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Retour sur le congrès de Podemos...


 ... ou comment échapper au syndrome du "no podemos" ?

La préparation du second congrès de Podemos, tenu du 10 au 12 février 2017, a mis à rude épreuve les nerfs de ceux et celles qui continuent, trois ans après qu’il a fait irruption en bousculant l’échiquier politique espagnol, à mettre leur espoir dans ce parti... 

Espoir de sortir de ce cycle paradoxal qui voit un régime en crise, percuté qu’il a été, et de quelle façon, par la révolte indignée de 2011 (le 15M), se survivre par défaut : défaut d’une opposition radicale au sens où elle s’attaque à la racine des choses en travaillant, à la place politique qu’elle a prise par une sorte de délégation implicite du mouvement des places de 2011 en reflux, à articuler une remobilisation des divers secteurs sociaux, contre les mesures austéritaires initiées par les gouvernements successifs de José Luis Zapatero (PSOE, socialistes) et du Parti Populaire (droite) emmené par l’actuel président du gouvernement, Mariano Rajoy.

La panne du « changement » 

Le gouvernement et, pourrait-on dire, comme décroché de lui, la logique même de reproduction somnambule de l’ordre capitaliste continuent leur offensive comme si de rien n’était… Comme si Podemos n’était… Ou presque : l’existence de Podemos reste toujours une épine dans le pied (d’argile) de ce géant, le système. Celui qui, peaufiné par une Transition ayant permis, sur grosso modo une trentaine d’années, une stabilisation démocratique du postfranquisme, sans dommages pour les élites de la dictature, a bâti un bloc historique bourgeois d’alternance gauche/droite ayant conquis une hégémonie politique et culturelle, inaltérable jusqu’au 15M.


C’est à l’euphorie, souvent étalée cyniquement, des possédants n’en revenant pas d’avoir gagné aussi aisément, qu’a mis fin le double processus croisé, à l’œuvre aujourd’hui : celui de l’Indignation, certes entré en latence en 2013  mais dont l’effet de déstabilisation politique est toujours là, comme le montre la crise institutionnelle en cours d’un PP cherchant laborieusement une majorité parlementaire, et celui, en relais, nourri par le premier, de Podemos affichant au contraire, publiquement et avec éclat, ses défis. Malgré leur désynchronisation, les deux ondes de la contestation de l’ordre en place ont suffisamment pu combiner leur puissance d’impact pour casser l’outil ayant permis la consolidation du régime depuis 1978, le bipartisme.

Mais casser n’est évidemment pas construire… Mettre en crise un régime appelle une réponse politique de sortie de cette crise que, dans l’incapacité où le 15M s’est trouvé de l’apporter, Podemos, à son tour, n’a pas pu, pas su, pas voulu, en tout cas pas encore, apporter. Contredisant la sémantique de son nom (Nous Pouvons), ce qui se donne à voir comme un « No Podemos » n’est donc qu’une épine dans le pied du géant capitaliste… incapable qu’il est de rien « changer » sur le fond. La société « espagnole », devenue en peu de temps plus inégalitaire que jamais, se reproduit sur ce qui n’est plus que le souvenir évanescent du mirage longtemps prégnant de l’« ascenseur social » et de l’espoir qui l’accompagnait d’une « classe-moyennisation » élargie des couches populaires… Lire la suite

Le coup d'éclat de Podemos Andalousie...

18 mai 2017
 Podemos Andalousie refusera tout accord de gouvernement avec le PSOE et, pour entamer des négociations (en vue des élections), il invite IU à les rompre

La direction de Podemos en Andalousie pose la nécessité de garantir que "jamais" ne soient conclus des accords de gouvernement avec le PSOE [socialistes] après les prochaines échéances électorales, ni dans la communauté autonome [région] d'Andalousie ni dans les municipalités. En clair, il n'y aurait en aucun cas de gouvernement avec un PSOE qui "n'est plus récupérable pour mener quelque opération de changement que ce soit dans notre pays". Et cela, même si Podemos Andalousie est disposé à parvenir au pouvoir grâce aux voix des socialistes - comme c'est le cas actuellement à Cadix - et, de la même façon, à appuyer ceux-ci dans les cas où il faudrait créer une "digue" pour bloquer la droite.

 En procédant ainsi, les andalous de Podemos indiquent une voie à suivre par l'ensemble de leur formation dans le cadre d'un débat à venir dans le reste du pays. C'est une décision prise "de façon autonome" et sans consulter la direction fédérale, selon les mots de Jesús Rodríguez, le secrétaire politique de Podemos Andalousie. Lequel estime cependant qu'il y a coïncidence de vues sur cette stratégie et celle de l'équipe de Pablo Iglesias. Il a déclaré : "Nous voulons que le PSOE Andalousie sache que nous sommes préparés à être l'opposition et l'alternative vis-à-vis de l'appareil de Susana Díaz [la dirigeante du PSOE andalou, par ailleurs présidente de région et candidate, avec l'appui de la vieille garde, au poste de secrétaire nationale du PSOE dans les primaires socialistes en cours]. Et cela vaut tant pour les élections régionales ["autonómicas"] que pour les municipales de 2019.


Le changement commence en Andalousie (photo de 2015)

Mais cette démarche court le risque d'être conflictuelle au moment de construire un bloc de gauche avec IU [Izquierda Unida, Gauche Unie, sorte de Front de Gauche] à l'occasion des élections municipales. Autrement dit quand Podemos exigera de IU qu'elle rompe avec le PSOE dans les municipalités où elle gouverne avec lui en jetant ainsi les bases qui permettent de négocier des candidatures avec ce bloc de gauche que, par ailleurs, d'autres forces intègreraient. "Il sera difficile de faire des candidatures avec IU dans les municipalités où ils gouvernent avec le PSOE". "Nous aimerions que IU soit totalement indépendante du PSOE partout dans le pays", a affirmé Jesús Rodríguez. Tout en sachant impossible d'imposer cette condition, il n'en trouve pas moins "déraisonnable de négocier une candidature d'unité ensemble s'ils sont en position subalterne vis-à-vis du PSOE".

Nuançant ce positionnement celui-ci accepte que  "les municipalités où IU gouverne avec le PSOE ne constitueront pas d'obstacle" pour s'asseoir négocier, mais il réaffirme qu'il n'y a pas de sens qu'une coalition de gauche maintienne ces relations alors qu'elle se propose de bâtir une alternative. Il y a là le risque que surgisse un des gros conflits au moment de créer cette convergence, étant donné que IU gouverne avec les socialistes dans de nombreuses municipalités et qu'il pourrait déceler dans la proposition de Podemos une volonté de les phagocyter : façon, chez les camarades de Teresa Rodríguez, de compenser le manque d'une structure forte que leurs potentiels partenaires ont, en revanche, sur une grande partie du territoire au-delà même des grandes villes et autres aires métropolitaines où ils sont implantés.

Le document de Podemos Andalousie intitulé Le cadre de l'unité politique en Andalousie : Podemos vers un bloc pour le changement mentionne les grandes villes visées par ce qu'il propose : "Nous n'ignorons pas que le principal écueil que nous rencontrons vient de ce que IU mène à la base, dans de nombreuses localités, une pratique très différente du cours imprimé par Antonio Maíllo [dirigeant de la coalition de gauche en Andalousie], pratique impliquant de cogouverner avec le PSOE et lui redonnant du souffle dans des endroits comme Cordoue, Marbella, El Puerto de Santa María..."

Il est également dit dans ce texte que "Toute tactique unitaire à mettre en oeuvre dans ces endroits doit impliquer l'autonomie suffisante pour que, lors des municipales, Podemos puisse, le cas échéant, se détacher d'un processus d'unité avec IU". Dans ces cas-là donc, Podemos se présenterait seul ou avec d'autres alliés ou encore  dans d'autres configurations.

Il n'en reste pas moins, comme indiqué à l'un des points du document, qu'il peut y avoir des exceptions. Mais il est rappelé que "Les rares exceptions, qui, au demeurant, doivent être justifiées, seront obligatoirement soumises pour approbation au Conseil Citoyen Andalou  (CCA)". Et aussi : "Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de réinvestir les énergies et volontés de changement dans les limites que le PSOE dessine, au risque de faire perdre de la puissance politique à ce que nous représentons".  

Podemos de toute évidence profite en Andalousie de la conjoncture qui voit la socialiste Susana Díaz, prête à abandonner la présidence de la communauté autonome, de par sa volonté de partir à l'assaut du secrétariat général de son parti : il y a, pour Podemos, des voix gagner parmi celles que le PSOE pourrait perdre en chemin.  

Une orientation à faire valider début juillet

Dans cette optique, la direction emmenée par Teresa Rodríguez a lancé le débat sur la configuration de sa convergence avec IU et d'autres forces en ayant en point de mire les prochains rendez-vous électoraux : tel est l'enjeu de ce document où la direction régionale adresse des propositions à sa base en appelant ouvertement à "dépasser Unidos Podemos [union de Podemos avec les écolos de Equo et des regroupements locaux ayant permis de remporter des mairies importantes comme Barcelone et Madrid, élargie lors des dernières législatives à IU], qui n'est pas suffisant pour créer cette dynamique". Ce "débat de l'unité", initié par l'envoi de ce document à tous les cercles de base pour une discussion appelée à durer un mois, débouchera sur des conclusions qui seront, dans un deuxième temps, portées dans les Coordinations provinciales et qui, par la suite (le premier et le 2 juillet), seront soumises à approbation du CCA.

Le numéro 2 de Podemos Andalousie a précisé le contexte dans lequel prend place la proposition faite : "Le but est de sortir d'une situation d'impasse. Nous sommes préoccupés de voir qu'il y a un travail permanent mené conjointement par le pouvoir politique et le pouvoir économique pour essayer que la précarité devienne la norme et que la situation de frustration et de résignation que cela induit joue contre l'espoir de faire changer les choses".

Pour ce qui est du modèle à adopter pour construire ces alliances, il est prévu que cela soit celui d'une coalition électorale. Selon Jesús Rodríguez " Nous allons nous adresser à IU pour discuter de ce document." [...]


Traduction : Antoine

Quelques commentaires

Le grand quotidien (pro-régime) El País rapporte (lire ici) le vif mécontentement avec lequel IU a accueilli ce document de Podemos Andalousie qui est appelé à faire des vagues sur tout le territoire de l'Etat espagnol. Pour son Coordinateur Général, Alberto Garzón, "ce n'est pas sérieux. [...] Poser comme condition à un accord politique pour la transformation une homogénéisation de la politique d'alliances, alors que les différences sont énormes entre une municipalité et une autre, cela n'a aucun sens".

Pablo Iglesias et Alberto Garzón

Sans étonnement, nous avons la confirmation que IU envisage sérieusement de continuer à cogérer avec les socialistes les institutions locales. On retiendra que ce positionnement est d'autant moins surprenant de la part d'IU qu'elle défend l'idée d'une alliance de gouvernement avec le PSOE au niveau de l'Etat espagnol lui-même. Mais ce qui, au fond, est encore plus surprenant, est tout de même l'idée avancée par le numéro 2 de Podemos Andalousie que la ligne de clarification politique par rupture de toute alliance électorale avec le PSOE soit partagée par Pablo Iglesias : comment oublier en effet que celui-ci, y compris dans la foulée du dernier congrès de Podemos, appelle de ses voeux un pacte de gouvernement avec le PSOE pour peu (si peu ?) qu'il bascule à gauche. Basculement que, dans son texte, Podemos Andalousie voit impossible. 

Ce document risque de provoquer une accentuation des divergences connues entre le courant Anticapitalistas, majoritaire en Andalousie, ayant évité jusqu'ici toute opposition frontale sur le fond, et la direction centrale de Podemos. Et cela d'autant plus que Podemos Andalousie, fort de l'expérience qu'il a du caractère pro-système du PSOE andalou, le plus puissant du pays, est décidé à porter le débat sur l'ensemble du pays. 

La vive réaction de IU à ce qui, dans le document andalou, prend à revers sa stratégie d'ouverture vers "une unité de toute la gauche" pourrait bien augurer, au vu de la très grande proximité existant, malgré des divergences mineures, entre Iglesias et Alberto Garzón, de la relance des tensions, cette fois entre Anticapitalistas et les iglésistes qui s'étaient rapprochés, au dernier congrès, pour faire barrage politiquement au courant "droitier" de Iñigo Errejón. 

"Pour le PSOE et pour l'Espagne" ! Le très conservateur quotidien ABC (soutien de la première heure de Franco) faisant la promo à la une de Susana Díaz entourée de deux poids lourds du PSOE, l'artisan, durant le postfranquisme, de la social-libéralisation du parti et l"'austéritaire" ayant provoqué la levée de bouclier indignée de 2011... 

Le résultat, ce week end, de la primaire socialiste pour choisir le secrétaire général, dont on comprend aisément qu'elle a pesé pour amener Podemos Andalousie à lâcher, par une anticipation calculée, sa bombe "antiunitaire", sera déterminant quant à la réaction de Pablo Iglesias : l'élection de Pedro Sánchez, développant, pour cette primaire, un "cours gauche", préfigurerait la relance, dans la majorité de Podemos, du projet d'unité au plus haut niveau pour faire tomber le gouvernement de droite et tenter d'obtenir un gouvernement de "gauche"; l'élection de la candidate de "l'aile droite" du PSOE, Susana Díaz, sonnerait le glas, en revanche, de la volonté podémite de gouverner, à court ou à moyen terme, avec les socialistes. Dans le premier cas, la proposition de Podemos Andalousie apparaîtrait totalement incompatible avec le choix fait au niveau central et les turbulences internes, apaisées à la suite du congrès de février, pourraient reprendre de plus belle. Dans le second cas, les iglésistes feraient probablement de nécessité vertu en considérant que la question de l'unité aurait été enterrée par les socialistes eux-mêmes. 

A suivre donc avec, en particulier, la question de savoir si les anticapitalistes de Podemos, jusque là pris en étau par un fonctionnement interne profondément antidémocratique (voir l'article d'ouverture de cette page), auront les moyens politiques d'élargir à travers le pays la brèche ouverte par leurs camarades andalous-es ou s'il leur faudra faire un repli tactique. La situation de crise que connaît le régime depuis 2008 et l'émergence du mouvement des Indigné-es reste des plus incertaines mais peut rendre l'audace payante. Il reste que, sans négliger la portée politique de ces péripéties pré-électorales de défiance vis-à-vis d'un parti clé du régime en place, le défi auquel sont confronté-es les anticapitalistes est d'une tout autre ampleur, d'une tout autre difficulté aussi, à savoir la relance d'un processus de remobilisation sociale auquel l'électoralisme de la direction de Podemos n'a, c'est peu dire, guère contribué. Et sans lequel rien de politiquement décisif ne saurait être obtenu.



 21 mai: les résultats de la primaire socialiste viennent de tomber, Pedro Sánchez est très largement élu secrétaire général du PSOE (lire ici). Réélu devrait-on dire puisqu'il avait exercé cette fonction de 2014 à l'an dernier avant d'en être chassé par un appareil décidé à laisser  gouverner le PP en s'abstenant au congrès des député-es. Ce que refusait Pedro Sánchez qui appelait au "non" à tout gouvernement du PP et à ainsi laisser s'accentuer l'ingouvernabilité du pays pour forcer une énième consultation électorale dont il espérait qu'elle lui donnerait les moyens de gouverner. 

Si donc cette victoire est, sans aucun doute possible, une défaite rude des socialistes partisans de laisser l'alternance et donc l'austérité poursuivre son chemin; si elle peut être considérée comme une victoire des militant-es de ce parti scandalisé-es par les manoeuvres de l'appareil et la complaisance qu'il a manifestée pour donner de l'oxygène au gouvernement, il n'en reste pas moins que le nouveau secrétaire général va, sur la base de ce succès et du profil gauche qu'il a adopté pour le décrocher (voir la vidéo, par le lien ci-dessus, montrant Pedro Sánchez savourer son succès en chantant l'Internationale !), tenter de construire une majorité de gouvernement avec Podemos et ses allié-es, mais probablement à partir d'une reconquête politique, voire électorale (élections anticipées), lui donnant l'hégémonie sur ceux-ci.

Une fois le délai de décence passé pour permettre à la nouvelle direction socialiste d'apaiser les tensions surgies ces derniers jours avec Podemos afin de signifier que le nouveau secrétaire général n'était pas l'homme d'Iglesias, on peut donc s'attendre à la constitution d'un bloc politique de gauche se proposant comme alternative de gouvernement à la droite : cela passera  probablement, dans l'immédiat, par une guerre de guérilla parlementaire, dans la foulée de ce que Podemos fait en ce moment en déposant une motion de censure a priori appelée à être rejetée. Mais très significativement Pedro Sánchez a déclaré ces jours derniers qu'il envisageait sérieusement la possibilité de présenter à son tour une motion de censure. Il pourrait ainsi amener Podemos à en rabattre sur ses prétentions à être l'opposition parlementaire de gauche à la droite tout en bénéficiant, lui, d'appuis (député-es catalanistes et autres souverainistes) jusqu'ici rebutés par le "radicalisme" podémite et en offrant précisément le gage que Podemos rentrerait dans le rang sous sa férule.

On voit que l'avenir de Podemos, de sa capacité à dépasser le plafond de verre que son électoralisme cherchait en vain à crever, l'expose à se voir instrumentalisé par le fringant nouveau dirigeant des socialistes dont il n'est pas exclu, bien que la chose soit dans l'immédiat compliquée, qu'il relance l'idée qu'il faille compter aussi avec un appui de Ciudadanos, cette béquille du système qui voudrait se faire passer pour antisystème. Iglesias avait refusé l'an passé cette proposition. Il n'est pas dit qu'il en soit toujours ainsi, comme certaines de ses déclarations, au sortir de Vistalegre 2, l'ont suggéré.

Le fait est, pour revenir au coup d'éclat de Podemos Andalousie, que la situation créée par l'élection de Pedro Sánchez, risque d'accentuer l'institutionnalisme congénital de la direction iglésiste et sa volonté de parvenir, à tout prix, à l'unité avec le PSOE "revenu à gauche". Ce qui, logiquement, la ferait se positionner en opposition ouverte avec la proposition de rupture avec ce parti préconisée par les camarades andalous-es.

22 mai : première initiative de Iglesias et de ses camarades de la direction après l'élection de Pedro Sánchez : ils sont prêts, au nom de l'ensemble de la coalition Unidos Podemos, à lui passer le relais de la motion de censure qu'ils portent depuis plusieurs jours en la retirant. A lui l'honneur donc de reprendre le flambeau (Unidos Podemos ofrece retirar su moción de censura a Rajoy si Pedro Sánchez presenta una propia). Comme on dit "à tout seigneur, tout honneur" ? Pas très 15M (Indigné-es), non ? 

Dans l'immédiat le nouveau secrétaire général socialiste, prenant visiblement de la hauteur pour tenter de dominer la situation créée, n'a pas daigné répondre en personne au coup de fil empressé de Pablo Iglesias lui portant la bonne nouvelle qu'il lui cèderait le leadership sur la motion de censure... Il y a évidemment chez Iglesias un jeu tactique de prendre au mot et au piège Pedro Sánchez qui avait déclaré être prêt à déposer cette motion de censure. Mais à malin, malin et demi, le socialiste n'est pas né de la dernière pluie et il sait qu'il n'a pas en interne de son parti de rapport de force absolu : il sait en particulier que, s'il veut au moins se gagner la neutralité de la droite qui tient l'appareil, il ne pourra s'allier à Podemos, comme c'est sa volonté, que s'il obtient que celui-ci se montre un minimum docile et cesse ses foucades, ces résidus 15Mistes acclimatés (et dénaturés) au jeu institutionnel. Et qu'il prévoit de se montrer responsable (sic). Le passé récent a montré que la direction de Podemos avait des dispositions très marquées à être responsable pour deux (1). La voie choisie par Podemos Andalousie ne devrait décidément pas être pavée de roses...

(1) J'écrivais à propos de la tentative des iglésistes de conclure en 2016 une alliance avec le PSOE "Comment oublier, à titre d’exemple emblématique de ces renoncements à articuler une politique électorale radicale à un socle de remobilisation sociale sans lequel la première s’édulcore, s’affadit et se renie, l’éloge adressé par Pablo Iglesias, pour ces élections du 26J, comme gage de sa bonne volonté à gouverner avec le PSOE, au socialiste José Luis Zapatero ? Celui-ci aurait été, nous a-t-il été asséné, le meilleur président de gouvernement qu’ait connu l’Espagne postfranquiste. C’est pourtant la promulgation, en septembre 2010, de sa « réforme du travail » (dont, avec justesse, il a été dit ici, en France, qu’elle avait largement inspiré l’actuel projet de Loi Travail !) qui avait été un des déclencheurs de la révolte du 15M, après avoir provoqué une journée – malheureusement sans lendemain – de grève générale. 

Avec la même volonté de se gagner les socialistes, Pablo Iglesias n’a, au demeurant, pas hésité, assez logiquement, à renoncer à l’abrogation de cette réforme du travail prévue dans sa plateforme électorale pour ne plus conserver que l’abrogation de l’autre réforme du travail, celle de 2012, du Parti Populaire, qui n’est pourtant, dans la plus parfaite des complémentarités bipartites, que l’approfondissement de la première ! Si l’on ajoute les déclarations revendiquant la « patrie espagnole », conjointement à la relégation au champ des négociations locales de l’épineuse question de la consultation d’autodétermination de la Catalogne, afin de contourner le blocage du PSOE sur le sujet, on aura une idée de la dérive politique dans laquelle est engagée la direction de Podemos, qui dévitalise gravement l’idée même de changement radical ayant présidé à la naissance de Podemos. 

A vouloir échapper à l’infantilisme des radicalités antisystème/anti-électorales, régulièrement martelé par Iglesias et ses proches, Podemos pourrait bien se voir menacé d’une sénilité précoce si son projet politique se muait en adaptation électoraliste au système !" (tiré de L’échec de Podemos et de ses alliés : de l’urgence d’une réorientation, Contretemps, 26 juillet 2016)

A propos de José Luis Zapatero, on retiendra que, moins d'un an après avoir été si élogieusement présenté par Pablo Iglesias, il a pris parti, dans la primaire, pour la très droitière Susana Díaz contre Pedro Sánchez et son projet d'alliance avec Podemos. La une d'ABC qui est reproduite plus haut où l'on voit José Luis Zapatero entourer la candidate de l'appareil, avec le socialiste emblématique... du système, Felipe González, est rétrospectivement cruelle pour Pablo Iglesias ! Et politiquement significative du danger politique qui pèse sur les choix à venir de Podemos...
 
Antoine  

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A partir de l’expérience de Podemos et de la reprise du débat stratégique suite à diverses expériences politiques et sociales, Josep Maria Antentas livre quelques pistes stratégiques à propos du rôle des partis politiques, de leurs relations avec les mouvements sociaux, des problèmes de temps et d’espace posés à la politique, de la démocratie, ou encore de l’imbrication de la vie, du quotidien et de militantisme. 

Josep Maria Antentas est l’auteur de plusieurs articles publiés par Contretemps. Il est professeur de sociologie à l’Universitat Autònoma de Barcelona (UAB). Cet article a d’abord été publié en castillan dans le numéro 150 de la revue Viento Sur. Cliquer ici


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* Clin d'oeil au titre du journal historique (paru, pour son premier numéro, en 1930 et toujours édité) du PCE

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