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Charlie. Refuser la politique de la peur...


 ... refuser l'unanimisme national !


Le FUIQP a condamné immédiatement les attentats de cette semaine. L’assassinat n’est pas pour notre organisation une forme d’action politique souhaitable, légitime ou justifiable. Nous condamnons tout aussi fermement la multiplication des actes islamophobes (plus de 20 actions contre des lieux de cultes ou des personnes ces trois derniers jours) et l’instrumentalisation de l’émotion en cours, qui prend comme nom « appel à l’unité nationale » et comme slogan « nous sommes tous Charlie ».  

Nous ne pouvons pas et ne voulons pas être Charlie

L’instrumentalisation de l’émotion conduit à « mettre de l’huile sur le feu », à multiplier les victimes d’actes islamophobes, à soutenir ceux qui par leurs politiques internationales (participation à des guerres impérialistes d’agression), leurs politiques économiques (fragilisation sans précédent des classes populaires) et leurs politiques sociales (depuis la loi sur le foulard de 2004, les mesures islamophobes d’Etat se sont succédées).


L’unité nationale, pour sa part, vise à offrir une caution aux choix politiques qui se prendront en « notre nom » au prétexte de nous protéger. Des appels à un Patriot Act à la française se font déjà entendre. Il s’agit ni plus ni moins que d’obtenir un consentement à la restriction de nos libertés démocratiques, d’une part, et à rendre légitime une répression ouverte contre les récalcitrants. L’interdiction de manifester son soutien au peuple palestinien que le gouvernement socialiste a prise cet été doit nous servir d’avertissement. Les lourdes condamnations qui ont suivi, dans un silence médiatique assourdissant et sans réaction importante des grandes formations politiques, sont un autre signal d’alerte que nous devons entendre.  Enfin, au nom de l’unité nationale, on voudrait nous faire défiler avec des dirigeants israéliens d’extrême droite coupables de crimes de masses en Palestine.  

Malgré l’atrocité de l’attentat à Charlie Hebdo, nous ne pouvons pas oublier tout ce qui nous sépare de ce journal. Le faire serait autoriser le déploiement encore plus fort des idées de l’hebdomadaire que nous payons déjà chèrement quotidiennement.  Le slogan « nous sommes Charlie » exige de nous, en effet, de nous solidariser avec des propos qui ont contribué à créer la situation dangereuse actuelle. Nous ne voulons pas être Charlie parce que nous combattons et continuerons de combattre l’islamophobie qu’a véhiculée cet hebdomadaire. Nous ne voulons pas être Charlie parce que nous nous sommes toujours opposés, et nous continuerons à le faire, aux guerres impérialistes, alors que cet hebdomadaire a soutenu toutes les guerres de l’OTAN. Nous ne voulons pas être Charlie parce que nous apprécions l’œuvre salutaire de Noam Chomsky sur la contribution des grands médias aux dominations contemporaines et que l’ancien directeur de l’hebdomadaire pense lui que « Chomsky et Ben Laden : même combat ».  Sans parler des propos sexistes, homophobes et de mépris des classes populaires réduites à l’image du « beauf », que véhicule l’hebdomadaire. 

Nous refusons les politiques de la peur

La violence qui a tué aujourd’hui est le résultat de plusieurs causes cumulées qui ont déjà fait des millions de victimes, victimes des guerres pour le pétrole et le minerai, de l’islamophobie d’Etat, de la précarisation et la paupérisation des classes populaires, des discriminations racistes, etc. C’est pourquoi nous condamnons toutes celles et ceux (classes dominantes en tête, médias, politiques, « experts ») qui, plutôt que de pousser à la réflexion sur les causes, suscitent une « politique de la peur » en amplifiant la panique émotionnelle qui a suivi l’attentat. Refusons ces logiques qui (volontairement pour certains pyromanes et inconsciemment pour d’autres) conduisent à une « stratégie du choc » par les classes dominantes qui ont appris à tirer profit de tous les drames. Tant de commentaires, de directs, de discours et de réactions, sans contribuer à augmenter notre compréhension de la situation, des causes et des effets. La condamnation d’un acte barbare ne nous contraint pas à nous soumettre à des idéologies qui nous détruisent. 


Refuser la politique de la peur, c’est aujourd’hui refuser l’unanimisme national que l’on nous propose/impose politiquement et médiatiquement. Il n’y a pas de « communauté nationale » qui réunirait toutes les classes, pas plus avant l’assassinat à Charlie Hebdo qu’après (pas plus qu’il n’existe de « communauté musulmane » unie et homogène d’ailleurs). L’unité nationale est un mythe visant à unir ceux qui devraient être divisés (les classes sociales aux intérêts divergents) et à diviser ceux qui devraient être unis (les classes populaires quelles que soient leurs croyances ou non croyance). On ne peut pas faire communauté nationale lorsque la nation est divisée, fracturée par des rapports inégalitaires et des rapports de domination. La société française ne créera jamais d’appartenance ou de sentiment à la nation à marche forcée sans poser la question de la justice sociale et des inégalités racistes, sexistes et de classe. 

Serrons-nous les coudes 

Nous adressons enfin notre soutien à celles et ceux qui, de toutes origines et de toutes religions, tout en condamnant l’acte terroriste, « ne sont pas Charlie », n’ont pas participé à la minute de silence, ni aux défilés, et qui ont une boule au ventre depuis l’attentat, extrêmement inquiets pour eux ou leurs enfants, ou en colère, à la fois contre les auteurs de l’attentat et contre une mobilisation nationale impulsée par en haut qui ne peut avoir pour résultat que d’initier encore plus une logique de « guerre civile » dont les premiers résultats sont la vingtaine d’agressions contre des lieux de culte ou des concitoyens musulmans réels ou supposés. 

Nous appelons ceux qui ont sincèrement été défiler pour défendre la « liberté d’expression » ou pour refuser la violence meurtrière, à prendre rapidement du recul et à réfléchir aux causes, conséquences et enjeux du contexte actuel.  Nous les appelons à s’interroger sur les bénéficiaires de la stratégie de la tension qui se met en place et sur ses conséquences : banaliser l’islamophobie, produire une tension permanente entre deux composantes de notre société, limiter nos droits et nos libertés « pour nous protéger », pénaliser l’antisionisme en le présentant comme antisémitisme, empêcher le développement de la contestation sociale qu’appelle la fragilisation sociale et économique des classes populaires (et même des couches moyennes).   
N’ayons pas peur. Regroupons-nous. Organisons-nous.

Illustration : cliquer ici
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 L’attentat contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo marquera notre histoire contemporaine. Il reste à savoir dans quel sens et avec quelles conséquences. Dans le contexte actuel de « guerre contre le terrorisme » (guerre extérieure) et de racisme et d’islamophobie d’Etat, les artisans de cet acte ont, consciemment ou non [1] accéléré un processus de stigmatisation et d’isolement de la composante musulmane, réelle ou supposée, des classes populaires. Cliquer ici

Ils furent des millions de personnes à travers la France à défiler, samedi 10 et dimanche 11 janvier, après l’attentat contre Charlie Hebdo. Ils exprimaient leur immense émotion devant tous ces morts, mais aussi leur attachement à la liberté de la presse. Or cette célébration a été ternie — c’est le moins que l’on puisse dire — par la présence, en tête du cortège parisien, dimanche, de responsables politiques du monde entier dont le rapport avec la liberté de la presse est pour le moins ambigu. Nous n’évoquerons pas ici le fait que ces dirigeants, notamment occidentaux, ont une responsabilité directe dans la guerre contre le terrorisme lancée depuis une vingtaine d’années et dont le résultat essentiel a signifié plus de terrorisme et plus de chaos pour le monde arabo-musulman. Cliquer ici
 
La mise à mort de la rédaction de Charlie Hebdo réclamée de longue date par des sectes salafistes et exécutée par deux recrues françaises du Djihad est immonde. Et ce n’est pas trahir mon émotion solidaire que d’énoncer ici un sentiment de gêne discordant : ces dix dernières années, il m’a semblé que Charlie hebdo, ce joyeux fanzine de l’anticléricalisme franchouillard a connu une évolution parfois douteuse et  fait une fixette sur l’islam (moquant pêle-mêle ses us, coutumes et dérives intégristes), cette focalisation satirique prenant un tour d’abord salement obsessionnel puis franchement écoeurant. J’avais d’ailleurs consacré un long billet à cette inquiétante dérive, en septembre 2012, sous ce titre : « De l’autodérision subversive à la monomanie caricaturale. » Cliquer ici


 
C’est peut-être ça, ce que veut dire « Je suis Charlie ». Ca veut dire : nous sommes tous des hypocrites. Nous avons trouvé un événement qui nous permet d’expier plus de quarante ans d’écrasement politique, social, affectif, intellectuel des minorités pauvres d’origine étrangère, habitant en banlieue.  Cliquer ici

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