël.

    On préférera alors s’intéresser aux propos du rabbin Shmuel Eliyahu, rabbin de Safed, une ville d’Israël. Et à ce titre fonctionnaire, subordonné au système national d’Education israélien. Eliyahu, donc, a découvert que « les Arabes vivent avec d’autres codes que nous, ils ont des normes de violence qui sont devenues une idéologie. Leurs vols sur les terres agricoles sont une idéologie. Lorsqu’ils rançonnent des agriculteurs dans le Neguev, c’est une idéologie ».

    Et qu’est-ce qu’il veut l’Arabe ? « Pas seulement voler des câbles ou les moutons de l’éleveur Juif. L’Arabe, comme on le connait, a toujours les yeux braqués sur les filles d’Israël ».

    Talila Nesher, qui tient la rubrique Education au journal Haaretz, a fait une enquête sur un manuel d’instruction civique, dont l’objet est d’aider les élèves à « comprendre » ce qu’est un Arabe. Le manuel contient la reproduction d’une lettre écrite par un groupe d’épouses de rabbins, qui adjurent les jeunes filles juives de se tenir à l’écart des Arabes. Il contient aussi des pages d’exercices préparatoires au baccalauréat. Il est demandé au lecteur de commenter la lettre, puis de prendre connaissance du corrigé, à la fin de l’ouvrage.

    Lisons donc ce corrigé, celui qui devrait permettre aux jeunes d’avoir une bonne note au bac : « Le fait pour des jeunes filles juives de fréquenter des Arabes est susceptible de conduire à l’établissement d’une relation plus étroite, et même au mariage. L’assimilation des jeunes filles juives à la minorité arabe portera alors préjudice à la préservation de la majorité juive dans l’Etat d’Israël ». Un autre argument est aussi avancé : « Lorsque des jeunes filles juives fréquentent des Arabes, cela peut comporter un risque politique (en anglais, « nationalist », NDT), et compromettre leur droit à la vie et à la sécurité ».

    L’ouvrage en question n’a pas le visa ministériel, mais il s’en est vendu des milliers d’exemplaires auprès des futurs candidats au baccalauréat.

    La « littérature » israélienne incitant à la haine des Arabes date de bien avant l’occupation. La série de livres enfantins « Danidin », de Shraga Gafni est truffée d’illustrations et d’expressions qui balisent le terrain pour le développement de la haine anti-Arabe. La collection « Mikraot Yisrael » (« Lecteurs israéliens »), qui a servi à l’apprentissage de centaines de milliers d’enfants israéliens, est elle aussi bourrée de termes incitant à la haine.

    Nous avons des gens qui passent pas mal de temps à surveiller le contenu des ouvrages scolaires publiés par l’Autorité Palestinienne. Mais on ne ressent pas la nécessité de lister toutes les recettes visant à développer la haine de l’anti-Arabe dont on nous a nourris, et qui ont fait ensuite leur propre chemin en nous. Alors, on est tenté de venir en défense de ces criminels de Jérusalem, dont le « seul crime », si l’on y réfléchit, a été de mettre en pratique la pédagogie israélienne et son éthos de « Mort aux Arabes » qui leur ont été enseignés.

    Cette mentalité continuera d’être partie intégrante de l’identité nationale juive-israélienne, quand bien même l’occupation cesserait demain matin. Et cela, parce que notre « Mort aux Arabes » n’est pas cette haine « classique » vis-à-vis de quelqu’un qui est différent, il n’est pas non plus l’infâme mot d’ordre des gangs adeptes de ce qu’ils appellent les « représailles ». Ce n’est pas non plus la même chose que la xénophobie ou la crainte du musulman, qui se retrouvent dans le racisme européen.
    Chez nous, la haine de l’Arabe fait partie des manifestations de la loyauté et de son identité qu’un citoyen juif doit apporter à l’Etat. Un Israélien loyal est un Israélien qui laissera mourir un Arabe, parce que ce dernier « est un Arabe ». Et si une personne n’est pas comme cela, c’est bien connu, « c’est parce qu’elle couche avec les Arabes ».

    http://www.haaretz.com/opinion/a-go...
    http://www.europalestine.com/spip.p...

    "Un bon Juif se doit de détester les Arabes" (Bellaciao) 

     

    A lire aussi 

     

    Israël secoué par le lynchage d'un Palestinien à Jérusalem (Le Monde)


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