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Paul Valéry (Montpellier) : des paroles de présidente ne sont pas paroles d'évangile pour mener la lutte !



Anne Fraïsse est une présidente courageuse et battante mais...


L'Hérault du jour du 21 novembre 2013

Mais, dans l'entrevue qu'elle a accordée à L'Hérault du jour (voir ci-dessous), elle joue une carte paradoxale fragilisée, celle de la gestionnaire contestataire de la ... gestion gouvernementale qui, à ce jour, ne donne aucun signe de pouvoir infléchir celle-ci dans un sens favorable à la communauté universitaire qu'elle représente. On peut même déceler dans sa "colère" assumée autre chose que la généreuse et habile offensive du début de son conflit avec la ministre qu'elle voulait mettre devant l'aberration de son orientation : une politique du pire qui pourrait l'amener à aller jusqu'au bout de la logique de l'austérité gouvernementale en procédant elle-même aux coupes sombres imposées par cette logique (voir ici). Un tel positionnement sur le mode "retenez-moi (Fioraso) ou je fais un malheur (je ferme Béziers, etc.) !" signe en fait une grande naïveté, désormais exaspérée par son inefficacité, quant à l'espoir que ces gens qui nous gouvernent puissent s'horrifier des conséquences libérales-capitalistes de leur politique et modifier celle-ci. Croire que Fioraso, et par réaction en chaîne, Ayrault et Hollande pourraient "comprendre" et devenir "raisonnables",  c'est un peu comme penser que Valls aurait un ressort politique lui permettant de "prendre conscience" qu'il joue au FN et donc de se reprendre. 

Anne Fraïsse, par-delà sa provocante et stimulante politique de la mise au pied du mur de la ministre, au nom des intérêts des étudiants, des personnels, des études, du savoir, de la raison, etc. néglige le fait que ses interlocuteurs institutionnels sont dans une logique politique qui n'a que faire, sauf pour la parade idéologique, des valeurs humanistes et de ce qui touche aux humanités : ce sont de froids gestionnaires qui se placent, comme d'ailleurs, avec une certaine inconséquence, elle-même le reconnaît, dans le sillage, et pas seulement sur le terrain de l'université, de cet emblème du libéralisme opportuniste et voué au culte de l'argent qu'est le sarkozysme !

La générosité vitupérante d'Anne Fraïsse trouve donc actuellement ses limites : ses collègues présidents d'université n'ont pas son audace, les CA des autres universités, trop longtemps habitués à composer avec les "réalités incontournables" des temps de vaches maigres, ne tentent de construire aucun rapport de force global et donc le tête-à-tête de deux fortes femmes commence à tourner au désavantage de la "gestionnaire antiaustérité" de Montpellier, comme l'exprime la question du journaliste de L'Hérault du jour : "A lire certains journaux, on dirait que la ministre veut sauver Béziers et pas vous...". C'est ce que certains étudiants de Béziers en viennent à penser tellement le brouillage de l'action de la présidente de Montpellier 3 s'épaissit alors que la droite locale et le ministère manoeuvrent habilement contre elle en "montant" Béziers contre Montpellier (voir ici).

Du coup, comme la sagesse populaire le rappelle, la colère (ici de l'impuissance) étant mauvaise conseillère, Anne Fraïsse en vient à cibler ses propres étudiants coupables, selon elle, d'utiliser le blocage des locaux dans leur mobilisation pour défendre le service public universitaire. On peut certes toujours contester que le blocage soit l'arme absolue pour renforcer une action revendicative, il n'est cependant pas correct (euphémisme) de céder aux facilités complotistes en évoquant "une part de manipulation en interne" dont seraient victimes les étudiants. Sans céder à l'angélisme de penser que les déroulements d'AG qui peuvent être amenées à voter un blocage soient paradisiaques, on doit refuser ce fond de mépris qui considère ses propres étudiants comme une passive masse de manoeuvre de ces quelques meneurs, "faux étudiants", prêts à tout pour dévoyer les revendications ! S'engager dans une telle lecture des choses et des gens devrait amener la présidente à réfléchir à l'effet boomerang qu'elle induit sur la qualité d'une université, la sienne, qui "fabriquerait" des étudiants moutonniers !

Le plus simple et respectueux envers les étudiants c'est de mener avec eux un débat dégagé du caniveau des stigmatisations faciles (1) en commençant par reconnaître que leur logique d'action n'a pas à être indexée sur une politique de la présidence et du CA dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle n'a rien prouvé de décisif. Les étudiants de Paul Valéry mènent, apprennent à mener, des AG, à discuter et à prendre des décisions, certes pas toujours dans l'harmonie (comme il est normal), mais Anne Fraïsse, à juste titre d'ailleurs, est, elle-même dans une virulence revendiquée comme méthode de "discussion" avec sa ministre ! Les étudiants renouent les fils, cassés ou distendus, d'une histoire, celle des contestations universitaires, faite de grèves, de coordinations, de manifestations et de stratégie de blocage, oui, c'est le mot, visant à faire reculer les gouvernements voués à la casse de leurs études. Cette façon de faire n'a pas en soi moins de légitimité que celle que suit Anne Fraïsse vis-à-vis de Fioraso. Les deux démarches, malgré des convergences d'opportunité, ne sont pas appelées à s'accrocher l'une à l'autre, elle peuvent même déboucher sur des accrochages (blocage du CA par les étudiants mardi) : d'autant que la tactique du clash gestionnaire contre l'austérité promue par la présidente porte en elle quelque chose que les étudiants pointent lucidement comme éminemment dangereux; elle pourrait finir par devenir, sans la capacité de percussion d'une mobilisation étudiante radicale et généralisée, une vraie gestion austéritaire qui se résoudrait in fine, entre autres, à tirer au sort les étudiants à inscrire, fermerait les cours et les postes d'enseignants jugés en excédent par rapport aux possibilités financières d'une université qui serait ainsi renvoyée définitivement, après l'échec de la contestation, à son ... autonomie de gestion telle que la consacre la LRU 2 sarko-hollandaise ! 

En somme les étudiants n'ont aucune raison de jouer avec le feu "présidentiel" du "je supprime, je rogne, je ferme si vous m'y poussez" ! Nous pensons même qu'ils doivent impérativement ne pas se laisser impressionner par les sorties de leur présidente contre les formes de mobilisation qu'ils adoptent. Ils ont à construire en toute indépendance vis-à-vis des institutions de leur propre université un mouvement d'ensemble qui, tant pis si cela chagrine madame la présidente, est le seul à pouvoir faire reculer ce gouvernement. Comme vient de le prouver tout récemment la mobilisation en Bretagne qui a obtenu la suspension de la socialement injuste et écologiquement inefficace écotaxe  !

Correspondant NPA 34

(1) Anne Fraïsse déclare à L'Hérault du jour que "le groupe qui a cassé à la CCI n'était pas un groupe d'étudiants". Une telle déclaration en dit long sur la fébrilité actuelle, la perte de sang froid, de la présidente : il n'y a eu, lors de la dernière manifestation, aucune "casse" dans les locaux montpelliérains du patronat, comme nous avons pu le constater nous-mêmes. Quelques brochures éparpillées au sol et un compréhensible désagrément parmi le personnel de l'établissement ne font pas une "casse". On peut, là aussi, ne pas trouver particulièrement judicieux d'envahir de tels locaux mais il est étonnant d'entendre une présidente d'université reprendre, sans plus de vérification, la version qu'un responsable patronal, à la fiabilité douteuse, a donnée des choses.

Disons-le pour conclure : pour sa part, le secteur jeune et enseignement supérieur et recherche du NPA 34 soutient sans réserve le mouvement étudiant.

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