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La guerre est déclarée : Valls vient d'annoncer l'un des plans d'austérité les plus violents depuis la Libération...


Le 12 avril la gauche politique et sociale a posé un premier contre-feu, la provocation de ce jour appelle une riposte d'envergure ! 

    Attention ! Cette photo est unique en son genre, elle est semi-délatéralisée : regardez bien, à gauche il n'y a personne, les deux personnages sont à droite !


 
La rupture de François Hollande avec la gauche est décidément consommée ! 

Après avoir décidé d’organiser un plan d’allègements fiscaux et sociaux d’une ampleur historique en faveur des entreprises sans leur demander la moindre contrepartie ; après avoir nommé à Matignon le premier ministre le plus à même de mettre en œuvre cette politique néolibérale, en l’occurrence Manuel Valls, il a donné son imprimatur, mercredi 16 avril, au cours du conseil des ministres, à l’un des plans d’austérité les plus violents que la France ait connus depuis la Libération, de même nature que ceux de 1982 ou 1983. Ce plan d’austérité, dont Manuel Valls a décliné les grandes lignes en milieu de journée, présente la triple caractéristique d’être économiquement dangereux, socialement injuste et démocratiquement illégitime. […]

* Un plan d’austérité injuste

 

À l’examen de ce plan, qui n’est encore guère détaillé, le premier constat qui saute aux yeux est, de fait, son caractère socialement injuste. Portant sur 50 milliards d’euros d’économies qui devront être réalisées en 2015, 2016 et 2017, à hauteur de 18 milliards sur le budget de l’État, 11 milliards sur les collectivités locales, 10 milliards sur l’assurance maladie et 11 milliards sur les autres dépenses de protection sociale, il vise en somme à faire financer par les salariés modestes, les fonctionnaires, ou encore les retraités les cadeaux de plus de 36 milliards d’euros (30 au titre du « pacte de responsabilité », auxquels s’ajoutent d’autres baisses d’impôt) qui viennent d’être annoncés en faveur des entreprises.

C’est cela, la principale injustice de ce plan : il vise à organiser le plus gigantesque transfert de revenus qui ait jamais eu lieu en France des ménages, notamment les plus pauvres, vers les entreprises, y compris les plus riches.

Ce plan, qui ressemble strictement en tous points à celui qu’aurait pu présenter en des circonstances identiques un François Fillon sous la présidence de Nicolas Sarkozy, comporte, ensuite, quand on l’examine poste par poste, de nombreuses autres injustices.

– 18 milliards d’euros d’économies sur l’État. Ce premier volet du plan d’austérité, ce sont les 5,2 millions de fonctionnaires qui vont en faire les frais puisque leurs rémunérations de base vont continuer à être bloquées. « Nous confirmons le gel du point d’indice », a en effet déclaré Manuel Valls. Ce gel a commencé en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy et devrait donc se poursuivre. Jusqu’à quand ? Jusqu’en 2017 ? La formulation utilisée par le premier ministre est assez ambiguë pour le suggérer.

Cette disposition sera socialement très lourde de conséquences, puisque les rémunérations de base des trois fonctions publiques sont bloquées continûment depuis plus de quatre ans. Ce gel va contribuer à un effondrement du pouvoir d’achat de catégories sociales dont les revenus sont souvent faibles. À titre d’indication, l’Insee vient de publier une étude […] qui révèle que les salaires net moyens des trois fonctions publiques ont baissé en euros constants en 2012. […]
 
Les fonctionnaires, qui ont très majoritairement voté pour François Hollande au second tour de l’élection présidentielle, vont donc payer un lourd tribut au plan d’austérité. L’Élysée et Matignon n’ont, toutefois, pas osé aller au-delà, en mettant en application une autre mesure sulfureuse qui avait été aussi mise à l’étude dans le groupe de réflexion constitué autour de François Hollande : un blocage des mesures de promotion ou d’avancement dans la fonction publique.

Pour ce qui concerne l’État, les autres dispositions évoquées par Manuel Valls lors de son allocution, ou dans le document publié par Matignon, restent particulièrement imprécises. Si imprécises qu’il ne faut pas exclure d’autres très mauvaises surprises lorsque le véritable détail du dispositif sera transmis au Parlement et ne pourra plus être entouré de fortes zones d’ombre.

Dans le cas des effectifs de la fonction publique, les 60 000 créations de postes dans l’éducation nationale, qui constituaient la promesse phare du candidat François Hollande, sont-elles ainsi toujours d’actualité ? Ou, comme y a réfléchi secrètement ces dernières semaines l’Élysée, ces créations pourraient-elles être légèrement revues à la baisse, d’environ 15 000 postes ? […]

Toujours au titre de l’État, le document de Matignon fait cette mention qui n’a pas été remarquée parce qu’elle est très elliptique : « Les interventions de l’État seront également recentrées pour être plus efficaces. » Énoncée de la sorte, la formule passe, effectivement, inaperçue. Mais c’est un tort car il faut avoir à l’esprit que ce que les têtes d’œuf de Bercy, dans leur jargon, appellent « dépenses d’intervention » constitue une immense enveloppe budgétaire de plus de 60 milliards d’euros, soit plus que les recettes de l’impôt sur le revenu, et dans ce montant sont compris de nombreux crédit sociaux. Dans le lot, il y a ainsi ce que l’on appelle les interventions de guichet (minima sociaux, aides au logement, prestations versées aux anciens combattants, bourses scolaires ou universitaires...), mais aussi les subventions d’équilibre aux régimes spéciaux de retraite ou transferts aux collectivités locales…

Même si le gouvernement a démenti depuis plusieurs jours toute suppression des aides au logement pour les étudiants non boursiers, il faudra donc encore attendre pour savoir qui d’autre sera visé par les coupes claires dans ces crédits.

Enfin, dans ce chapitre, une dernière formulation évasive peut susciter une légitime inquiétude et inviter à penser que quelques mauvais coups sont en gestation : « Les opérateurs et autres agences de l’État verront leurs dépenses de fonctionnement et leurs interventions revues à la baisse », peut-on lire dans le document. Dit de la sorte, cela passe aussi inaperçu. Mais il faut avoir à l’esprit que les opérateurs de l’État sont au nombre de 550 […] et jouent un rôle économique et social souvent décisif […].

 

Un plan avec beaucoup de zones d'ombre

 
– 11 milliards d’euros d’économies sur les collectivités locales. Ce second volet est encore plus évasif et imprécis que le premier. Lors de son intervention, Manuel Valls n'a guère donné de détails. Et le document de Matignon se cantonne, lui aussi, à des généralités, du genre : « La Dotation Globale de Fonctionnement sera reformée dans le projet de loi de finances (PLF 2015), pour encourager les comportements vertueux et renforcer les mécanismes de solidarité financière entre collectivités riches et défavorisées. » […]

– 10 milliards d’euros d’économies sur l’assurance maladie. Ce troisième volet du plan d’austérité entretient, lui aussi, de grandes zones d’ombre sur ce que veut réellement faire le gouvernement. […]
Là encore, il faut donc attendre pour savoir ce que cachent les formulations langue de bois. […]

Les prestations sociales ne seront pas revalorisées pendant un an. […] Cette décision va avoir de très graves répercussions sur les 15 millions de Français qui sont retraités, dont le pouvoir d’achat, de l’avis de tous les spécialistes, risque de s’effondrer, car cette disposition de gel des retraites de base va venir se cumuler avec l’accord survenu entre les partenaires sociaux, prévoyant que les retraites complémentaires (Agirc-Arrco) soient revalorisées d'un point de moins que l'inflation en 2013, 2014 et 2015 […].

Sus donc aux retraités ! Mais sus aussi aux pauvres… Ne prenant visiblement soin de n’épargner aucune catégorie de Français, même les plus pauvres, François Hollande et Manuel Valls ont décidé que les bénéficiaires du RSA apporteront aussi leur quote-part au plan d’austérité. « Décidés dans le plan pauvreté de janvier 2013, les engagements de revalorisation exceptionnelle pour le RSA, le complément familial et l’allocation de soutien familial sont confirmés. Mais elles seront décalées d’une année », a dit le premier ministre.

Décryptons, pour que cela soit plus clair. Lors de sa campagne, le candidat socialiste avait pris des engagements énergiques pour faire reculer la pauvreté. Et en application de ces promesses, une conférence nationale de lutte contre la pauvreté s'est tenue à Paris les 11 et 12 décembre 2012. C’est à cette occasion qu’un plan avait été présenté, prévoyant toute une série de mesures comme la revalorisation de 10 % du RSA (Revenu de solidarité active) sur cinq ans et la création de 8 000 places d'hébergement d'urgence. […]

En clair, la hausse de 1,3 % du Revenu de solidarité active (RSA) « socle » (revenu minimum pour personnes sans ressources) intervenue au 1er janvier 2014 aurait dû être complétée par une augmentation exceptionnelle de 2 % le 1er septembre 2014. Dans le cadre de ce plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le gouvernement avait en effet décidé une augmentation de 10 % d'ici à la fin du quinquennat.

Au terme du plan d’austérité, c’est donc cette hausse de 2 % qui est finalement annulée. Et du même coup, le plan pauvreté est gravement remis en cause.

Usant toujours de la langue de bois, le document de Matignon apporte aussi cette autre précision, un tantinet elliptique : « La modernisation de la politique familiale engagée en 2013 sera poursuivie, en renforçant l'équité des aides aux familles, et en orientant davantage les prestations vers l'emploi des femmes (0,8 milliard d’euros). » Traduction : cette mesure qui vise à renforcer « l’équité » – il faut être gonflé pour oser écrire cela ! – permettra de dégager 800 millions d’euros d’économies. Mais la formule est encore trop tordue pour que l’on puisse comprendre quelle disposition de la politique familiale va être rabotée…

* Un plan d’austérité dangereux

 

Socialement explosif, ce plan d’austérité est aussi économiquement dangereux, pour de multiples raisons.

D’abord, le gouvernement soumet les fonctionnaires, les retraités ou encore les pauvres à un violent plan d’austérité dans un seul but : trouver les financements nécessaires pour apporter les 36 milliards d’euros de cadeaux annoncés aux entreprises. Sans ces cadeaux, il n’aurait pas eu besoin de soumettre le pays à une telle purge. En clair, le plan d’austérité ne vise en rien à réduire les déficits publics, pour être en conformité avec les engagements pris auprès de Bruxelles.

Or, le gouvernement va offrir ces 36 milliards d’euros aux entreprises sans la moindre contrepartie. Sans obtenir des entreprises des engagements en termes d’emploi ou d’investissement. Il est donc probable que ces cadeaux provoquent surtout des effets d’aubaine et viennent gonfler profits et dividendes au profit des actionnaires. C’est ce que suggérait une étude récente de l’Insee. […]

En clair, le plan d’austérité n’a aucune justification économique. À l’inverse, il risque d’avoir de nombreux effets pervers. Poussant à la baisse le pouvoir d’achat des Français, qui a subi depuis deux ans une chute sans précédent depuis 1984, il risque de replonger le pays dans l’anémie, alors que les signes de reprises sont encore extrêmement ténus.

Il y a donc une forme de dogmatisme de la part du gouvernement, dans la décision qu’il a prise de mettre en œuvre ce plan d’austérité, et dans les modalités. Car, à bien des égards, on sent la patte de la « Troïka » dans ce plan d’austérité : il est très proche de ces fameuses réformes dites structurelles dont raffolent le FMI, Bruxelles et la Banque centrale européenne. Voici donc, en somme, la France en train de suivre une voie assez proche de celle de l’Espagne. Une sorte de cercle vicieux : davantage d’austérité qui conduira à moins de croissance qui conduira à plus de déficits, qui conduira à plus d’austérité…

Ce cercle vicieux, c’est le prix Nobel d’économie Paul Krugman qui l’a le mieux décrit dans l’une de ses chroniques récentes du New York Times : « François Hollande a cessé de m’intéresser dès que j’ai compris qu’il n’allait pas rompre avec l’orthodoxie destructrice de l’Europe et son parti pris d’austérité. Mais maintenant, il a fait quelque chose de vraiment scandaleux. Ce qui me choque, c’est qu’il souscrive désormais aux doctrines économiques de droite, pourtant discréditées. (…) Quand François Hollande est arrivé à la tête de la deuxième économie de la zone euro, nous sommes quelques-uns à avoir espéré qu’il se dresse contre cette tendance. Mais comme les autres, il s’est soumis, soumission qui vire désormais à la faillite intellectuelle. L’Europe n’est pas près de sortir de sa deuxième “grande dépression”. »

* Un plan d’austérité illégitime

C’est la dernière réflexion à laquelle invite ce plan d’austérité : s’il apparaît stupéfiant, c’est aussi parce qu’il est mis en œuvre, comme dans une folle fuite en avant, par un pouvoir qui vient d’être gravement sanctionné, précisément pour avoir ébauché cette politique d’austérité.

Ce plan prend donc des allures de provocation. Alors que la gauche est fracturée comme elle ne l’a jamais été ; alors que la majorité présidentielle vient d’imploser et que les Verts viennent de sortir du gouvernement ; alors que la fronde a gagné jusqu’aux rangs socialistes, avec des députés de l’aile gauche qui refusent de voter la confiance au nouveau gouvernement, François Hollande, plus isolé que jamais, continue, tête baissée, dans son impasse. Pas un geste social en direction des pauvres, pas un geste en direction des députés de son propre parti, il use des pouvoirs exorbitants que lui confèrent les institutions de la Ve République pour faire l’exact contraire de ce que semble vouloir le pays.

Cet entêtement-là, où conduira-t-il ? Depuis de longs mois, François Hollande attise contre lui une colère qu'il fait mine de ne pas entendre. Une colère qui va encore grossir…

Un plan d’austérité injuste, dangereux et illégitime (accès réservé aux abonnés)



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