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Pourquoi rêver au futur / Alors que devant la souffrance,



 / Le présent s’impatiente d’urgence...


 Nos rêves.

Ils n’en font qu’à leur tête
Se gourent et s’égarent sur des voies
Aux aiguillages incertains.
Rêves imprévisibles à l’existence éphémère
Et sans lendemain.

Ils prennent du plaisir à se travestir
Quitte à se présenter sous les habits noirs
Du cauchemar.

Ou perdent tout sens
De la retenue
Et de la décence.

Dans la hiérarchie du respect qui fut celle de mon vieux,
L’ingénieur ou l’architecte
Arrivaient bien en tête
En tout cas bien avant Dieu.
Mon père, aide maçon,
Autant dire porteur de brouettes
Ou marteau-piqué...
En a-t-il vraiment rêvé ? Je ne sais pas vraiment,
Mais je l’ai fait, tant bien que mal.
Nanterre, 1984, rue des Trois Fontanots.
Je suis ingénieur, sans en avoir rêvé au départ.
Bourré d’angoisse et de timidité,
Je croise mes collègues vêtus du même déguisement que moi,
Signé Saint-Laurent, Dior ou Cardin.
Mais je regarde le chantier en bas et ceux qui dans la boue
Continuent de piquer comme des marteaux
Habillés par Karl Lagadou.

Le génois Colomb, parti d’Andalousie voulait trouver une autre
voie
Pour faire le plein d’épices.
Mais voilà que de ses dinavigations et de ses errements est né
le rêve américain
Tandis que le sanglot de l’homme noir
Prenait pour longtemps la grande échelle du cauchemar
esclavagiste.
Les rêves nous jouent des tours et des détours.
Même moi, qui rêve de Samarkand depuis toujours,
Je m’égare dans le dédale de la vie,
Sans fil d’Ariane et sans ailes pour prendre les airs.
Alors, je bafouille à ma façon les paroles du poète flamand.
Entre Lyon, Paris et Lodève,
Oubliant Vesoul.

J’ai aussi rêvé d’amour, de sourires et de caresses.
Mais, finalement,
Coupé de mère, frères, enfants, amis ou tout autre être cher
Ici, à Lodève où les hirondelles me vrillent les oreilles,
Je reste seul, et je m’endors ou me réveille
Tout écorché
En passe de sombrer
Dans un cocktail amer
De larmes et d’alcool.

J’ai rêvé, et je rêve encore, d’un autre monde,
Dont la symphonie a cru se jouer rue Gay Lussac
Ou sur les ondes
De radio Tirania.
Groupons nous et demain...
Je me suis toujours posé cette question :
Pourquoi rêver au futur
Alors que devant la souffrance,
Le présent s’impatiente d’urgence...

On le sait, les rêves se déchaînent,
Autrement dit s’affranchissent de toute servitude,
Au stade du sommeil paradoxal.
Paradoxe est bien le mot.
Car sous notre oreiller moelleux et tranquille,
Notre cerveau s’envole et subjugue tous ses gardiens.
Paysages magnifiques, d’abîmes et d’océans.
Cités colossales,
Modernes, antiques ou médiévales.
Montagnes majestueuses et chutes vertigineuses.
Musiques symphoniques qu’on voudrait transcrire sur le champ.
Rencontres aux personnages improbables ou trop connus
Où les morts peuvent avoir leur place
Au même titre que les vivants.
Sexe démesuré et ambitieux, poitrines généreuses.
On plane ou on marche sur l’eau sans lire les Evangiles.
Et on franchit les mers sur les pas de Moïse.

Nos rêves n’en font qu’à leur tête.
Une tête qui est un peu la mienne.

Mohamed, NPA 34

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Notre dossier Ecriture(s)

 NPA 34, NPA

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