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Décryptage de la stratégie électorale du PS...


... un parti de notables implantés et de nouveaux profils managériaux, d'hommes et de femmes d'appareils représentant un tiers des adhérents. Leur objectif : dépolitiser les municipales...



La place numérique et stratégique occupée par les professionnels de la politique au PS en a bouleversé progressivement l’économie interne et l’économie morale […]. Les intérêts électoraux sont devenus prépondérants à tous les niveaux, et particulièrement au niveau municipal. […]

[La] municipalisation du PS, si elle s’est accentuée à partir des années 1980, notamment sous l’effet des réformes de décentralisation, est le produit d’une longue histoire. Le socialisme s’est constitué à la fin du XIXe siècle autour des mairies et en a tiré l’essentiel de ses ressources organisationnelles (constitution de réseaux, soutien aux associations, politiques sociales permettant de fidéliser des clientèles locales, rétribution du militantisme par l’embauche dans les administrations locales…). La politisation des communes en a fait des leviers de transformation sociale. Le PS est aujourd’hui, plus que tout autre parti, structuré au niveau municipal, même si les gestions locales des élus socialistes se sont largement dépolitisées. Si le « socialisme municipal » n’est plus un marqueur politique ou un emblème partisan, le PS est devenu une machine à investir des candidats aux élections municipales (Lefebvre 2009). Près d’un tiers des adhérents socialistes sont élus municipaux (sans compter les salariés des mairies ou les collaborateurs politiques… directement intéressés au jeu municipal et à la préservation des intérêts électoraux du parti).

C’est dire si les prochaines élections municipales constituent un enjeu politique essentiel pour les socialistes et s’ils redoutent cette échéance, dans un contexte politique marqué par la très forte impopularité de l’exécutif national. Depuis 2012, le PS a perdu toutes les élections partielles législatives ou cantonales, n’accédant parfois même pas au second tour. Le scrutin de mars prochain ouvre un cycle d’un an d’élections intermédiaires (municipales, européennes, régionales et départementales) qui vont, à l’évidence, mettre à l’épreuve son ancrage local. C’est en s’appuyant sur ses notables et un discours localiste que le PS cherche à atténuer ce que les médias présentent depuis des mois comme un « vote sanction » annoncé. […]

Dans notre ouvrage publié en 2011, nous émettions l’hypothèse que les primaires présidentielles étaient une manière pour ce parti d’élus qu’est le PS de « donner le change sans changer la donne », c’est-à-dire de donner une image d’ouverture sans fondamentalement changer la nature du Parti socialiste (Lefebvre 2011). Cette hypothèse est ici vérifiée. Le principe de la reconduction des sortants est toujours jugé intangible au PS, ce qui explique en grande partie l’âge relativement élevé des maires à la veille des élections municipales. […]

La désignation des candidats fait néanmoins apparaître un certain renouvellement générationnel. Déjà amorcé en 2008, l’effacement de la génération d’élus promus en 1977, souvent d’origine enseignante et passés par le militantisme syndical et associatif, s’accentue. L’examen des nouveaux candidats confirme un phénomène de professionnalisation à l’œuvre au PS depuis quelques années, qui se traduit par la promotion d’un nouveau profil d’élus, issus des cabinets des collectivités territoriales ou de la fonction publique locale et formés à la science politique. […]

« Dénationaliser » les élections municipales 

 

C’est en s’appuyant sur ces notables implantés et ces nouveaux profils managériaux que le PS cherche à localiser au maximum le scrutin municipal et à le dépouiller de toute dimension « nationale ». Christophe Borgel déclarait le 15 février 2013 au Figaro, non sans ironie : « Évidemment, quand on est au pouvoir, on dit que les municipales sont un scrutin local, et quand on est dans l’opposition, on dit l’inverse ». Le 13 décembre 2007, François Hollande, alors premier secrétaire du PS, déclarait, en effet, vouloir faire des élections municipales « un grand rendez-vous national sur la question du pouvoir d’achat ». Six ans plus tard, face à l’UMP qui cherche à faire du scrutin un « vote sanction », Harlem Désir déclare, lors de la convention nationale du 7 décembre 2013 : « L’élection municipale va d’abord être une élection locale et les électeurs répondront à la question “quelle femme, quel homme, pour diriger notre commune, pour porter les projets de développement de notre commune ?” ». Cette stratégie localiste prend appui sur l’apolitisme gestionnaire que les maires socialistes revendiquent de manière de plus en plus décomplexée. Le PS a produit pour les élections municipales un slogan peu « clivant » (« la ville qu’on aime pour vivre ensemble ») et une « charte » (à défaut d’un programme) de cinq pages portant les « valeurs communes » des élus et candidats socialistes qui déclinent des mots d’ordres consensuels (la ville socialiste doit être « créative », « douce à vivre », « écologique », « attractive », « engagée », « citoyenne », « solidaire », « sûre », « bien gérée »…). […]


Une victoire (plausible) du PS à Marseille – ville qui fait l’objet de toutes les attentions de la direction – pourrait éclipser la perte d’un nombre important de villes moyennes (Angers, Amiens, Auxerre, Metz, Poissy, Saint-Étienne ou Valence pourraient basculer à droite).

La bataille municipale se joue aussi sur le terrain symbolique de l’interprétation électorale. Pour le parti au pouvoir, il s’agit en somme de « gérer » la prophétie d’une défaite annoncée.


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Un site à consulter pour 1/ vérifier à quel point la droite est vraiment au pouvoir et 2/ mesurer à quel point s'allier au PS pour "faire barrage à la droite" part d'un raisonnement circulaire où la droite et le patronat sont, à l'arrivée, toujours au rendez-vous ! La défaite populaire aussi...




 NPA 34, NPA

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