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Aude. Pilpa : "On ne va pas pleurer, il faut se battre"

 

Carcassonne : tous solidaires avec Pilpa, et ses licenciés en sursis

PATRICIA GUIPPONI pguipponi@midilibre.com
Midi Libre 30/12/2012
 
Pierre et son épouse Nathalie, avec leurs deux enfants Lilian et Mathilde, restent optimistes.
Pierre et son épouse Nathalie, avec leurs deux enfants Lilian et Mathilde, restent optimistes. (FRANCK VALENTIN) 
 
 
Pilpa, l’usine de crèmes glacées de Carcassonne va fermer ses portes. 123 salariés sont touchés, dont Pierre Tabaczka, père de deux enfants, 23 ans de boîte. L’annonce a fait l’effet d’une bombe sur lui et les cent vingt-deux autres salariés du site : « C’est comme si on avait pris un mur de plein fouet. »


Carpe diem. En quelque sorte. Ce n’est pas son credo. C’est plutôt un état d’esprit. Pierre Tabaczka vit en sursis. Comme sur un fil. Sans se plaindre. Sans colère manifeste. Ni souci pour s’endormir. Pourtant, il aurait de quoi perdre le sommeil. Taper du poing, hurler son désespoir.

Le 5 juillet dernier, ce Carcassonnais de 44 ans a appris que l’entreprise Pilpa, fabricant de crèmes glacées, dans laquelle il travaille depuis 1989, allait fermer ses portes. Sans ménagement. Sans « explication logique, puisque nous sommes rentables ». L’annonce a fait l’effet d’une bombe sur lui et les cent vingt-deux autres salariés du site : « C’est comme si on avait pris un mur de plein fouet. »

« Pilpa, c’est une institution,  une famille » Pierre Tabaczka, salarié
Pierre était tout jeune quand il a intégré l’usine. Au retour de l’armée. Comme intérimaire, puis embauché trois ans après. « J’y suis rentré car il y avait une opportunité. Mon père Joseph y travaillait. Je me souviens d’ailleurs lui avoir dit que je n’avais pas l’intention d’y rester. » Pourtant, il s’y fait. Ne rechigne pas à la tâche. Officie à la fabrication sur les lignes de production à ses débuts, et occupe actuellement un poste de technicien d’approvisionnement. « Pilpa, c’est une institution, une famille », observe-t-il très justement.


Car l’usine a employé des centaines de salariés depuis sa création en 1972 par l’Audois Jacques Lapeyre. Fait travailler par ricochet autant de personnes. « C’est bien simple, quand on évoque Pilpa, on a toujours quelqu’un qui déclare y être entré, ne serait-ce que pour une saison, ou connaître quelqu’un dans sa famille ou ses proches qui y est. » Alors forcément, les liens sont d’autant plus forts, intimes.

Après plus de trente ans de bons et loyaux services, le père de Pierre a pris sa retraite. « Pour lui, voir son entreprise fermer, c’est également dur à avaler. D’autant plus que sa compagne y bosse toujours, ainsi que Didier mon beau-frère et Sabine ma sœur, pour des missions intérimaires. » Soit quatre personnes au chômage dans la famille si en janvier, les portails de la société ne s’ouvrent plus.
Le 10 janvier au tribunal
Pierre avoue qu’il a du mal à admettre la fatalité, anticiper l’après-Pilpa. Même si les ressources de son foyer vont en pâtir. Qu’il y a le loyer à payer tous les mois. Le prêt de la voiture. Le monde du travail peu engageant tant il est sinistre. Sans grande perspective. « Je vis au présent. J’essaie de ne pas me stresser. Je crois que je ne réaliserai vraiment les choses que lorsque l’usine fermera officiellement. »


"On ne va pas pleurer, il faut se battre"

Pourtant, le 5 juillet, il a pensé aux siens. À ses deux enfants Lilian et Mathilde, encore à l’école. Sa femme Nathalie a été la première à être avertie de la mauvaise nouvelle. « Je lui ai dit : “Mais, tu as mal compris. Tu t’es trompé !” », déclare-t-elle, en affichant la même attitude que son mari. Optimiste dans le fond. « Il y aura forcément un repreneur qui se manifestera... » Leurs espoirs sont portés par la formidable mobilisation de l’ensemble des salariés. La solidarité. Par les soutiens du dehors. « On ne va pas pleurer. Il faut se battre. »
La lutte n’est pas vaine. Le plan de sauvegarde de l’emploi, imposé par le groupe R & R Ice cream, qui a racheté Pilpa en septembre 2011, a été cassé par le juge des référés le 11 décembre dernier, car « insuffisant dans les mesures de reclassement ».

Les “Pilpa” montent une garde permanente

Un autre plan a été présenté par la direction, assignée immédiatement en référé par les salariés. Le 10 janvier, le tribunal se prononcera à nouveau sur sa régularité. Le travail devrait reprendre après trois semaines de trêve, comme c’est de coutume chaque année. L’idée d’une Société coopérative de production fait son chemin.

Les “Pilpa” montent une garde permanente autour de l’usine pour empêcher tout déménagement des machines. En décembre, avant les vacances, ils ont fait un repas. « D’habitude, il y avait à peine une cinquantaine de personnes. Là, on était cent de plus. » Les yeux de Pierre brillent. D’une étincelle qui montre que rien n’est près de s’arrêter. La même qui emplit cent vingt-deux autres regards.

IL Y A DOUZE ANS Myrys, à Limoux
 
Ce n’est plus que du passé.  La Vallée de l’Aude a pourtant été industriellement riche. Arts ménagers, chapellerie, les chaussures. Le principal fabricant était Myrys, dont les ateliers s’étendaient à Limoux, Couiza, Quillan et Carcassonne. Plus d’un millier de salariés y travaillait. 
Le premier plan social s’ouvre en 1995. Avec lui, le long combat des salariés. Entre espoirs et désillusions. L’usine mère de Limoux fermera en 2000. En 2007, 257 “ex-Myrys” obtiendront des indemnités pour « licenciement sans cause réelle et sérieuse » et « inexécution des obligations en matière de reclassement ».

La syndicaliste Marie-Jeanne Rivera, qui a en a fait les frais et continue à 73 ans à se battre pour ses anciens collègues, revient sur l’après-Myrys. L’hécatombe de drames humains. « Peu ont pu retravailler. À peine 10 %. Et encore pas pour des emplois qui correspondaient à leurs qualifications, souvent déqualifiés. »

Gisèle Vialades est l’une des rares licenciés à s’être reconvertie. Après Myrys, elle a entrepris à 48 ans, non sans courage, des études pour devenir assistante de vie et travaille depuis dans le service de soins à domicile à l’hôpital de Limoux. « Je suis une rescapée. Je pense que j’ai surtout eu la chance de trouver ma voie, un métier qui me plaisait. »

L'article sur le site de Midi Libre

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