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Ordures - Vers la "tarification incitative" à MMM ?

 

temps de lecture : 7'

Le Conseil de Métropole de Montpellier du 23 novembre 2020 a voté le principe d'une étude afin de mettre en place une "tarification incitative" pour la collecte des ordures ménagères.

Le maire de Montpellier prétend avoir la légitimité pour la mettre en place pour la métropole entière car ce projet figurait dans son programme électoral municipal pour Montpellier. Un argument pour le moins contestable si on prend en compte, au premier comme au deuxième tour, le nombre de votants à ces élections. Quant à sa capacité, comme nombre de politiciens du système, à respecter ses promesses électorales rassurantes, on peut en douter, tant en ce qui concerne l'avenir de la Friche de Mimi que sur le déploiement des caméras de surveillance.

La tarification incitative, qu'est-ce que c'est ?

Prévue par le Grenelle de l’Environnement en 2007, votée en 2014, et applicable à compter de l’année 2019, la tarification incitative est un projet libéral visant à diminuer les frais de collecte et de traitement des déchets en utilisant le principe du pollueur-payeur.

L'application de ce principe prend en pratique des formes assez différentes suivant les localités et le


type d'habitat : Ici, on équipe les poubelles de puces électroniques et les bennes de balances. Là, les habitants doivent amener leurs sacs d'ordures dans des containers auxquels ils ont accès par un badge nominatif. Un dispositif complexe de facturation bien difficilement contrôlable doit souvent être mis en place. Selon les gestionnaires, ces dispositifs seraient efficaces pour réduire notablement le

volume et le coût des ordures ménagères, mais on ignore ce que deviennent vraiment tous les déchets. Ces formes nouvelles de collecte se généralisent en France, mais rencontrent des résistances :
Le Monde : Transition écologique : « Quand la redevance incitative sur les ordures ménagères radicalise les usagers mécontents »
Le Figaro : Ordures ménagères : la tarification incitative encouragée pour réduire les déchets
Club de Médiapart : La désastreuse nouvelle «collecte» des ordures ménagères en Ardèche

Le débat en Conseil de Métropole

NousSommes Montpellier a diffusé l'intervention d'Alenka Doulain et les réponses de François  Vasquez et de Mickaël Delafosse : Tarification incitative des déchets
Les représentants de la majorité municipale tiennent des propos rassurants, mais bien dans le cadre gestionnaire-libéral selon lequel ce sont les consommateurs qui seraient essentiellement responsables de la formation de déchets et qui doivent donc payer. Les industriels, eux, ne subiront aucune contrainte et pourront continuer à produire et vendre n'importe quoi et n'importe comment. Le coût est la motivation essentielle de ces gens alors que ces coûts sont dus en partie à l'augmentation de la population, à l'incapacité des dirigeants précédents (issus du même courant politique) de la métropole à trouver des solutions locales et satisfaisantes(*). Et pourtant, ces coûts devraient normalement diminuer puisque le nombre de collectes hebdomadaires a beaucoup diminué récemment sous l'ère Saurel. Ils devraient aussi normalement diminuer vu que l'équipe précédente a mis en place des automates de tri pour ce qui est recueilli dans les poubelles jaunes afin de valoriser les déchets recyclables.
À Montpellier, le fiasco d’une usine de traitement des déchets gérée par Suez

Quelles ordures ? Quelles solutions techniques ?

Des solutions sont déjà mises en œuvre et devraient être poursuivies et améliorées, sachant qu'en raison de la grande diversité des situations des personnes et des habitats, il n'y a pas de solution unique à tout :

Déchets biodégradables : La solution la plus simple est l'implantation de composteurs publics ou dans


les jardins. Elle permet de fabriquer un compost de qualité si le tri est effectué correctement.Elle permet aussi de composter les déchets de jardin. Elle a déjà été proposée depuis longtemps, mais marginalement et notamment avec des composteurs de très médiocre qualité. La solution des bacs orange est un échec cuisant car engendre des odeurs insupportables dans les rues et les habitations, en particulier en été. Il pourrait être mis en place des points de collecte ramassés régulièrement dans des sacs compostables dédiés. Autre solution qui peut être étendue : l'élevage de poules pour les personnes qui jouissent d'un jardin suffisamment grand.

Encombrants, bois, gravats, déchets verts, papier, carton, métaux, appareils électriques non réparables, produits dangereux : Tout ces déchets sont déjà déposables dans les déchetteries. La difficulté étant que des personnes n'ont pas de véhicule adapté pour y amener des encombrants ou des ordures diverses non-recyclables. C'est pourquoi la collecte des encombrants sur rendez-vous (ou pas) sur la voie publique doit être nettement améliorée afin que des encombrants ne restent pas longtemps sur les trottoirs.

Les emballages, papiers, cartons : Ils représentent de très gros volumes dans les poubelles jaunes.


Tant
que les institutions politiques ne contraignent pas les industriels et commerçants à en utiliser moins et surtout d'une qualité recyclable, la question ne peut être résolue que très marginalement localement. Le recyclage étant souvent laborieux et coûteux car non prévu à la conception et à la fabrication, il n'est pas effectué bien souvent et les déchets envoyés dans des pays pauvres. Les déchets de plastiques non recyclés, non biodégradables et non recyclés étant catastrophiques pour la pollution marine.

Le verre : Il semble que de plus en plus d'habitants mettent leurs récipients en verre dans les conteneurs dédiés, du moins tant que ceux-ci sont vidés régulièrement. Il n'en reste pas moins que le recyclage du verre n'est pas forcement une solution d'avenir car énergivore.

Déchets ménagers divers : Une collecte des déchets ménagers du quotidien est indispensable car on ne peut demander aux gens d'aller en déchetterie pour jeter de petits objets inutilisables, un verre, un pot de fleur cassés ou un emballage non recyclable.

Que faudrait-il faire ?

Nous ne connaissons pas quelles seront les décisions qui seront prises par la métropole après l'enquête qui sera conduite par François Vasquez et  si elles seront conformes aux engagements de ne pas pénaliser les faibles revenus et de faire l'objet de vastes consultations. On peut s'interroger sur la question de savoir si le fait de faire payer la quantité de déchets des habitant·e·s va influer sur la qualité de leur tri, pourtant essentielle pour leur traitement. Quant à la communication qui était celle de Saurel du "Zéro Déchet" réaffirmée, elle est risible puisque consommer, même très modestement, produit immanquablement des déchets. Le vrai débat est donc : que produire ? et comment ?, mais, sous la domination capitaliste, c'est l'actionnaire qui décide. Et il serait étonnant qu'en faisant payer les habitants, qu'en améliorant le tri, les déchets disparaissent beaucoup, comme par enchantement. 

Toujours est-il que le principe de base proposé est un mécanisme de marché qui entraine quasiment toujours plus d'inconvénients que d'avantages et notamment la complication de la vie des habitant·e·s. Qui plus est, cette manière de faire va très probablement entrainer des frais de mise en place, des frais d'investissement de nouveaux matériels, des frais de gestion et de facturation supplémentaires et un risque certain de facturation incontrôlable par les habitants, dans la lignée du prélèvement à la source pour l'impôt sur le revenu. Sans oublier le risque de dissémination des fichiers et d'une surveillance généralisés de la population ni le risque d'une augmentation des incivilités. Nous verrons si l'étude conduira à l'abandon du projet face aux difficultés à surmonter ou résistances qui pourraient se manifester. Derrière le vocable écolo saurélien du "zéro déchet", il y avait du vide. Qu'y aura-t-il derrière la notion à la mode de "tarification incitative" dans MMM ?

La lutte contre l'augmentation des déchets dont on ne sait que faire passe en premier lieu par la suppression des productions inutiles ou nuisibles, par la production de biens durables et réparables, par la généralisation de productions recyclables facilement. Une piste immédiate serait de faire payer aux industriels et aux grandes surfaces la multiplication des emballages et sur-emballages inutiles.
Tout ceci appelle des mobilisations bien au delà de MMM. Si ce n'est pas fait, nous courrons à la catastrophe écologique. Dans l'immédiat, une solution satisfaisante dans la métropole tiendrait compte de la diversité des habitats, de la diversité des populations en age et en revenus, de leur mobilité. Elle chercherait à aider, à informer, à éduquer au civisme les habitant·e·s et à leur rendre service et non à les sanctionner, les culpabiliser, les surveiller. Des solutions qui feraient appel aux intelligences individuelles et collectives seraient certainement, en ce domaine comme en d'autres, les plus efficaces de tout point de vue.

Séraphin Langlois (NPA34)

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Pour info : François Vasquez est interviewé en vidéo de 30' par L'AggloRieuse :

Grand entretien avec François Vasquez, sur les déchets à Montpellier






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