À la Une...

Viande trafiquée. Ce n’est pas le problème de savoir si c’est du bœuf ou du cheval !

 
Dernière minute :  Castelnaudary : Spanghero peut reprendre en partie son activité

Rue 89 Entretien 16/02/2013 

« On produit de la viande comme on fabrique des bagnoles »

[ci-dessous la position du NPA]


Sophie Caillat | Journaliste
Rue89


De la viande dans une boucherie (Олександр/Flickr/CC)

En 2009, dans son livre « Bidoche » (éditions Les liens qui libèrent), le journaliste Fabrice Nicolino s’était penché sur les ravages de l’industrialisation de la viande. Aujourd’hui qu’éclate le « Findusgate », ou le « horsegate », comme on préfère, son analyse radicale prend toute sa saveur

.
Le mal semble plus profond que cette histoire de fraude ne veut bien le faire penser : c’est tout notre rapport à la viande qui est à repenser. Pas seulement parce que l’excès de consommation de « produits carnés », comme on dit, nuit à l’environnement et à la santé, mais parce qu’on a perdu le contrôle du système.
Cette affaire en est la preuve et devrait logiquement déclencher une prise de conscience des consommateurs : qui peut se satisfaire de manger du minerai de viande, dont « avant, on n’osait pas faire de la bouffe pour chat » ? 

Rue89. Qu’est-ce qui vous frappe dans la crise actuelle ? 

Fabrice Nicolino. La crise n’est pas celle qu’on croit. Arrivant après tant d’autres, elle montre que le système de la viande industrielle est en bout de course. Plus personne n’a confiance, mais aucune autorité n’a et ni n’aura le courage de reconnaître enfin que le roi est nu.

La première chose qui m’a frappé, c’est d’entendre Stéphane Le Foll dire à la radio qu’il découvrait « la complexité des circuits et de ce système de jeux de trading entre grossistes à l’échelle européenne ». Mais quelle hypocrisie ! Ce ministre de l’Agriculture, petit-fils de paysan, titulaire d’un BTS d’agriculture, connaît très bien cet univers pour avoir notamment copiné avec Xavier Beulin, le patron de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)... alors quand il feint de découvrir la lune, il se moque du monde. Il sait très bien comment ça se passe.

Pourquoi fait-il cela ? 

Parce que comme tous les acteurs de l’industrie agroalimentaire, il a une trouille bleue de se retrouver face à une crise de l’ampleur de celle de la vache folle. Il a pris des cours de communication de crise, dans le but de calmer le jeu. Et la communication de crise, en cette circonstance, passe par deux trucs vieux comme le monde :

  • désigner un coupable ;
  • et annoncer qu’on va multiplier d’implacables contrôles.
Comme il fallait trouver un bouc émissaire, on a cherché d’abord du côté de la Roumanie, puis de la Hollande, et enfin en France avec Spanghero, au pays basque. Un truand a trahi la confiance, on lui retire l’agrément, et comme on est responsables et efficaces, ça ne se reproduira pas. Tout cela n’a qu’un seul but : calmer l’opinion pour éviter un scandale majeur, qui remettrait en cause des intérêts économiques et financiers gigantesques.

Ce n’est pas une erreur du système mais le cœur du système qui dysfonctionne ? 

Bien sûr car on est passé d’une situation où la viande était issue d’un élevage plus ou moins artisanal, où il y avait un contrôle social étroit sur la manière dont les animaux étaient élevés, à une industrie de la viande, avec des abattoirs modernes, des traders, des Bourses, des régions comme la Bretagne devenues ateliers de viande et de lait...

Aujourd’hui, on peut dire que la viande a atteint la perfection industrielle, c’est une industrie mondialisée, qui appartient souvent à des fonds de pension ou des organismes financiers et qui pose les mêmes problèmes que l’économie financiarisée : la nécessité de dégager des taux de rentabilité de 8 à 10%...
Peut-être que Spanghero a été pris à la gorge par ce système. Se plaindre de cela c’est remettre en cause l’ensemble du système industriel.

On va en savoir plus sur cette viande grâce à des tests ADN.

Mais ce n’est pas le problème de savoir si c’est du bœuf ou du cheval ! Cette question-là est psychologique et non sanitaire. Le vrai scandale est de savoir ce que contient réellement la viande, d’où qu’elle provienne. Faire un test ADN est très facile, mais ce qui changerait tout, ce serait de faire des analyses chimiques complètes, et donc très coûteuses.

On se rendrait compte alors que dans l’univers mondialisé, la viande contient quantité de molécules chimiques toxiques, potentiellement dangereuses pour la santé humaine. Tout simplement parce qu’il faut « produire » de la viande le plus vite qu’il est possible, et que les techniques pour y parvenir sont connues : anabolisants, hormones de croissance, antibiotiques qui, dans certains cas, peuvent également doper la croissance des muscles.

Mais on ne fera pas ces analyses, car on serait sûr de trouver des résultats affolants. On produit de la viande comme on fabrique des bagnoles : il faut aller vite, à la chaîne, en réduisant les coûts intermédiaires.

Comment protéger le consommateur européen ? 

On ne peut pas. On a créé une créature digne de Frankenstein, un système qui a échappé au contrôle social et moral des humains. Les crédits pour le contrôle ne cessent de régresser, les services vétérinaires sont insuffisants. Et puis on ne peut pas contrôler la viande qui circule dans le monde entier. C’est comme pour les billets de banque, on est obligés de faire confiance, or la confiance n’est plus là.

Je trouve très éclairant l’exemple du MRSA, le Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM en français), qui prolifère de manière extraordinaire dans les élevages porcins. Des études aux Etats-Unis montrent que cette bactérie mutante est présente dans la moitié des porcheries.

Une enquête menée aux Pays-Bas prouve sa présence dans 57% des porcheries industrielles et chez 29% des salariés des porcheries. Un article du New York Times, basé sur des chiffres officiels, dit qu’elle a tué 19 000 personnes en 2005 aux Etats-Unis, soit plus que le sida ! C’est une bombe sanitaire autrement angoissante que la viande de cheval roumaine ! 

Or, on ne cherche pas sa présence de manière active en France aujourd’hui. Pourquoi ? A cause du système verrouillé de cogestion de l’agriculture industrielle, qui mêle depuis cinquante ans ministère de l’Agriculture, FNSEA et industriels ? 

Il est nécessaire de sortir de l’élevage industriel, mais je ne connais pas un responsable capable de dire ça. Si Le Foll disait la vérité sur ce système, il sauterait demain matin, bien entendu.

Mais je n’oublie pas que les consommateurs réclament un prix extrêmement bas pour leur alimentation (rappelons que la part de l’alimentation dans le budget des familles n’a cessé de baisser depuis un siècle). Les gens préfèrent avoir trois téléphones portables plutôt que de payer le juste prix pour une nourriture qui les maintiendrait pourtant en bonne santé.

  
 "La viande est devenue une marchandise industrielle"(tchat avec Fabrice Nicolino)
Le Monde.fr |
 Communiqué du NPA

Quelle que soit la viande c’est le capitalisme qui est vraiment indigeste


Le scandale autour de la viande dans les plats cuisinés ne se situe pas essentiellement autour du débat viande de cheval - viande de bœuf. Il révèle les conditions de fabrication des plats et plus généralement de la production agricole dans un système économique qui ne garantit que le profit. On assiste à une cascade de sous-traitants répartis sur toute l’Europe, pour assurer le profit maximum en jouant sur les écarts de prix, pour échapper aux réglementations, ce qui permet à tous de se défausser et à personne d’être responsable.

Le NPA dénonce cette logique de rentabilité qui touche tout le monde, et ce jusque dans nos assiettes. Il est temps que la production agricole soit rendue aux paysans qui doivent pouvoir vivre de leur travail, avec des circuits courts, supprimant les intermédiaires qui s’engraissent sur le dos des producteurs et des consommateurs tout en polluant la planète par des échanges qui n’ont pas lieu d’être. Il est aussi plus que temps que les consommateurs exercent le contrôle sur la nourriture produite, par le renforcement du rôle des associations, alors que l’on voit que tout est fait pour les tromper.

Cette logique mène non seulement à la malbouffe mais à la baisse des revenus des petits producteurs, au réchauffement climatique et aux escroqueries dont l’affaire Spanghero n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

Montreuil, le 15 février 2013
Précision du NPA 34 
 
Quant aux salariés de Spanghero légitimement choqués et inquiets, un rapport de force avec l'appui de  la population doit imposer à l'entreprise le maintien du salaire et de l'emploi : les travailleurs "n'y sont pour rien", ils n'ont pas à faire les frais de la fourberie capitaliste et de sa spéculation sur les risques sanitaires imposés aux population ! Le retrait de la viande suspecte s'impose, pas le retrait de l'emploi ni la diminution des salaires des Spanghero ! 

Plus d'infos »

 Lu sur le site du NPA du Gers
 .
Au bal masqué des industriels de l’agro-alimentaire…


Au bal masqué des industriels de l’agroalimentaire…

Europe libérale égale : cheval étiqueté boeuf , désinfection des carcasses à l’acide lactique , reprise de l’alimentation des animaux par des farines animales , égale consommateur en danger.

Depuis quelques jours on ne parle que de ça : le scandale de la viande de cheval substituée à du bœuf. Et outre-Manche, où ils ont levé le lièvre, le cheval c’est tabou. Ce nouvel avatar des conséquences de la mainmise des industriels de l’agroalimentaire sur nos assiettes illustre parfaitement la logique du capitalisme. Pour faire des profits, il faut produire, n’importe quoi et n’importe comment, et ensuite vendre, et donc créer le besoin (des plats cuisinés) de façon artificielle à coups de pub (moins de travail, d’effort, gain de temps, recettes élaborées par des experts…). Et comme la honte ne tue pas, on nous rebat les oreilles avec la traçabilité et la sécurité alimentaire.

Pour atteindre leurs fins, les industriels ont deux leviers : fabriquer au moins cher et vendre au plus cher. Le seul critère d’achat de la matière première (que dans le cas de la viande hachée ils osent appeler du minerai de bœuf, ils mettent donc sur le même plan du fer et des vaches) est le prix, sans se soucier de la qualité ou de la provenance. À ce petit jeu, tous les coups bas sont permis, la multiplication des intermédiaires dans les endroits les plus improbables permet de cacher l’origine et la nature de la viande. Le bal des faux culs peut commencer. Tous se rejettent la faute. Personne n’était au courant. C’est la faute au cheval qui a perdu sa roulotte et s’est trouvé dans un abattoir roumain au mauvais moment !

Cette matière première est transformée dans la même usine qui semble fournir tous les surgelés européens. Le produit est ensuite marketé sous différentes marques et emballages. La même m… sera vendue comme du haut de gamme ou du bas de gamme.

Quelles sont les réactions ? « ll faut mieux contrôler et réguler, mieux étiqueter, le système européen est le meilleur au monde mais il y a des fraudeurs, on va faire des tests ADN sur la viande, il faut rétablir la confiance, c’est la croissance et des milliers d’emplois qui sont en jeu, etc ».

L’industrie agroalimentaire concentre tous les méfaits du capitalisme et les crises sanitaires se suivent et se ressemblent comme les crises financières. Elle exploite évidemment la nature et les animaux. Leur transformation en objet de marchandisation ne fait que précéder celle des travailleurEs dont elle a systématisé l’exploitation (les chaînes de montage de voitures ont été inspirées à Ford par les chaînes d’abattage de Chicago). Les salariéEs des élevages et des abattoirs industriels sont extrêmement mal payés, et ont des conditions de travail déplorables. Les taux de maladies et d’accidents du travail y sont encore plus élevés que dans le bâtiment. S’y ajoute une souffrance psychique due à la confrontation à la souffrance animale.

Cette industrie méprise et aliène les consommateurs. Les conséquences sanitaires de la malbouffe sont bien connues (obésité, diabète, maladies cardiovasculaires et squelettiques). L’agroalimentaire a deux sœurs jumelles : l’agriculture industrielle (et ses ravages sur l’environnement et notre santé) et la grande distribution (qui exploite ses salariéEs et trompe ses clients). À elles trois, elles sont responsables d’une aliénation culturelle. En quelques dizaines d’années, notre perception de ce qu’était une bonne alimentation a été formatée et déformée : la pub nous dicte à quoi ressemble un bon fruit ou le goût du hachis parmentier, cela nous éloigne de la nature, et par là même nous rend moins sensibles à la dégradation de notre environnement.

Pour revenir à une agriculture respectueuse de l’environnement, il faut exproprier les grands groupes de l’agroalimentaire afin de leur ôter le pouvoir, puis relocaliser les productions et les décider démocratiquement avec les travailleurEs et la population en fonction de nos vrais besoins. Nous voulons travailler moins pour avoir le temps de reprendre en main notre alimentation. Jardiner et cuisiner des produits frais sont des activités enrichissantes… à condition d’avoir le temps. Ce sont des activités gratuites et qui contribuent aux liens sociaux et aux échanges intergénérationnels, elles sont à l’opposé du capitalisme.

P.-S.

 

L'article sur le site du NPA 32 

 


Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a plaidé lundi pour que l'agrément sanitaire soit redonné à l'entreprise Spanghero afin de sauver les emplois, estimant que "quand les patrons magouillent, ce n"est pas aux salariés de trinquer". Le gouvernement attend les résultats de l'enquête sanitaire avant de se prononcer. Lire ici


 A lire aussi


Une enquête façon thriller de Fabrice Nicolino sur les conséquences écologiques de la consommation mondialisée de viande

  


Consultez les articles par rubrique


CORONAVIRUS

LUTTES SOCIALES
FÉMINISME
ANTIRACISME ANTIFASCISME
>


SOLIDARITÉ MIGRANTS
ÉCOLOGIE
JEUNESSE ENSEIGNEMENT


POLITIQUE LOCALE
DÉBATS
POLITIQUE NATIONALE


INTERNATIONAL
RÉPRESSION
NPA