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François Hollande, nouveau président des riches...


7 630 contribuables assujettis à l'ISF , ont profité d’un cadeau de 730 millions d’euros, du fait du plafonnement gouvernemental !


Mediapart 5 décembre 2013 

Extraits

S'il y a un dispositif qui symbolise le quinquennat de Nicolas Sarkozy et les injustices qu’il a générées, c’est assurément celui du bouclier fiscal. À juste titre, c’est ce que n’a cessé de faire valoir la gauche en général et les socialistes en particulier : ce mécanisme qui faisait obligation à l’État de rendre des millions d’euros aux contribuables les plus fortunés assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) était assurément très emblématique de la politique conduite à l’époque par le « président des riches ».

Eh bien voilà que le symbole fonctionne aujourd’hui en sens contraire. Car depuis que François Hollande, sitôt arrivé au pouvoir, a décidé de conduire une politique d’austérité budgétaire et salariale, de relever le plus inégalitaire des impôts qu’est la TVA, d’apporter 20 milliards d’euros aux entreprises sous forme de crédit d’impôt sans la moindre contrepartie, de flexibiliser encore davantage le marché du travail, de renier sa promesse faite aux ouvriers de Florange, de conduire une réforme des retraites qui épargne le capital et accable le travail, il est apparu au fil des mois qu’il ne restait plus grand-chose qui distinguât sa politique économique et fiscale de celle impulsée par son prédécesseur. Il ne restait plus guère précisément que la suppression de ce fameux bouclier fiscal, si vivement et si justement dénoncé par la gauche.

Eh bien non ! Même cette différence n’en est plus une. Et la droite va pouvoir, à bon droit, se moquer d’une gauche qui, après lui avoir fait un procès en injustice fiscale, pratique exactement la même politique fiscale qu’elle, y compris dans le cas de l’ISF. C’est ce qui transparaît très clairement des statistiques sur l’ISF que le président (UMP) de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Gilles Carrez, est arrivé après bien des difficultés à obtenir du ministre des finances, Pierre Moscovici. Évoqués jeudi matin par le quotidien Les Échos, les chiffres livrés par Bercy font en effet très clairement apparaître que le gouvernement socialiste a mis au point un dispositif très proche de ce fameux bouclier fiscal de Nicolas Sarkozy. Dans le cadre de la loi de finances pour 2013, il a instauré un mécanisme de plafonnement permettant de limiter à 75 % des revenus l’ensemble des impôts payés, ISF compris. Du même coup, 7 630 contribuables assujettis à l’ISF ont bénéficié en 2013 de ce plafonnement, ce qui a diminué le montant de leur impôt de 730 millions d’euros. […]

Sur les quelque 300 000 contribuables assujettis à l’ISF (pour un rendement l’an passé de près de 5 milliards d’euros), une infime minorité, soit 7 630 contribuables, ont profité d’un cadeau de 730 millions d’euros, du fait de ce plafonnement. C’est même encore plus spectaculaire que cela ! Ce sont 2 674 contribuables, ceux qui disposaient d’un patrimoine net taxable supérieur à 10 millions d’euros, qui se sont partagé l’essentiel du magot, soit 640 des 730 millions.

En somme, exactement comme sous les années Sarkozy, ce sont les ultrariches qui ont bénéficié de ce cadeau. À preuve, pour ces 2 674 contribuables chouchoutés par le gouvernement socialiste, la minoration d’ISF induite par le plafonnement a été en moyenne de 237 663 euros. […]

Ce cadeau apparaît d’autant plus spectaculaire qu’il n’est pas le seul et surtout qu’il est en contradiction totale avec les engagements pris par François Hollande. Pendant la campagne présidentielle, le candidat socialiste mène en effet la charge contre le « président des riches » et promet qu’il supprimera le bouclier fiscal et rétablira un ISF vidé de sa substance. La promesse est consignée dans la plate-forme du candidat (elle est ici) – c’est sa proposition n° 17 : « Je reviendrai sur les allègements de l’impôt sur la fortune institués en 2011 par la droite, en relevant les taux d’imposition des plus gros patrimoines. »

Mais François Hollande n’a pas, ensuite, honoré son engagement. S’il a rétabli des taux d’imposition progressifs pour l’ISF, il a porté le taux marginal à seulement 1,5 %, pour les patrimoines supérieurs à 10 millions d’euros. […]
Mais, sans que personne ne le remarque et sans que cela ne fasse débat, François Hollande n’a en fait pas honoré totalement son engagement, car au tout début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le taux marginal de l’ISF était non pas de 1,5 % mais de 1,8 %. […]

Et puis surtout, il y a eu une autre reculade. Pendant son quinquennat, Nicolas Sarkozy avait en effet décidé que la première tranche d’imposition à l’ISF commencerait à partir de 800 000 euros de patrimoine comme par le passé, mais à la condition – et c’était cela la mesure de Nicolas Sarkozy – que le contribuable dispose d’un patrimoine d’au moins 1,3 million d’euros. En clair, le barème de l’impôt  était resté inchangé, mais le seuil de déclenchement de l’impôt avait été relevé de 800 000 euros de patrimoine à 1,3 million d’euros. On trouvera ici, sur le site internet de l’administration des impôts, les détails du mécanisme.

Or, sans tambour ni trompettes, cette mesure pour transformer l’ISF en gruyère, avec plein de trous permettant aux contribuables d’y échapper, a été maintenue par François Hollande. Et précisément, le seuil de déclenchement de l’ISF a été maintenu à 1,3 million d’euros, et non pas rabaissé à 800 000 euros, comme on aurait pu le penser au vu de la promesse du candidat.

Pour la petite histoire – mais n’est-ce que la petite histoire ? –, on peut d’ailleurs relever qu’il y a un contribuable qui n’a sans doute pas à se plaindre de ce choix : c’est… François Hollande lui-même ! Si l’on en croit sa déclaration de patrimoine (elle peut être consultée ici), le président socialiste dispose d’un patrimoine total de 1,17 million d'euros, constitué pour l'essentiel par des biens immobiliers. Officiellement, il n’est donc pas redevable de l’ISF, compte tenu des contours actuels de l’ISF. Mais sans doute le serait-il s’il avait choisi d’honorer sa promesse. […]

Illustration photo par NPA 34 tirée d'ici 

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NPA 34, NPA

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