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Grau-du-Roi (Gard). Au rendez-vous de la "mémoire historique" espagnole...


 Histoire de drapeaux...

 A lire ci-après : A notre avis

 







 A notre avis

Sans exagérer ce qui s'est passé au Grau-du-Roi autour du drapeau républicain espagnol, nous pouvons y voir la trace de ce qui agite l'Etat espagnol sur ce qu'il est convenu d'appeler la Memoria histórica, du nom de la loi qui en 2007 a décidé de revenir, certes partiellement, sur ce qui avait prévalu depuis la mort de Franco en 1975 : le pacte de l'oubli. Pacte par lequel les élites réformistes de la dictature regroupées autour du Roi et de son premier président de gouvernement (c'est ainsi que l'on désigne ce qui chez nous est le premier ministre) ont obtenu de l'opposition de gauche (PSOE, parti socialiste, et PC) que l'on tire un trait sur les crimes franquistes en échange du retour de la démocratie. L'affaire ne fut pas simple car l'appareil d'Etat, au premier chef l'armée, n'était pas disposé à se prêter à ce petit jeu du donnant-donnant politique. Mais, avec l'appui des Etats-Unis et de la social-démocratie allemande qui aida un PSOE très faible à se sortir de la culture d'opposition radicale par laquelle il cherchait à contrer la relative puissance du PC, la Constitution de 1978 consacra l'avènement de la monarchie parlementaire autour d'un consensus entre les réformateurs franquistes et les socialistes (le PCE se retrouvant vite marginalisé et affaibli par ce que beaucoup de militants considérèrent une trahison). Un des prix à payer, dans ces années 70, fut "logiquement" l'adoption de l'amnistie par laquelle les franquistes recyclés démocrates ont pu trouver leur place tant sur le nouvel échiquier politique que sur le terrain économique : les pactes de la Moncloa souscrits par la gauche politique et syndicale ont en effet perpétué le rapport de classe de la dictature en imposant, sur donc une base de calcul déjà extrêmement faible, une modération salariale ainsi que divers reculs sociaux qui sont, avec l'"oubli", l'autre concession majeure faite au nom du retour de la démocratie.

L'apparition du mouvement des Indignés en 2011 (désigné couramment comme le 15-M, le 15 mai 2011, sa date de naissance) et la surprenante percée de Podemos aux dernières européennes pourraient bien changer la donne dans le contexte de la grave crise générale que connaît le pays avec en particulier une explosion exponentielle du chômage et de la précarité. C'est en fait une crise de légitimité qui ébranle le système politique de cette Transition démocratique ayant assuré l'impunité des franquistes : la détérioration accélérée de l'image du roi, ce pilier du consensus en vigueur, avec des affaires de corruption touchant ses proches, a débouché sur son abdication au profit de son fils. Mais l'indignation, qui a cours dans de larges secteurs d'une population qui ne semble plus disposée à accepter les inégalités sociales profitant à une "caste" de politiciens et de riches, ne s'en laisse pas compter. Une campagne est engagée pour obtenir un référendum sur "monarchie ou république" (lire ici en espagnol).

L'attitude du consul d'Espagne au Grau-du-Roi porte indéniablement la marque de ces tensions que connaît son pays et qui font du rapport au franquisme et à la Transition démocratique qui l'a suivi, des questions politiques explosives dont le moteur est le mouvement des Indignés. Un mouvement, actuellement en phase d'enracinement dans la société espagnole, qui cherche à articuler lesdites questions institutionnelles aux questions proprement sociales qu'il soulève. La volte-face de ce représentant de l'Etat espagnol lors de la commémoration du naufrage d'un navire républicain coulé par les franquistes au large du Grau-du-Roi, participe de cette volonté de répondre aux pressions sur la Mémoire historique sans aller cependant trop loin, en restant dans le cadre d'un hommage historique formel préservant le fragile équilibre politique du moment. Retenons qu'une partie grandissante de la société espagnole est probablement tentée d'aller plus loin pour faire d'une pierre deux coups : résoudre à son profit la crise capitaliste sauvage et, pour cela, retrouver un fil rouge politique cassé par le franquisme et jamais renoué par cette démocratie-là !

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