Solidarité avec le peuple vénézuélien
Communiqué du NPA
mercredi 6 mars 2013
Le NPA tient à exprimer sa solidarité avec le peuple vénézuélien qui
est frappé par le décès de son président. Avec Hugo Chavez disparaît
celui qui incarnait la révolution bolivarienne.
Il représentait la lutte
contre l'impérialisme nord-américain et celle pour la souveraineté du
Vénézuéla et de toute l'Amérique latine. Chavez et sa révolution ont
fait reculer la misère, développé le système de santé et d'éducation,
amélioré le sort de millions de vénézuéliens. Nous avions des désaccords
tant dans le domaine de la politique internationale - il soutenait les
dictatures iraniennes, de Libye et de la Syrie - que dans la nécessité et
la manière d'approfondir la lutte contre les classes dominantes du
Venezuela, d'organiser la démocratie, véritable, différente d’un régime
très personnel. Mais Hugo Chavez restera une référence dans la lutte des
peuples latino-américains contre l'injustice, pour leur indépendance
contre l'impérialisme.
Montreuil, le 6 mars 2013
Le communiqué sur le site national du NPA
Après la mort de Chávez
Décédé des suites d’un cancer le 5 mars 2013, Hugo Chávez a concentré
sur son nom autant de haines que de passions. Haï à droite pour avoir
osé remettre en cause la subordination du Venezuela aux intérêts US et
l’accaparement de la rente pétrolière par les classes sociales
privilégiées. Adulé par une population qui a vu reculer la misère et
qui a enfin profité d’une part non négligeable des revenus pétroliers.
A l’encontre du dogme néolibéral qui traite l’économie come un
phénomène naturel et nie toute possibilité d’intervention politique pour
la contrôler, Chávez a remis au goût du jour le primat du politique sur
l’économie. Malgré un lourd héritage historique où le mouvement social a
été lourdement réprimé pendant 40 ans d’alternance de gouvernements de
droite et sociaux-démocrates, il a voulu inverser le mouvement en
rompant avec le passé.
Sur le plan intérieur, il a utilisé les profits pétroliers pour faire
reculer la pauvreté qui a diminué de moitié en moins de 14 ans de
pouvoir. Il a apporté un accès gratuit à la santé et à l’éducation pour
une population qui en était exclue. Dans une période où les politiques
menées par la droite et la gauche social-libérales ne jurent que par les
sacrifices imposés aux plus pauvres, aux classes populaires, rien
d’étonnant à ce qu’il soit haï dans les médias français et par la
quasi-totalité des gouvernements.
Nos gouvernements ont reculé l’âge de départ à la retraite, Chávez
l’a avancé à 60 ans pour les hommes, 55 ans pour les femmes après avoir
cotisé 750 semaines (soit environ 15 ans). Chez nous, ils privatisent
les services publics et démantèlent le code du travail, Chávez
nationalise plusieurs secteurs économiques essentiels et crée un nouveau
code du travail bien plus protecteur pour les salariés. Rien d’étonnant
à ce que la population vénézuélienne soit descendue dans les rues pour
pleurer sa disparition.
A l’échelle internationale, sa mort est un coup dur pour les pays les
plus proches, les membres de l’ALBA (Alianza Bolivariana para los
Pueblos de Nuestra América) qui bénéficient d’une politique d’échange
favorable, notamment Cuba, la Bolivie, l’Equateur ou le Nicaragua. Mais
plus largement l’Amérique latine est secouée par la disparition d’un
président qui a contribué à la création de la nouvelle union
latino-américaine, la CELAC (Communauté d’Etats Latino-Américains et
Caraibéens), contribuant ainsi à desserrer l’étau imposé par le géant
US.
Outre ses succès politiques et sociaux, la «révolution bolivarienne» porte sa part d’ombre.
Sur la scène internationale, Chávez a frappé un coup dans le dos des
peuples arabes en soutenant les dictateurs comme Kadhafi, Assad et
compagnie.
Au Venezuela, les mouvements sociaux se sont fortement développés
sous Chávez, notamment le mouvement syndical, mais les chavistes ne les
imaginent qu’inféodés au gouvernement.
Sur le plan économique, il n’y a pas de projet alternatif de
développement. Les réformes portent sur une correction des aberrations
du capitalisme, par exemple sur le contrôle bancaire, en créant des
sociétés d’économie mixte ou en nationalisant des secteurs économiques,
comme les hydrocarbures, l’électricité, la production de ciment …
Le socialisme du XXIème siècle reste un mot d’ordre sans
concrétisation. Même si les réformes sociales ont sorti des millions de
personnes de la misère, la conception du pouvoir populaire est coincée
entre autonomie et subordination. Enfin, l’hyper présidence de Chávez a
étouffé les débats critiques au sein même de son propre camp et les
principaux problèmes vont ressortir avec force une fois passée la
période de deuil.
Le premier porte sur le rôle futur de la «bolibourgeoisie», couche
sociale qui s’est enrichie sur le dos du processus et qui fera tout pour
limiter l’approfondissement révolutionnaire du processus.
Le deuxième concerne l’autonomie des mouvements sociaux et la construction d’un pouvoir alternatif aux institutions actuelles.
Le troisième porte sur la rupture avec le capitalisme et la dépendance externe.
Mais malgré toutes les critiques, Chávez restera celui qui aura rendu
possible l’espoir d’un changement politique et social. De ce point de
vue, sa disparition attriste tous ceux qui partagent un idéal
d’émancipation et de justice sociale.
Patrick Guillaudat
(auteur avec Pierre Mouterde de «Hugo Chávez et la révolution bolivarienne»)
L'article sur le site national du NPA
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GOUVERNEMENTS « PROGRESSISTES » D’AMERIQUE LATINE
De l’indépendance, mais pas de socialisme
Extraits
Révolution par les urnes ? Socialisme du XXIe siècle ?
Il circule dans nos contrées beaucoup d’idées fausses et d’illusions
sur les gouvernements dits de gauche ou progressistes en Amérique
latine. Pour pouvoir se donner une politique, qui n’a nul besoin d’être
sectaire et propagandiste, il faut d’abord essayer de comprendre la
réalité. [...]
Ces gouvernements se sont gagnés le qualificatif de « progressistes »
parce que pour palier la misère et éviter de nouvelles explosions
populaires, ils ont procédé – à des degrés divers selon les pays – à une
certaine redistribution de la rente, auparavant accaparée exclusivement
par l’impérialisme, les classes dirigeantes et quelques secteurs
privilégiés. Ont ainsi surgi le plan « Faim Zéro » au Brésil, l’«
Assignation universelle par enfant » ou les plans « Travailler » en
Argentine, le « bon scolaire Juancito Pinto » et la « rente Dignité » en
Bolivie, et naturellement les Missions au Venezuela. Mais il s’agit
d’une redistribution de surface, qui permet à de larges secteurs de la
population de sortir la tête de l’eau mais peut être menacée à tout
moment par une détérioration de la situation économique.
Les gouvernements « progressistes » ont pour objectif de contrôler le
mouvement de masse, en l’empêchant de s’organiser de manière
indépendante. La tâche leur est facilitée par le fait que, même si ces
masses luttent objectivement contre le capitalisme, elles manquent d’une
conscience anticapitaliste et d’un programme propre.
Chávez en est une illustration très claire. Il améliore les
conditions de vie de la population en redistribuant une partie de la
rente pétrolière, fait une série de concessions et se gagne le soutien
des travailleurs sans sortir du cadre du capitalisme. Chaque fois que
des secteurs de masse tentent de s’organiser de façon indépendante, leur
mouvement est coopté ou désarticulé. On l’a vu se produire avec les
Cercles bolivariens, avec l’UNETE et avec le PSUV.
L’UNETE est la centrale syndicale fondée en 2003 pour s’opposer au
syndicalisme traditionnel de la CTV putschiste. La plupart des syndicats
qui la composaient, parmi eux ceux liés à Marea Socialista, ont subi
une pression telle qu’ils l’ont finalement abandonnée pour rejoindre la
CSBT, la nouvelle centrale pro-gouvernementale. Le PSUV, qui avait été
lancé comme un parti de masse offrant de grandes possibilités de
discussion interne, est devenu un appareil électoral et bureaucratique
auquel ses meilleurs militants s’opposent dans les luttes quotidiennes.
Mais à l’heure des élections, ces mêmes militants votent à nouveau pour
le PSUV, et toute tentative de s’organiser politiquement de façon
indépendante se heurte à l’incompréhension populaire. [...]
L’Histoire montre que les gouvernements « progressistes » se
maintiennent tant qu’ils bénéficient du soutien populaire, mais tombent
devant l’alliance de l’impérialisme et de l’oligarchie lorsqu’ils le
perdent.
Et le danger est présent en permanence. Si Correa conserve autour de
40 % de popularité, Morales est tombé sous ce seuil après avoir tenté
d’augmenter de 78 % le prix des carburants, sous la pression des
multinationales pétrolières. Les grandes manifestations
antigouvernementales du 8 novembre en Argentine et les résultats des
dernières élections vénézuéliennes montrent que des secteurs de la
population, fatigués de la corruption, de la pauvreté et de
l’insécurité, s’éloignent.
Toute la question est de savoir pourquoi de grandes mobilisations
anti-impérialistes peuvent finir dans ce type de frustrations. C’est la
grande contradiction que l’avant-garde ouvrière et de gauche en Amérique
latine traîne avec elle depuis des décennies. Les avant-gardes
latino-américaines sont en général très fortes sur le terrain syndical
et social, elles sont profondément anti-impérialistes et très
combatives, mais n’ont pas de claire conscience anticapitaliste et leur
indépendance politique est limitée. Elles recherchent le changement,
mais pensent qu’il peut être obtenu à l’intérieur du système. La
politique des gouvernements « progressistes », de redistribution de la
rente nationale par le biais de plans clientélistes et de concessions au
mouvement ouvrier, et en même temps de préservation des plus-values des
grandes entreprises nationales et multinationales, leur paraît « juste
».
C’est la raison pour laquelle les luttes ne génèrent pas d’issues
politiques indépendantes et restent canalisées dans les voies
électorales, en faveur de la variante réformiste ou de droite qui a
cours.
La première tâche de tout parti anti-impérialiste et socialiste en
Amérique latine est d’aider le mouvement ouvrier à conquérir son
indépendance politique de toute idéologie et de tous dirigeants
bourgeois ou petit-bourgeois. Mais pour cela, il faut comprendre la
contradiction qu’affrontent ceux et celles qui luttent tout en
continuant de suivre ce type de directions. Cette compréhension est
indispensable pour faire avancer la conscience que les luttes syndicales
ne suffisent pas et qu’il faut leur donner une expression politique,
pour le renversement du système capitaliste.
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