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Béziers. Le chômage pourrait-il grimper vers les 16 %, 18 %, voire 20 % ? "J’ai du mal à voir ce qui pourrait l’empêcher" (le vice-président PS de l'agglo)

A Béziers, l’ "hémorragie" de l’emploi fait bondir le chômage à 15,5 %

Dans le centre-ville un commerce sur deux est fermé.
Dans le centre-ville un commerce sur deux est fermé. (Photo : David Richard/Transit pour "Le Monde")

"Nous arrivons à l’été. Et qui dit été, dit grande surface." Conseillère au Pôle emploi de Béziers (Hérault), Jeanine Eché tente bien de remotiver la dizaine de chômeurs venus assister à sa réunion d’information pour des tests de caissiers au supermarché Auchan. Mais, ce matin-là, la motivation n’est clairement pas au rendez-vous, surtout quand les présents comprennent que les deux semaines de tests ne seront même pas rémunérées.

"Est-ce qu’ils s’engagent au moins à embaucher ?", interpelle un des participants. "Il n’est pas improbable qu’un CDD en découle", répond prudemment Mme Eché. L’année dernière, la moitié des personnes testées avaient pu obtenir un CDD et deux seulement un CDI. "Une attestation vous sera remise et vous aidera à trouver, à Auchan ou dans un autre supermarché", tente-t-elle de rassurer. "Mais moi, je n’ai rien pour vivre, pas même le RSA !", proteste une jeune mère de famille, tandis que d’autres se disent prêts à transiger. "De toute façon, il n’y a rien d’autre. Béziers, c’est le désastre", lâche, las, un des participants.

21 000 Biterrois pointent à Pôle emploi

Comme toutes les villes du Languedoc-Roussillon entre Sète et Perpignan, le chômage, dans la zone d’emploi de Béziers, a atteint 15,5 %. "Des chiffres affreux", ne peut que convenir Anne-Marie Ferrandez, la directrice de l’agence Pôle emploi. Mais le pire est que cette explosion du chômage s’est faite sans bruit. Aucun gros plan social. Le chômage est venu progressivement ronger la ville à coups de CDD qui raccourcissent, de missions d’intérim qui disparaissent ou de chômeurs qui ne trouvent plus rien.

Plus de 21 000 Biterrois pointent à Pôle emploi, un chiffre en hausse de près de 10 % en un an. Ici, les conseillers Pôle emploi peuvent suivre jusqu’à 500 chômeurs chacun, alors que le seuil maximum fixé au niveau national est officiellement de 350. "Depuis octobre, les inscriptions ne cessent pas. Heureusement que la saison approche et devrait enfin faire baisser un peu les listes", espère Mme Ferrandez.

                        Ci-dessous l'agence Pôle emploi de Béziers. (Photo : David Richard/Transit pour "Le Monde")

L'agence Pôle emploi de Béziers.Selon les acteurs locaux, cette explosion du chômage est d’abord due à des raisons extérieures. "Il n’y a pas eu tant de suppressions d’emplois que ça. Cette hausse trouve sa source dans l’augmentation de la population pour des raisons migratoires", affirme ainsi Cédric Gaillard, chargé de l’observatoire du marché du travail à la Maison de l’emploi.

Malgré son chômage endémique, Béziers attire encore. "Le climat et les loyers très bas amènent beaucoup de chômeurs par ici", assure Guillaume Auger, conseiller Pôle emploi. Mis à part le bâtiment, qui plonge, aucun secteur ne souffre vraiment, même si aucun ne décolle véritablement non plus, à l’image du petit bassin industriel de la ville porté par un gros fabricant de puits de pétrole qui résiste à peu près.

Le tourisme, porté par le Cap d’Agde, et l’agriculture restent les locomotives locales et attirent des saisonniers de toute la France. "Surtout en ces temps de crise où ils pensent à tort que c’est l’eldorado", estime un conseiller. Entre l’hiver et l’été, le nombre de chômeurs peut varier de 25%, le temps de réacquérir des droits au chômage pour l’hiver. Mais cette bouffée d’air ne suffit plus, la montée en gamme touristique, qui devait créer plus d’emplois, n’ayant jamais vraiment été au rendez-vous.

L’économie résidentielle n’empêche plus non plus de tomber dans le chômage de longue durée. Un Biterrois sur six est au RSA. "Nous avons de plus en plus de gens qui s’éloignent durablement de l’emploi", s’inquiète M. Gaillard. "On a l’impression que certains chômeurs perdent le sens du travail, ils oublient parfois les règles les plus élémentaires", abonde Mme Ferrandez. La zone, qui figure déjà parmi les territoires où les revenus sont les plus faibles en France, dégringole dans la pauvreté. A Pôle emploi, on ne s’étonne même plus d’accueillir des chômeurs de 23 ans contraints de retourner vivre chez leurs parents avec conjoint et enfant, faute d’emploi.

"Tout cela ne tient que par le travail au gris."

Dans le centre-ville, un commerce sur deux est fermé, certains immeubles ont été entièrement murés pour éviter les squatteurs. On ne compte plus les panneaux "A vendre" ou "A louer" qui pendent aux fenêtres de façades décrépies. Les Biterrois osent à peine fréquenter les ruelles étroites plongées dans le coma après 20 heures. Le centre est occupé par les populations les plus pauvres, souvent issues de l’immigration maghrébine ou gitane sédentarisée. De quoi alimenter un racisme latent contre "les kebabs qui se multiplient", et un vote FN qui ne cesse de progresser.

Un commerce fermé en centre-ville.
Certains immeubles ont été entièrement murés pour éviter les squatteurs.
(Photo : David Richard/Transit pour "Le Monde")

"Les emplois du secteur public qualifiés ont été aspirés par Montpellier et le niveau de qualification reste très bas", pointe Joan-Lois Escafit, leader de l’union locale de la CFDT qui compile toutes les données sur le chômage de la zone depuis des années sans voir le bout du tunnel. "Agde va bientôt franchir les 17 %, s’inquiète-t-il. Tout cela ne tient que par le travail au gris." Dans la restauration ou le bâtiment, on travaille à plein-temps en n’en déclarant que la moitié, parfois en cumulant avec le RSA. "Il faut faire venir des jeunes qualifiés. Je rêve de l’installation d’un Cap Gemini avec 150 ingénieurs qui pourrait tirer Béziers vers le haut", invoque Francis Pozo, du Medef local.

Une antenne de l’université de Montpellier et un IUT ont bien emménagé récemment dans de nouveaux locaux, mais pas de quoi attirer les cadres qu’on jalouse à la capitale régionale. Le seul projet concret d’installation d’entreprise est celui d’une base logistique d’Intermarché, pour regrouper deux sites déjà existants.

"Pour être honnête, je ne vois pas de manière d’arrêter l’hémorragie à court terme", admet Alain Romero, vice-président PS de l’agglomération. "Il faut faire un effort sur la formation", plaide-t-il, en lorgnant vers certains postes de l’industrie ou de l’accompagnement à domicile qui ont toujours du mal à trouver preneur. Le chômage pourrait-il, sinon, grimper vers les 16 %, 18 %, voire 20 % ? "J’ai du mal à voir ce qui pourrait l’empêcher", lâche l’élu.

Le texte sur le site du Monde 

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