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Le modèle d'immersion linguistique catalan attaqué par l'espagnolisme...


... la rue se mobilise !
  
A lire en fin de page L'avertissement au lecteur/à la lectrice français-e (Antoine)




Immersion linguistique

Marée (1) verte dans les rues de Barcelone pour la défense du modèle d'école catalane

Grosse manifestation, ce samedi, à Barcelone convoquée par Somescola et le syndicat enseignant USTEC. Les enseignants revendiquent le modèle d'immersion linguistique et dénoncent les tentatives du Gouvernement de Madrid pour le limiter




 Sur la banderole : L'école est une fenêtre sur le monde, avec le 155 on a des barreaux

Nouvelle manifestation pour la défense de l’immersion linguistique en catalan à l’école. Des milliers de personnes (8000 selon la police urbaine) ont marché ce samedi dans le centre de Barcelone à l’appel de la plateforme Somescola (2) et du syndicat de l’enseignement USTEC (3), majoritaire dans le secteur : il s’agit de revendiquer le modèle d’école catalane et de marquer le rejet des plans annoncés par le Gouvernement central visant à limiter le système de l’immersion.

La manifestation, exhibant en tête une banderole portant le slogan L’école catalane, démocratique et promouvant la cohésion n’a pas peur, a débuté à cinq heures et quart de l’après midi au carrefour de la rue Pau Claris et de la Ronda San Pedro et s’est terminée au parque del Norte, où avait été prévu qu’intervienne le rappeur Valtonyc qui a été condamné à trois ans et demi de prison pour des délits d’apologie du terrorisme, de menaces, de calomnies et d’injures contre la Couronne. 

Des personnalités ont participé au défilé, qui a été retardé par la pluie : le président du Parlement catalan, Roger Torrent, et des dirigeants de tous les partis catalans, à l’exception du PP et de Ciutadans. Etaient présents en tête de cortège, en plus des représentants de la communauté éducative, ledit Torrent, le vice-président de l’ANC, Agustí Alcoberro et celui de l’Òmnium Cultural, Marcel Mauri. 

Mauri a repris le slogan de la manifestation et a assuré que l’école catalane « n’a pas peur des attaques du 155 ni de ceux qui cherchent à diviser » la société. Il a affirmé, dans une déclaration à la presse réalisée avant le départ de la manifestation, que la communauté éducative défend un modèle « qui met en place la cohésion et la réussite des élèves » et il a exigé du Gouvernement central qu’il « n’y touche pas ». 

On notait aussi la présence, parmi les manifestants, de l’exprésidente du parlement catalan Carme Forcadell, de l’exconseillère [l’exministre du gouvernement catalan] de l’Education Irene Rigau et des dirigeants de partis comme Esther Niubó (PSC), Eduard Pujol et Josep Costa (Junts per Catalunya), Bernat Soler et Ernest Maragall ( ERC) ou David Companyon et Dolores Sabater (Comunes). 

Le secteur de l’éducation avait déjà appelé à des manifestations devant les mairies catalanes le 28 février, deux semaines après que le ministre de l’Education, Íñigo Méndez de Vigo, eut annoncé l’intention du Gouvernement de profiter du 155 pour limiter l’immersion en catalan. Le ministre avait concrètement menacé de modifier le système de préinscription scolaire en Catalogne pour « garantir » la « liberté des parents » dans « leur choix de la langue véhiculaire » pour l’enseignement délivré à leurs enfants.

Traduction (par NPA 34) de l'article "Marea verde en las calles de Barcelona para defender el modelo de escuela catalana" (Público)

(1) Le terme "marée" est employé ici au sens de "massive mobilisation sociale" par l'usage qu'en avaient fait les manifestant-es et grévistes de différents secteurs sociaux, comme l'éducation ("Marée verte", comme c'est le cas ici) et la santé ("Marée blanche"), dans le prolongement du mouvement des Indigné-es de 2011.

"La Marée verte, particulièrement forte à Madrid, réussit dès juillet 2011 à engager des grèves et manifestations entraînant nombre de parents et à s’en prendre, par la suite, au projet gouvernemental de réforme globale de l’éducation (Loi Wert), mais sans parvenir à bloquer l’offensive gouvernementale." (Tiré de Et l’indignation retentit dans l’Etat espagnol)

(2) Som Escola, Nous sommes l'Ecole, est une plateforme regroupant plus d'une cinquantaine d'organisations qui défendent bec et ongles le modèle catalan d'immersion linguistique.  Elle a été en pointe pour dénoncer, avec, entre autres, l'appui de la communauté sénégalaise de Catalogne, la campagne menée par Ciudadanos, en novembre dernier, en plein procés, contre l'endoctrinement indépendantiste qui, prétendait-elle, était organisé par les enseignant-es catalan-es. La manoeuvre de ce parti, à l'espagnolisme intégriste, avait piteusement échoué au Congrès des député-es : sa motion ne reçut que ses seuls votes, le PSOE et Podemos votant contre et le PP s'abstenant ! A lire ici : Som Escola defiende la inmersión lingüística como fuente de cohesión social (El País)

(3) L'USTEC (Unió dels Treballadors d'Ensenyament de Catalunya : Union des Travailleurs de l'Enseignement de Catalogne) est un des cofondateur, en 1997, du regroupement intersyndical Intersindical Alternativa de Catalunya, Intersyndicale Alternative de Catalogne (IAC). Celle-ci avait été l'une des organisatrices de la grande grève générale du 3 octobre (lire ici) qui était venue en appui aux participant-es réprimées du référendum d'autodétermination qui s'était tenu deux jours auparavant. 

Contrer la propagande dénigrant le modèle d'immersion linguistique par l'école catalane
qui pénaliserait les élèves hispanophones

Commentaire posté le 23 février sur son blog de Mediapart par Antoine (Montpellier)

Concernant la question des langues enseignées en Catalogne dans le cadre de ce que l'on appelle "l'immersion linguistique", il y a des idées reçues à relever : des résultats d'enquêtes officielles (Ministère de l'Education) viennent de tomber qui montrent ceci.

La Catalogne obtient la meilleure note en langue castillane, à l'examen d'entrée à l'Université (Selectividad) parmi les territoires qui ont une langue co-officielle.

Catalunya, mejor nota en lengua castellana entre los territorios con lengua cooficial

La note moyenne obtenue par les élèves de Catalogne à l'épreuve de "Langue Castillane et Littérature" est de 6,41 pour une moyenne nationale (sur tout l'Etat espagnol) quasi identique (6,45). A croire que la co-officialité des langues en Catalogne n'a pas plus d'incidence sur les résultats que dans le cas où une seule langue est enseignée !

Si on considère toutes les Autonomies, indépendamment qu'une ou deux langues y soient enseignées, à suivre les délires de certains, les résultats obtenus par la Catalogne dans l'enseignement du castillan devraient placer celle-ci bonne dernière, or elle est 9e sur 17 !

Si on considère le nombre de reçus dans cette épreuve de "Langue Castillane et Littérature", ils sont 83,80 en Catalogne pour une moyenne nationale de 82,20%. Elle est au passage la numéro 1 des régions à régime de co-officialité des langues sur cette épreuve !

Plus cocasse, les élèves catalans obtiennent des résultats inférieurs en langue catalane qu'en langue castillane ! 6,21% pour 6,41% !

Une seule conclusion s'impose à la lecture de ces chiffres du Ministère de l'Education de l'Etat espagnol, ils contredisent les arguments avancés ... par ce même Etat espagnol et ses alliés de Ciudadanos, selon lesquels la langue espagnole serait pénalisée en Catalogne. L'attaque menée contre la Catalogne sur ce terrain contre ce que, au demeurant, la Constitution établit, repose sur de la pure intox. Le régime va décidément mal : tout ce qu'il dit se retourne contre lui, il perd les pédales. Même son outil majeur, le TC, ne peut plus suivre devant tant de n'importequoisme (El Constitucional tumba las ayudas al castellano para alumnos de Cataluña de la ley Wert) et essaye de donner le change en étant obligé de désavouer ses maîtres sur ce sujet pour pouvoir continuer à le servir sur le coeur du 155 et la politique pénale... 

Pour bien comprendre



L’un des éléments les plus pertinents dans l’analyse de la situation est le contexte sociolinguistique de la société catalane au cours des dernières décennies. Après l’importante vague d’immigration que connut la Catalogne –en particulier l’agglomération de Barcelone et de Tarragone-, la présence du catalan diminua fortement, en même temps que le castillan, première langue de la plupart des personnes qui se sont installées à l’époque en Catalogne, devenait prédominant. Il fallait, dans un tel contexte, intervenir afin de s’assurer que le catalan allait rester une langue importante, utile et nécessaire pour la société et de faire en sorte qu’il ne soit pas un obstacle à l’intégration des nouveaux arrivés dans un cadre social et territorial nouveau.

Le Programme d’immersion linguistique (PIL) a été mis en œuvre pour la première fois au cours de l’année scolaire 1983-1984, dans dix-neuf établissement scolaires publics de Santa Coloma de Gramenet dont la plupart des élèves étaient castillanophones. En 1983, le premier établissement à appliquer ce programme a été l’école Rosselló-Pòrcel, sous l’élan de plusieurs familles qui souhaitaient scolariser leurs enfants en catalan. Suite au succès remporté et aux bons résultats de cette première expérience, l’immersion linguistique était présente, au cours de l’année scolaire 1989-1990, dans plus de 700 écoles en Catalogne (soit plus de 52 000 élèves). À partir de l’année scolaire 1992-1993, l’école en catalan est devenue le modèle d’enseignement de toute la Catalogne. Cliquer ici

Avertissement au lecteur/à la lectrice français-e

Il est symptomatique que le Gouvernement espagnol ait essayé (et il essayera) de profiter des pleins pouvoirs que le putsch du 155 lui donne en Catalogne pour s'attaquer à la question linguistique/scolaire catalane car elle est porteuse de ce qui percute à la racine ses prétentions à l'hégémonisme politique et culturel espagnoliste. Mal lui en a pris, au demeurant, car, son allié de la première heure sur le 155, le PSOE/PSC (socialistes) n'a pas suivi (lire ici) tellement, malgré tout ses reniements en faveur du PP, il est conscient qu'il serait politiquement suicidaire, en Catalogne, de mettre à bas ladite immersion : sa propre base, y compris non-indépendantiste, est attachée à ce qui, contre la propagande du chauvinisme espagnoliste, est perçue comme une vraie réussite scolaire ; particulièrement, à rebours de l'invraisemblable intox sur ce point, en matière d'intégration des enfants hispanophones dont les chiffres officiels (voir plus haut) montrent qu'ils maîtrisent la langue officielle de l'aire dans laquelle ils vivent, le catalan, sans aucun préjudice de leur connaissance et usage de leur langue première (l'espagnol ou castillan). 

Le Tribunal Constitutionnel, plus politique que le Gouvernement, ne s'y est pas trompé qui n'a pas hésité à abroger les dispositions du ministère de l'Education imposant l'enseignement de l'espagnol à égalité avec celui du catalan. Fausse égalité, vraie politique politicienne dont toute la démarche antisociale est un vivier d'inégalités sans précédent, par ailleurs accentuées par une corruption des élites qu'elle favorise (voir les impressionnantes mobilisations des retraité-es qui ont cours en ce moment contre les attaques que vient de déclencher ce gouvernement de mafieux contre leur déjà si dérisoires pensions : lire ici pour la manifestation de Barcelone au même moment où avait lieu la manifestation pour l'école catalane et ici pour l'ensemble de l'Etat espagnol. Lire ici aussi) !

115 000 retraité-es et des jeunes à Bilbao

Pour finir, qu'il nous soit permis d'attirer l'attention sur la nécessité de sortir, à propos de l'école, d'un certain prisme interprétatif français républicano-jacobin-centraliste dogmatique, antidémocratique et foncièrement  mystificateur sur la nature de classe de l'Etat républicain, qui cherche à s'imposer dans nos esprits, y compris dans la dite gauche radicale. C'est une nécessité pour bien comprendre l'enjeu de la situation en Catalogne, pas seulement d'ailleurs sur l'école, mais aussi pour en retirer, au passage, des éléments de réflexion et de mise en perspective sur nos engagements, ici, en France, pour l'émancipation, dans lesquels l'éducation tient une place importante. Sans poser la Catalogne comme un modèle, seulement en tant qu'elle nous donne l'occasion de prendre du recul politique sur nous-mêmes, sur nos impensés et de rebattre certaines cartes idéologiques pour mieux débattre !

Antoine
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