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6 décembre 1989. Massacre de la Polytechnique (Montréal) : 18 minutes, 14 femmes assassinées ...


 ... des masculinistes rendent un culte à l'assassin !


Il y a vingt-cinq ans, un déséquilibré misogyne y ouvrait le feu, tuant 14 femmes. Le traumatisme est toujours présent et le tueur fait l'objet d'un macabre culte chez certains masculinistes. 

Minute de silence à l’Assemblée nationale, émissions spéciales et commémorations diverses : le Canada commémore avec émotion les 25 ans du massacre de Polytechnique, une fusillade antiféministe qui fit 14 morts, à Montréal le 6 décembre 1989. «Cette tragédie nous rappelle à quel point nous avons tous la responsabilité de dénoncer sans réserve et haut et fort la violence physique, psychologique et verbale faite aux femmes.» Ces mots, prononcés jeudi par le Premier ministre du Québec, Philippe Couillard, ont été suivis d’une pluie d’hommages et de vibrantes allocutions à l’Assemblée, parfois entrecoupées de sanglots.

Le 6 décembre 1989, autour de 16 heures, un homme de 25 ans, Marc Lépine, fait irruption dans une salle de cours de l’école Polytechnique. Armé d’un fusil semi-automatique et d’un couteau, il commence par séparer les hommes des femmes. Puis, il ordonne aux premiers de partir. Aux femmes restées dans la pièce qui lui demandent ses motivations, il répond : «Je combats le féminisme. Vous êtes des femmes, vous allez devenir ingénieures. Vous n’êtes toutes qu’un tas de féministes, je hais les féministes.» Les allégations de ce déséquilibré misogyne étaient pourtant largement inexactes. A l’époque, les femmes représentaient moins de 10% des effectifs de Polytechnique (pas plus de 25% aujourd’hui, comme le montre ce graphique). Cliquer ici


[…] Le 6 décembre 1989 a été dramatique aussi pour toute la société québécoise car sous les cendres de cette tragédie, on a découvert l’immense ressentiment de certains hommes devant les avancées des femmes. Après le 6 décembre 1989, rien n’a plus été comme avant. […]
La lecture des journaux de cette époque et les archives télé nous permettent, avec le recul, de comprendre comment le 6 décembre 1989 a agi comme révélateur de deux phénomènes très troublants, mais qui étaient latents : d’une part, la prise de distance des jeunes femmes par rapport au féminisme ; d’autre part, l’émergence d’un discours revanchard, victimaire, celui des masculinistes, contre les féministes qui seraient « allées trop loin ». […]
Le 6 décembre 1989, quatorze femmes ont été tuées. D’autres personnes sont mortes de chagrin. Et le mouvement féministe a été freiné dans son élan. Vingt ans plus tard, nous n’avons pas fini de prendre la mesure de l’ampleur des dégâts. Et on soupçonne que, comme un volcan mal éteint, d’autres secousses restent encore possibles.
Mais rien n’empêche notre société de retourner au mouvement de solidarité qui s’était timidement exprimé en décembre 1989. Cliquer ici
 
 A propos de Polytechnique, un point de vue (à discuter) sur la représentation de l'horreur au cinéma... (extraits)

[…] Comment ne pas voir, dans la réexécution (c’est le bon mot) ad nauseam de la bande annonce de Polytechnique, dans l’esthétique trop étudiée du film, son image surfaite, un effet de remplacement, d’effacement de l’événement. Quand le style veut rejouer trop habilement, trop élégamment l’événement (c’est ce qu’ils appellent de la sobriété, un refus du sensationnalisme, comme si c’était la seule alternative) au point de le remplacer, quand l’imagerie se substitue au réalisme, quand le clip (à grands coups de Moby) fait office de mémoire, on est à deux pieds dans ce que Rivette appelait « l’abjection », une « obscénité mémorielle ».

Or, cet effacement de l’événement, des victimes par l’image, par les stars (qui s’y substituent), va très littéralement, dans le film, jusqu’à l’effacement des victimes elles-mêmes : cantonnées dans un anonymat éthéré de cierge de pâques ou de films d’horreur ou de guerre américains. Ces femmes rampant par terre tandis que les balles fusent au-dessus de leur tête, qu’une caméra tremblotante suit se réfugiant dans des classes ou dans des coins de mur, tout cela évoque l’esthétique hystérique des films d’horreur. On ne voit plus alors les victimes du 6 décembre 1989, mais bien des « victimes » comme le cinéma et la télévision n’ont cessé d’en filmer. Ces plans heurtés, qui accompagnent la razzia du tueur dans l’école, sont les mêmes que l’on peut voir dans le tout venant de la production de films américains commerciaux, et le noir et blanc esthétisant ne fait rien pour atténuer cette impression de déjà-vu. Déjà-vu donc déjà assimilé, donc récupérable, donc admis. Quand on a vu 128 fois la bande-annonce du film (entre une pub de Provigo et la gueule de Guy A. Lepage), qui résume déjà à merveille l’essentiel (c’est-à-dire la nullité du produit), est-ce qu’on peut encore être surpris par quelque chose dans ce film ? Et s’il cesse de surprendre, de troubler, il ne fait plus d’effet, il devient « tolérable ».

[…] Où est le problème ? Précisément là : on se met à suivre une histoire, on se laisse captiver par un scénario « bien huilé », qui ressemble à tant d’autres, plutôt que de rencontrer, d’accompagner, d’assister à un événement dans ce qu’il a de plus impénétrable, douloureux : en somme, de fixer un abîme (et c’est alors Shoah, Nuit et brouillard, Fengming une histoire chinoise, Hommes à louer, mais aussi bien Elephant de Clarke et Gus van Sant, Salo de Pasolini, Hitler de Syberberg, Aguirre de Herzog, etc.). On nous demande de regarder un film, de suivre une histoire, de croire à des personnages, de vivre des émotions, de rire et de pleurer, et ainsi, sans s’en rendre compte, nous nous réconcilions avec l’événement, et chemin faisant, nous nous le rendons peu à peu « tolérable », à force de le faire ressembler à tant d’autres récits. Cette forme de normalisation conduit directement à la banalisation et à l’oubli. C’est ce que la psycho-pop appelle peut-être la guérison. Je ne mange pas, personnellement, de cette soupe [5] Cliquer ici

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NPA 34, NPA

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