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Sanofi . L'histoire d'une dérive ...depuis le gaullisme des politiques publiques jusqu'à la financiarisation actuelle


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Sanofi, un champion national qui renie son histoire pour entrer dans le champ de la mondialisation 
(Agoravox 29 septembre 2012)

Sanofi est un groupe pharmaceutique français qui s'est transformé par des acquisitions successives en Sanofi-Aventis en 2004 puis est redevenu Sanofi en 2011. Christopher Viehbacher en est le directeur général depuis le 1er décembre 2008.

C'est la première entreprise pharmaceutique française et le numéro 5 mondial en 2011. Elle est également la première entreprise de recherche et développement en France. 

Le 19 décembre 1951, une violente éruption de gaz se déclenche sur un forage à 3555 mètres de profondeur. Elle entrainera la création du site de Lacq, et sera exploitée par Elf. 

Ainsi, en 1976, la Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine qui exploitait le site devient la Société Nationale Elf Aquitaine par sa fusion avec Elf. A Lacq, on parle désormais de la Société Nationale Elf Aquitaine Production (SNEAP). En 1973, Elf Aquitaine prend le contrôle du groupe pharmaceutique Labaz, et fonde l’entité Sanofi.

 Pour autant, ce que le grand public ignore est qu’à la base, Sanofi est un groupe lancé avec des fonds publics. En effet, Elf Aquitaine décide initialement en 1973 de se diversifier et lance cette filiale de la santé sous le nom d’Omnium Financier Aquitaine pour l’Hygiène et la Santé, transformé en Sanofi.

 Sanofi est créée par René Sautier et Jean-François Dehecq le 10 Septembre 1973.

 En Octobre 1980, le groupe C.M. industries, composé de la holding Clin-Midy détenant un CA considérable pour l’époque de près de 6 milliards de francs, voit sa division Santé intégrer Sanofi, doublant la taille du groupe. Clin-Midy était issue de la fusion de deux entreprises pharmaceutiques, Midy Frères (fondée en 1867) et Clin-Byla.

 En 1999, les groupes Sanofi et Synthélabo fusionnent mais c'est surtout l'acquisition des activités des médicaments sur ordonnance de Sterling Winthrop Pharmaceuticals (1901) à Eastman Kodak en 1994, qui transforment Sanofi en grand groupe pharmaceutique mondial.

 En 2004, Sanofi-Synthélabo acquiert pour 55 milliards d'euros Aventis, issu de la fusion en 1999 de Rhône-Poulenc Rorer et du groupe Hoechst Marion Roussel (1995), rachat par le groupe allemand Hoechst (1863), de l'américain Marion Merrell Dow (1989) et du français Roussel-Uclaf (1911), assurant l’ouverture sur le monde du groupe. Sanofi-Aventis devient alors le troisième groupe mondial de la pharmacie.
 Sanofi est donc avant tout une entreprise fondée sur la volonté de diversification d’un groupe pétrolier appartenant à l’Etat ayant ensuite étendu son champ d’action à l’international grâce à une politique féconde de rachats d’autres groupes étrangers. 

 Jean-François Dehecq, fondateur historique, est fils d’un employé de banque et petits fils d’un cheminot. En 1965, il entre à la Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine (futur Elf Aquitaine). Il gravit rapidement les échelons avant d’être remarqué par René Sautier, avec qui il fonde la filière Elf Sanofi. L’entreprise est construite sur l’idée de grand représentant national de la santé : une construction de l’Etat au service de la santé. La satisfaction de l’actionnariat et la recherche de pleine santé financière ne pouvaient constituer le seul objectif de cette entreprise nationalisée, comme l’affirme le sociologue Matthieu Montalban. En effet, le président Dehecq continuait à insuffler à son groupe l’idée forte de défense de l’intérêt national.

 Le sociologue précise que contrairement à Aventis, les restructurations « n’ont pas donné lieu à une baisse des effectifs importants » et que le « cas Sanofi-Aventis souligne l’importance des institutions nationales », de par les fonds injectés à la base dans l’entreprise, la volonté de l’Etat d’en faire un champion national, le pacte de soutient actionnarial conclu avec d’autres champions (L’Oréal et Total) jusqu’en 2004. 

 Ce qui était remarquable dans cette construction était l’aspect national du groupe, assuré par la volonté de Jean-François Dehecq, à l’ère où la financiarisation et la satisfaction de l’actionnariat devenaient une priorité.
 Lors de la fusion avec Aventis, le Président d’Honneur de Sanofi s’était par exemple engagé, contre l’avis des financiers, à ne proposer aucun licenciement direct. Il avait été choisi de négocier des préretraites avantageuses pour 3000 salariés. 

 Mais, signe de l’ère du temps, l’histoire mise en avant sur le site du groupe occulte à présent le volet public de Sanofi et l’intérêt national est de plus en plus écarté. Avec le recrutement d’un DG canadien rompu à l’exercice de la gestion financière, ayant d’emblée annoncé sa volonté de licencier près de 4000 salariés sans autre forme de discussion, le groupe cède aux sirènes de la mondialisation. 

 Cette histoire récente, Sanofi aimerait qu’elle soit la seule racontable aux futures générations. L’entreprise n’assume plus vraiment sa fondation sur des fonds publics, ni son statut de champion national. Le Sanofi actuel tient ainsi beaucoup plus du sarkozysme que du gaullisme. Mais l’entreprise ne doit pas oublier le pays auquel elle doit sa réussite, et cracher sur le mode de gouvernance original qui a fait d’elle un modèle. Malheureusement, depuis quelques années, le ciel s’obscurcit pour les salariés, et le navire qu’ils ont contribué à mettre à flot a mis le cap sur Wall Street, et n’hésite plus à les jeter par dessus bord. L’Etat lui-même ne supporte plus l’attitude du groupe. 

 Logique, puisque son bébé lui a depuis longtemps échappé, et est à présent à la main d’hommes sans scrupule n’hésitant pas à empocher, pour l’un, 2 millions d’euros avant même de commencer à travailler, et pour l’autre 500 000 euros de dividendes en l’espace d’une journée tandis qu’ils mettent à sac la division recherche du groupe, l’expurgeant de la plupart de ses forces vives.

 Une situation alarmante, sans doute à des années-lumière de la conception de Jean-François Dehecq, qui reste actuellement étrangement silencieux. 



par S.Magnant samedi 29 septembre 2012


L'article sur le site d'AgoraVox

Note du blog

 
Gaullisme, sarkozysme, voire balladurisme, l'histoire de Sanofi et, plus particulièrement, sa marche vers la financiarisation accrue des choix, est marquée par un rapport de proximité avec les politiques. On n'oubliera pas à ce propos que rien moins que Serge Weinberg, l'actuel président "non exécutif" du Conseil d'Administration, en succession du fondateur du groupe, a été chef de cabinet du très socialiste ministre du Budget entre 1981 et 1982, Laurent Fabius, aujourd'hui Ministre des Affaires étrangères ! Parti se faire une santé dans le privé, il a été patron du PPR de François Pinault et d'Accor. Son arrivée comme PDG de Sanofi, avec l'appui de Sarkozy, participe d'un jeu d'équilibre et de contre-poids vis-à-vis du directeur général, Christopher Viehbacher, et du risque que celui-ci aurait présenté, s'il avait cumulé le poste de PDG, de faire passer le groupe sous contrôle étranger. Toutes choses qui ne doivent pas nous faire perdre de vue que le patron de culture "socialiste" reçoit l'éloge de ses pairs comme "champion de la gouvernance" et est jugé particulièrement "bien adapté aux problématiques de pur management de Sanofi : réductions de coûts, acquisitions" (1). Ce qui n'étonnera pas les salariés en lutte actuellement pour leurs emplois mais peut les aider à nourrir leurs actions de la défiance absolument nécessaire envers ces socialistes qui, au gouvernement, restent, malgré les déclarations (de moins en moins) tonitruantes du ludion montebourgien, dans les logiques de gouvernance chères à leur camarade sanofien ! 

(1) Sanofi-Aventis : Serge Weinberg va remplacer Jean-François Dehecq (La Tribune, 17 mai 2010)




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