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Fachos. Stratégie identitaire de la popularisation "gramscienne" (!) des thèmes du racisme anti-blanc et de l'islamisation de la France...


Les identitaires picards, nouveau visage de l’extrême droite
La Horde 2 août 2013 
 
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 Cet article a été écrit par Fabien Dorémus et initialement publié par Le Télescope d’Amiens, journal en ligne indépendant en Picardie

Petit tour d’horizon sur les Identitaires en Picardie, avec le chercheur Stéphane François, spécialiste de l’extrême droite. Petit passage également sur les skinheads néonazis du Picard Crew.

Ils collent des affiches et des autocollants dans Amiens et d’autres villes de la région. Ils militent pour une Europe uniformément blanche. Pour propager leurs idées, ils apportent un soin particulier à leur communication. Enquête sur cette nouvelle mouvance de l’extrême droite.


Nationalement comme localement, les «identitaires» ne sont pas très nombreux. En revanche, leurs idées progressent dans l’espace public. Depuis le 13 juillet dernier, il existe officiellement une organisation politique en Picardie qui se revendique de cette idéologie. Son nom: Génération identitaire Picardie. C’est un nouveau visage de l’extrême droite.

En France, on peut dater la naissance de ce courant politique à avril 2003, avec la fondation du Bloc identitaire. Si les idées que cette organisation porte ne sont pas tout à fait nouvelles, le Bloc identitaire et les différentes formations qui vont se créer dans son sillage vont populariser le terme «identitaire» jusqu’à former un véritable courant politique.

Le Bloc identitaire est, pour partie, l’héritier d’Unité radicale, ce groupuscule violent d’extrême droite qui s’est fait connaître en 2002 après que l’un de ses sympathisants a tenté d’assassiner le président de la République Jacques Chirac, lors du défilé du 14 juillet. Suite à cet attentat manqué, le groupement Unité radicale est dissout en août 2002, par décret, en raison de son encouragement à «la discrimination, la haine et la violence à l’égard de certains groupes de personnes, notamment des étrangers présents sur le territoire français et des Français issus de l’immigration» (voir le Journal officiel du 8 août 2002). Quelques mois après, le Bloc identitaire voyait le jour. Il est l’une des deux principales structures identitaires en France, avec Terre et Peuple.

Mais la leçon de la dissolution d’Unité radicale est retenue. Pour éviter une éventuelle future dissolution, «le Bloc identitaire adopte une stratégie de confédération», explique Stéphane François, spécialiste des droites extrêmes, docteur en science politique et historien des idées à l’université de Valenciennes. Il indique que la mouvance identitaire est une galaxie de petites organisations militantes, souvent ancrées dans un territoire bien défini, et qui ne sont pas liées statutairement les unes aux autres. Si l’une devait être dissoute, cela n’affecterait pas nécessairement les autres.

Les «nôtres» avant les «autres»

Que veulent les identitaires? Une Europe blanche. «Être identitaire, c’est défendre en toute circonstance, dans son engagement militant, associatif ou syndical, mais aussi dans son comportement quotidien, l’identité ethnique et culturelle dont nous sommes les détenteurs. C’est se conduire en Européen et s’opposer à tout ce qui peut attenter à cette identité», expliquent-ils.

Ils adoptent un positionnement radical contre l’islam et l’immigration. «Le Bloc prône donc le retour des immigrés dans leurs pays respectifs […] De fait, la mouvance identitaire refuse la mondialisation, destructrice d’identité», notent Stéphane François et le sociologue Yannick Cahuzac dans la revue Question de communication (n°23, à paraître).

«Idéologiquement, les Identitaires défendent donc une sorte de «socialisme ethniciste» [...] qui peut se résumer de la façon suivante: aider «les nôtres», au sens racial de l’expression, avant «les autres»», précisent Stéphane François et Yannick Cahuzac.

Dans la région, Génération identitaire Picardie s’est créée 13 juillet à Amiens. Il s’agit de la déclinaison locale du mouvement politique Génération identitaire, fondé en septembre 2012 et qui se présente comme une «communauté de combat qui rassemble des garçons et des filles à travers toute l’Europe francophone». C’est un mouvement de jeunesse qui s’adresse à la jeunesse.

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Lancement de la section picarde, à Amiens le 13 juillet dernier (dr).
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Depuis plusieurs mois, le groupe est actif à Amiens, Soissons, Beauvais, Compiègne et Crépy-en-Valois. Un activisme qui se manifeste pour l’instant uniquement par des collages d’affiches ou d’autocollants.

En janvier dernier, à Amiens, des autocollants sont notamment apparus sur la vitrine d’un restaurant à kebabs de la rue Jules-Barni. Les slogans qui y figurent sont lourds de sens: «732, Poitiers… Ils t’en ont pas parlé?» et «Défends toi, ici c’est chez toi». La bataille de Poitiers a vu la victoire, en 732, des armées des Francs et des Aquitains contre celles du Califat régnant alors sur le monde musulman.

De lointaines références

Lorsqu’on lui parle de ces autocollants posés sur la vitrine du restaurant, le leader de Génération identitaire Picardie est un peu gêné. Pas en raison des slogans mais parce que «normalement, on ne colle pas sur les vitrines, on a une ligne de conduite». Les slogans, eux, sont assumés : «Leur culture ne doit pas remplacer la nôtre».


Photo prise en janvier 2013, rue Jules-Barni à Amiens.

Benjamin a 24 ans, il habite dans les environs d’Amiens. Avant de devenir identitaire, il a fait ses armes au Front national dès l’âge de 16 ans, «un peu comme tout le monde chez nous». Mais le FN ne lui plaît pas. Pas assez régionaliste, trop porté sur «la politique de l’urne» et trop hiérarchisé: «En tant que militants, on avait juste le droit de coller des affiches. Alors que chez nous [les identitaires, ndlr] on s’appuie sur les talents de chacun: celui qui sait écrire va rédiger des tracts, celui qui sait dessiner va s’occuper du graphisme, etc. C’est une entraide générale pour aider la communauté.»

Aujourd’hui Benjamin est le représentant officiel de Génération identitaire Picardie, qui revendique une trentaine de membres. «L’idée principale c’est de dire que nous appartenons à une triple patrie: à l’Europe, qui est notre identité civilisationnelle, à la France et à notre région.» Être Français, pour Benjamin, c’est «s’assumer en tant que Français, vivre la culture française», bref résister aux «immigrés qui arrivent avec leur bagage culturel et qui nous l’imposent».

Des références chez un SS français

Les identitaires veulent construire une France et une Europe des régions. Comme l’indique le chercheur Stéphane François sur son blog, ils s’inspirent notamment des idées défendues par Saint-Loup (le pseudonyme d’écrivain du SS français Marc Augier).

Ainsi, en 1976, Saint-Loup écrivait une tribune dans le périodique d’extrême droite Défense de l’Occident. Il y défendait sa thèse régionaliste: «L’Europe doit [...] être repensée à partir de la notion biologiquement fondée du sang, donc des races, et des impératifs telluriques, donc du sol. Voilà quel est le contenu des « patries charnelles ». [...]Au Centre d’études de Hidelsheim, au monastère SS « Haus Germania », nous avions dressé la carte des « patries charnelles » [...]. C’était une Europe racialement fondée et dénationalisée. Je la considère comme parfaitement valable aujourd’hui, car, aujourd’hui comme hier, les Bretons ne sont pas des Niçois, les Basques des Andalous, les Bavarois des Prussiens, les Corses des Picards et les Piémontais des Siciliens! Nous disions: chacun chez soi et les vaches seront bien gardées… mais gardées par la SS, bien entendu, car la masse reste incapable de s’autogérer.»

Aujourd’hui, Saint-Loup reste une référence pour la mouvance identitaire. Comme en témoigne ce conseil de lecture de la section niçoise de Terre & peuple.

Les méthodes de Greenpeace

Génération identitaire, dont une section vient de voir le jour en Picardie, est une très jeune organisation. Elle a été créée à l’automne 2012. Elle est souvent perçue comme la branche jeunesse du Bloc identitaire. Cependant Benjamin, l’identitaire amiénois, affirme que les deux structures sont autonomes: «Le Bloc s’occupe plutôt de la politique politicienne. Nous sommes indépendants. Mais nous avons les mêmes idées, les liens sont très bons».

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Sur la page Facebook de Génération identitaire Picardie, des militants de Soissons posent devant des affiches du Bloc identitaire.
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Question «politique politicienne», le Bloc identitaire avait tenté, lors de la campagne présidentielle de 2012, de présenter un candidat, Arnaud Gouillon. Mais il avait fini par retirer sa candidature. «Ça avait bloqué au niveau du budget», explique Benjamin. Mais l’objectif principal était rempli: «C’était surtout une action médiatique». Comme bien souvent.

Car chez les identitaires, le nombre de militants n’est pas très élevé (moins de mille chez le Bloc identitaire, par exemple) mais la communication est très travaillée. Pour se faire connaître, les actions coup de poing, à fort potentiels médiatiques, sont privilégiées. «On s’inspire des méthodes de Greenpeace. Ça marche plutôt bien. On commence à bien se faire connaître», se réjouit le leader de Génération identitaire Picardie.

Leur dernier coup d’éclat ? Le déploiement d’une banderole «Hollande démission» sur le toit du siège du Parti socialiste à Paris. C’était le 26 mai, en marge d’une manifestation contre le mariage pour tous. Deux mois plus tard, 19 membres de Génération identitaire ont été condamnésà de légères peines d’amende pour violation de domicile.

La stratégie de communication des identitaires repose sur le happening. «On fait souvent des actions liées à l’actualité locale, comme au Quick de Lyon.» Plus précisément, c’était à Villeurbanne, en mars 2010. Des jeunes identitaires de la région avaient envahi le fast-food qui servait de la viande halal.

Provocation contrôlée

Autre action: en octobre 2012, quelques semaines après la création officielle de Génération identitaire, plusieurs dizaines de militants ont occupé la mosquée de Poitiers, en construction, déployant une banderole rappelant encore une fois la date de «732».

«Ils font des actions symboliquement très violentes mais qui ne tombent pas sous le coup de la loi», résume le chercheur Stéphane François. Comme lorsqu’ils organisent des «apéros saucisson-pinard» ou lorsqu’ils distribuent de la soupe au cochon aux SDF, afin d’en priver ceux dont la religion interdit l’ingestion de viande porcine.

Stéphane François décrit les identitaires comme étant «plutôt des intellectuels» issus des classes moyennes. «Ils ont de bonnes assises culturelles qui leur permettent de faire de la provocation contrôlée.» Une sociologie différente d’autres groupes d’extrême droite comme, localement, les skinheads du Picard Crew, issus de milieu plus populaires.

Outre l’origine sociale de leurs membres, Génération identitaire et le Picard Crew divergent sur l’idéologie: «Le Picard Crew, proche du Parti de la France, est un mouvement pétainiste, jacobin, franco-français, anti francs-maçons et antisémite, ce qui n’est pas le cas des identitaires», explique Stéphane François. Interviewé récemment par France bleu Picardie, le leader du Picard Crew, Werner Riegert expliquait tranquillement que «le national-socialisme [l'idéologie politique du parti nazi, ndlr] est l’une des clefs qui peut nous faire sortir de la crise». Un discours que l’on n’entendra pas chez les identitaires.

La formation des militants au coeur de la stratégie

«On a tellement été diabolisés qu’on fait attention, raconte Benjamin. Il est important de se faire bien voir. C’est pour ça qu’il faut être formé.» La formation, c’est la clef de voûte du système de communication des identitaires. Chaque été, depuis onze ans, les jeunes identitaires organisent pendant une semaine un camp identitaire dans une région de France (différente à chaque édition). Au menu: entraînement physique, boxe, discipline militaire, formation politique, chants régionalistes autour du feu de camp, mais aussi apprentissage de la communication.

Le camp identitaire organisé en août 2012 a notamment consisté à s’exercer à la rédaction de communiqués de presse. Pour les participants de cet atelier, il s’agissait de réaliser un communiqué de presse suite aux événements survenus quelques jours auparavant dans le quartier nord d’Amiens. «C’est très important de savoir bien les faire [les communiqués de presse, ndlr] et de pouvoir être réactifs, témoigne un participant devant la caméra de Génération identitaire. Parce que, s’il sort très vite, il est beaucoup plus efficace.»

«Il faut former les militants parce qu’on veut un mouvement sérieux», explique Benjamin, l’identitaire picard. Ainsi, le camp d’été s’adresse notamment aux cadres ou futurs cadres de la mouvance identitaire. Ceux qui seront habilités, ensuite, à parler à la presse. «Je n’ai pas pu aller au camp l’an dernier, mais j’y serai cette année», sourit Benjamin.

Les identitaires maîtrisent très bien leur rapport aux médias. «On buzze ! On profite des médias pour faire le buzz, se montrer, se faire voir», explique-t-il. Pas étonnant de découvrir que l’un des porte-parole nationaux de Génération identitaire, le lyonnais Damien Rieu, exerce la profession de chargé de communication. Le leader du Bloc identitaire, Fabrice Robert, travaille également dans le milieu de la communication, il est le fondateur de l’agence de presse Novopress.

Pour propager ses idées, la mouvance identitaire utilise principalement l’outil numérique. «S’il est un mouvement au sein des droites radicales françaises qui a fait très tôt le choix de miser sur l’outil internet comme principal instrument de développement, c’est bien le Bloc Identitaire: il est né, ne l’oublions pas, au moment où Internet prend son essor et se démocratise en France», expliquent Stéphane François et Yannick Cahuzac, dans le numéro 23 de la revue Question de communication.

«Gramscisme numérique»

Chez Génération identitaire Picardie, on ne dit pas autre chose: «On essaye de toucher les jeunes là où ils se trouvent, c’est-à-dire derrière leurs ordinateurs.» Et le résultat semble concluant. Par exemple, la page Facebook de Génération identitaire totalise déjà plus de 21 000 «J’aime». Alors que dans le même temps, une organisation comme le Mouvement des jeunes socialistes (MJS) n’en totalise que 15 000 sur la sienne.

Grâce à leur activisme médiatique et leur présence sur Internet et ses réseaux sociaux, la mouvance identitaire parvient petit à petit à propager ses idées au sein des droites et même parfois au-delà. C’est ce que Stéphane François et Yannick Cahuzac appellent le «gramscisme numérique» des identitaires, du nom du communiste italien Antonio Gramsci, qui a laissé à l’histoire des idées son concept «d’hégémonie culturelle». Antonio Gramsci expliquait que «l’hégémonie idéologique et culturelle précède la victoire politique». En insufflant certains de leurs concepts dans l’espace public, les identitaires espèrent participer à une future victoire politique de l’extrême droite.

Investir les associations régionalistes

Et ça marche plutôt pas mal. En 2008, la mouvance identitaire a remis au goût du jour le concept de racisme anti-Blanc. Aujourd’hui, le président de l’UMP Jean-François Copé n’hésite pas à reprendre le terme. Même chose en 2012, pendant la campagne présidentielle, lorsque la candidate du Front national, Marine Le Pen, a imposé – avec le concours du système médiatique – la thématique de la viande halal, elle reprenait une campagne menée un an plus tôt par le Bloc identitaire.

Des événements qui réjouissent Benjamin: «Pour le racisme anti-Blanc, c’est bien que Copé commence à s’en rendre compte. Et sur l’islamisation, on en parle beaucoup, l’opinion du peuple commence à nous être favorable.»

Et en Picardie ? «Le discours régionaliste, sécuritaire et anticapitaliste ne marche pas trop ici, constate le chercheur Stéphane François, lui même originaire du département de l’Aisne. Pourtant, dans la région, on a une langue, des jeux picards, une gastronomie particulière sur lesquels ils pourraient s’appuyer.» Justement, «on a le projet de créer une association nouvelle, centrée sur la langue picarde, révèle Benjamin. Enfin, ce n’est pas encore sûr, on va voir. Quoi qu’il en soit, on a déjà des militants dans des associations de langue picarde.»

Le texte sur le site de La Horde

NPA 34, NPA

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