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Agglo de Montpellier. La coalition PS-PCF/Front de gauche à la peine sur la CFE


Avertissement aux lecteurs : nous abordons dans cette page une question qui peut, à première vue, 
apparaître absconse, la CFE, une taxe sur les entreprises, qui pourtant est riche d'enseignements politiques. Nous invitons les lecteurs à nous suivre dans ce dossier où nous élucidons au mieux, nous l'espérons, les données techniques de la question, afin de nous concentrer sur ses importantes implications politiques qui touchent aux débats de fond sur la meilleure façon de lutter, ici aussi, à Montpellier, contre un gouvernement (et ses partisans locaux) désormais attaché à faire payer au prix fort aux populations la sortie de la crise capitaliste.

Des commerçants, artisans et professions libérales mobilisés contre l'Agglo (Midi Libre du 16 novembre 2012)

Hier à 13 h, devant l’hôtel d’agglo, les professionnels ont fait savoir leur mécontentement au sujet de la Contribution foncière des entreprises.
Hier à 13 h, devant l’hôtel d’agglo, les professionnels ont fait savoir leur mécontentement au sujet de la Contribution foncière des entreprises. (Photos R. DE HULLESSEN)

Près d'un millier de commerçants, artisans et professions libérales ont manifesté leur colère jeudi midi devant l'Agglo afin de dénoncer l'explosion de la Cotisation foncière des entreprises. 
Ce n’était pas une manifestation. C’était un face-à-face des plus virils entre, d’un côté, près d’un millier de commerçants, artisans et professions libérales, hurlant leur colère au cri de "Démission", et, de l’autre, Jean-Pierre Moure, président de Montpellier Agglomération, entouré d’élus et de quelques... gros bras.


CFE, qu’es aquò ?

La Cotisation foncière des entreprises est un impôt payé par tous les redevables économiques. Avec la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), payée au-dessus d’un chiffre d’affaires (CA)
supérieur à 1 M€, c’est l’une des composantes qui a remplacé la taxe professionnelle (TP). C’est un loyer théorique. En gros, cela dépend de la superficie du local d’activité. 

Avec la réforme de la TP le législateur a dit aux collectivités locales qui lèvent cet impôt : “Vous devez fixer
une base minimale.” L’Agglo a choisi des seuils maxi à 2 000 € pour ceux qui ont un CA inférieur à 100 000
€ et à 6 000 € au-dessus. Contre 917 € l’année précédente. Elle aurait pu ne rien changer. 

L’Agglo savait-elle que certains commerçants allaient voir leur taxe multipliée par cinq ou six ?

Elle avait tous les fichiers de l’administration fiscale de chaque contribuable soumis à la CFE pour connaître
chaque hausse par secteur d’activité. L’Agglo savait ce qu’elle faisait, sinon, cela relèverait d’une légèreté
coupable.

Est-ce que certaines sociétés sortent gagnantes ?
Oui, pour les entreprises qui ont du matériel coûteux. Sanofi, par exemple. Les professions libérales,
reversées dans ce système, y ont, pour l’essentiel, gagné. En revanche, les petits commerçants, les artisans et
les petites SARL ont toujours été à la cotisation minimum du temps de la TP, soit 380 €.

Tiré de Montpellier. Taxe CFE, l'avis du fiscaliste : "L’Agglomération savait ce qu’elle faisait" (Midi Libre)


Un PS gestionnaire jusqu'à l'aberration

A la lecture du dossier, en particulier du registre des délibérations de la séance ordinaire du Conseil d'Agglo qui s'est tenu le 29 septembre 2011 et a voté la refonte du mode de calcul de la CFE, on est frappés de l'extraordinaire légèreté de l'argumentaire précédant l'énoncé de la modification votée : "Dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, les modalités de détermination de la base de référence pour le calcul de cette cotisation minimum ont évolué. D’une part, les montants pouvant être appliqués sont modifiés, et d’autre part, une nouvelle tranche de cotisation minimum, applicable en fonction du chiffre d’affaires, a été créée.

L’institution de cette seconde tranche de base minimum fait suite à la suppression de la part recettes des bases de Cotisation Foncière des Entreprises et vient en compenser, pour partie, l’impact négatif. La suppression de cette imposition spécifique avait en effet engendré d’importantes variations en matière de cotisations entre les contribuables et généré des pertes de recettes pour les collectivités

locales.

En somme, la TP étant supprimée, l'Agglo se trouve devant un manque à gagner, l'Etat n'apportant pas les compensations promises. Il procède donc à une modification du mode de calcul qui fait passer la base minimum de cotisation au niveau de la base maximum (de 203€ annuels à ...2030€ pour un chiffre d'affaire inférieur à 100 000€ et de 203€ à 6000€ pour un CA supérieur à ce chiffre !). Aucune prise en compte des difficultés de trésorerie que cela induirait immanquablement pour les plus petites, ou même les moyennes, entreprises n'est intégrée à une démarche d'élus qui s'apparente à un pool de technocrates les yeux rivés sur leur calculette. La suite des évènements montrera qu'en réalité nous avons eu, à travers cet épisode, la manifestation crue du fonctionnement d'une assemblée de gauche dominée par un petit centre gestionnaire, effectivement des plus technocratiques, et constituée, pour le reste, par une masse d'élus, y compris du PCF et du PG, en totale délégation de pouvoir et en total suivisme cogestionnaire et somnanbulique. Tout un condensé de ce que le NPA 34 rejette : la double coupure entre, d'une part, élus et électeurs (mais aussi non-électeurs !) et, d'autre part, entre élus décisionnaires, entourés de leurs équipes de techniciens administratifs, et les élus (trop souvent) démissionnaires de leur droit de regard et de contestation des mesures proposées. En un mot comme en dix, nous sommes devant l'héritage du frêchisme, lui-même emblématique de ce que le social-libéralisme peut donner comme caricature de son affranchissement des mécanismes de la démocratie de base et de culture de soumission à un homme ou à un cercle réduit de personnes donnant le la de la politique à mener. 

On trouvera ci-après l'article de l'Hérault du jour rendant compte de la séance extraordinaire du Conseil d'Agglo réunie ce dimanche pour trouver une sortie de crise. Mais nous aimerions auparavant nous arrêter à la position des élus communistes telle qu'elle est rapportée par le même quotidien dans cet autre article. 

L'Hérault du jour du 19 novembre 2012

 

 Un Front de gauche toujours aussi brouillé avec son image de radicalité !

L'ensemble des élus PS autour (mais aussi, pour certains, contre lui, dans leur lutte des places) du président de l'Agglo Jean-Pierre Moure participe d'une logique d'acceptation de l'ordre inégalitaire capitaliste. Cette affaire de la CFE en est une nouvelle démonstration par le paradoxe d'un excès gestionnaire se retournant contre ses promoteurs. Ces élus sont totalement solidaires du cours austéritaire du gouvernement dont ils ne font que décliner localement la partition. Il n'en devrait pas aller de même, au regard de leurs grandes proclamations générales de refus du social-libéralisme, des élus, pour l'Agglo, du Front de gauche, en fait du PCF et du PG (René Revol). Ils ont pourtant tous voté la CFE et les premiers se lancent aujourd'hui, on le voit dans l'article de l'Hérault du jour, dans un acte de contrition, par ailleurs bien pataud. Un acte de contrition qui mérite notre attention car nous restons, au NPA 34, partisans malgré tout d'une démarche d'unité : malgré tout car nous ne pouvons faire l'impasse sur une unité réalisée dans un passé récent (en 2010 aux Régionales), cassée dès 2011 par le PCF 34 et assumée par le Front de gauche 34 au profit d'une démarche schizophrénique de coalition locale avec le PS et de campagne présidentielle autonome, parfois virulente contre ce même PS, autour de Mélenchon !

Quel rapport avec la CFE ? Cette rupture de l'unité en 2011 était liée, suite au demi-succès de la liste unitaire A Gauche Maintenant ! (9% des voix), à la volonté du PCF de retrouver pleinement sa logique de cogestion des institutions locales avec ce PS si décrié tout au long des Régionales. Logique que l'on trouve à l'oeuvre dans cette affaire de la CFE. Car que lit-on, à travers la palinodie empruntée des élus communistes et malgré le titre assez ronflant de l'Hérault du jour ("les seuls à...") ? Eh bien, que les élus du PCF ne se sentent pas écoutés, en particulier sur les mesures fiscales, d'un PS dont ils n'hésitent pas à affirmer qu'ils doutent de sa volonté de légiférer dans le sens d'une réforme plus juste de la fiscalité. Nous trouvons, y compris, l'aveu d'une erreur, chez Françoise Prunier, à laquelle, fidèle à sa trajectoire louvoyante, ne peut se résoudre Michel Passet qui...s'en prend à Sarkozy et à son gouvernement ! Et, disons-le, là, Michel Passet, rien moins que le secrétaire fédéral du PCF, fait fort : la droite vote une suppression de la taxe professionnelle qui ampute méchamment les ressources fiscales des collectivités locales assises sur la contribution des seules entreprises, un Agglo de gauche ne trouve pas mieux que d'en compenser mécaniquement (exit la politique) les effets négatifs par une hausse aberrante de la CFE, provoquant l'émeute des petits commerçants et artisans, et des élus communistes pensent s'en sortir par une pirouette incroyable de crétinisme légaliste : "Quand une loi est mauvaise, ce ne sont pas ceux qui l'appliquent qui sont responsables, mais ceux qui l'ont faite". Michel Passet a beau nous avoir habitués à des énormités politiques justifiant constamment une soumission au Parti Socialiste, reconnaissons que, cette fois-ci, il se surpasse et nous étonne ! Qu'il soit désormais acquis, à l'écouter, que la gauche reconduisant des lois de droite, et donc une politique de droite, n'est responsable de rien...Ni responsable, ni coupable, par exemple, de leur reconduction. Belle philosophie politique qui devrait, si le PCF avait un minimum de cohérence politique, exonérer, au plus haut niveau, le gouvernement Ayrault de continuer la sale besogne libéral-capitaliste de ses prédécesseurs de droite (de gauche aussi ?). 

Nous avons dans cette affaire de la CFE, une belle démonstration de la capacité de la composante essentielle du Front de gauche 34 à assumer (1) institutionnellement les continuités les plus aberrantes avec ce que le PS reconduit de la droite. Nous n'oublions certes pas que, suivant les circonstances les élus nationaux du PCF (ou du PG) ont pu marier des positionnements d'abstention ou de vote "contre" à un vote "pour" (sur les contrats d'avenir pourtant précarisant encore plus l'emploi). Mais précisément c'est ce qu'il importe de retenir du positionnement de cette coalition sur la CFE, sur ce fond de prises de position nationales erratiques : contre les effets de discours qu'un François Delapierre, secrétaire national du PG, a pu développer dernièrement à Montpellier, le Front de gauche n'est pas dans l'opposition frontale et constante au cours social-libéral toujours plus capitaliste du gouvernement socialiste. Il oscille sans cesse dans un "ni-ni" toujours plus décalé de ce que vivent des millions de personnes: "ni contre" ledit gouvernement, avec la proclamation d'une participation maintenue du PCF à la majorité présidentielle, depuis l'extérieur, "ni pour", autour d' une partition plus rupturiste du PG. Soit une contradiction qui se résout dans le maintien d'un dualisme complètement inopérant pour relancer une mobilisation mettant réellement en cause l'application du programme austéritaire du gouvernement (voir le refus du Front de gauche d'étudier la proposition du NPA d'organiser "une marche des travailleurs licenciés" en prenant appui ici sur les Sanofi). Tout à une conception électoraliste du changement qui oblige à attendre 2014, les composantes majoritaires du Front de gauche se retrouvent orphelines de réponses immédiates à l'agression gouvernementale contre les populations. L'idée de favoriser un mouvement social allant jusqu'au bout de sa logique de contestation ne les effleure pas car, effectivement, il y aurait un danger pour les équilibres institutionnels qu'un Passet localement ou un Chassaigne nationalement souhaitent préserver à proximité du PS : en maintenant toujours l'idée que le mouvement social pourrait au mieux aider à infléchir à gauche le gouvernement. "Sarkozy c'était le passage en force, l'autoritarisme. Hollande, il faut que ce soit l'écoute". Il faut que...ya qu'à...Merveilleux Passet. Nul doute que Hollande et Ayrault seront réceptifs à l'injonction de...leur allié, de l' intérieur ici, de l'extérieur là-haut.

Une dernière remarque en guise de conclusion : il est cocasse que ce soient des anticapitalistes du NPA 34 qui fassent la leçon de réalisme au PS et au Front de gauche en devant rappeler qu'au-delà d'une question de justice fiscale devant concerner aussi le petit patronat, il importe qu'une politique "de gauche" ne favorise pas, de façon primaire et irréfléchie, un basculement de cette couche sociale, déjà fortement perméable à l'idéologie anti-impôts, vers le grand patronat et la droite. Mais nous l'avons vu, ce n'est pas une politique de gauche, de rupture avec le système qui est à l'oeuvre à l'Agglo Unlimited ! Seulement une politique bêtement en rupture avec des petits commerçants, artisans (ou même des professions libérales pas souvent à plaindre).

(1) On notera cependant que, dans le souci de préserver ses équilibres internes fragiles, le Front  de gauche 34 est tout simplement absent en tant que tel du Conseil d'Agglo comme de la mairie de Montpellier ou de la région. Contre l'idée ressassée par ses dirigeants que cette coalition est dans une cohérence forte de tous les instants, chacun joue ses propres cartes institutionnelles avec, caricaturalement, l'exemple de la radicalité des élus GA-Fase de Montpellier qui, pour détendre les contradictions, préfèrent faire silence sur l'unité structurelle des élus du PCF avec Hélène Mandroux (et le Modem). René Revol, quant à lui, à l'inverse, n'a pas hésité à faire une ouverte unité d'abstention avec les élus communistes de l'Agglo sur la calamiteuse opération de Montpellier Unlimited qui l'a tout simplement mis en contradiction avec lui même, avec sa déclaration postérieure d'opposition totale à l'opération. On comprend, dans ces conditions, que le Front de gauche ne puisse être avancé, dans ces collectivités locales, comme répondant d'un seul homme, d'une seule femme, au PS ! Déplorons seulement que cela relève d'une politique du non-dit, contradictoire avec les discours de vérité radicale développés par ailleurs et rendant vaines les invitations adressées ici ou là au NPA à rejoindre le Front de gauche ! Une telle intégration, incontournablement fondée sur des rapports "diplomatiques" et tacticiens, au plus mauvais sens duterme, entre partenaires, aurait rendu impossibles ces lignes ! La GA illustre cette impasse et cette impossibilité politiques, depuis l'intérieur du Front de gauche, de mener la critique anticapitaliste des opportunismes qui y sont à l'oeuvre.

Antoine (comité NPA du Pic-Saint-Loup) 





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