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Préfet de l'Hérault - Un tweet révélateur d'une politique

 

renforts de CRS à Montpellier - photo actu.fr

Le 29 septembre, dans un tweet, le préfet de l’Hérault a déclaré vouloir « en finir avec la délinquance des SDF étrangers » à Montpellier, affirmant que les CRS « ne les lâcheraient pas ». Une stigmatisation assumée, dans la lignée de la politique prônée par Gérald Darmanin envers les « délinquants étrangers ».

Nous citons le début de l'article de Médiapart qui relate les faits ( « Les SDF étrangers ne sont pas les bienvenus » : un préfet ne devrait pas dire ça )

Aussitôt publié, le communiqué a été effacé des réseaux sociaux hier. Dans un tweet doublé d’une publication Facebook, le préfet de l’Hérault, Hugues Moutouh, s’était empressé de réagir à un article du quotidien Midi libre annonçant l’agression de plusieurs passagers d’un train TER par un « déséquilibré », en gare de Montpellier. La veille, il se targuait de suivre les policiers de la direction départementale de la sécurité publique et les CRS chargés de la lutte contre l’insécurité, en patrouille au centre-ville.

« Je veux en finir avec la délinquance des SDF étrangers à Montpellier. Depuis le mois d’août, nous en avons arrêté 104, majoritairement des Algériens et des Marocains. Ils sont en grande partie responsables des vols et violences avec armes à Montpellier, a-t-il déclaré. Nous serons intraitables avec eux. J’ai donné instruction aux CRS qui patrouillent en ville de ne pas les lâcher. Ces personnes ne sont pas les bienvenues ici. »

Des propos stigmatisants à l’égard de la communauté maghrébine et théorisant une forme de harcèlement policier, sans qu’on ne comprenne bien qui sont ces « SDF étrangers », ni même s’ils ont déjà fait l’objet d’une condamnation par le passé. Ces propos s’inscrivent aussi dans un contexte où Gérald Darmanin, le ministre de l’intérieur, n’a cessé de diaboliser les « délinquants étrangers », qu’il souhaite voir expulsés plus facilement du territoire français. La future loi « Asile et immigration », prévue début 2023, devrait aller en ce sens.

Sans surprise, plusieurs élus du Rassemblement national se sont rapidement réjouis des déclarations du préfet : « Bravo au préfet Hugues Moutouh pour sa description de la réalité de la délinquance à Montpellier. Soyons intraitables avec les délinquants étrangers qui pourrissent la vie des Français ! », a tweeté Aurélien Lopez-Liguori, député RN de l’Hérault.

Le maire de Béziers, Robert Ménard, lui a apporté un « soutien total ». « Où est le problème ? Devrait-il souhaiter la bienvenue aux SDF étrangers délinquants majoritairement originaires d’Algérie et du Maroc ? » Nathalie Oziol, députée La France insoumise de l’Hérault, a de son côté pointé une « darmanisation du préfet ».

Pour les associations d’aide aux migrant·es, les méthodes du préfet Moutouh sont graves et ne résolvent rien. « Il désigne comme responsables tous les étrangers, en tout cas maghrébins. En somme, il demande à la police de faire du contrôle au faciès. Toute une partie de la population, même s’ils sont français, va être discriminée à cause de cela », réagit Thierry Lerch, co-président de la Cimade à Montpellier.

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Ce tweet a surpris, voire choqué, y compris dans la presse du système :

France 3 Occitanie SDF étrangers : "Ils ne sont pas les bienvenus", le tweet choc du préfet de l'Hérault à peine publié aussitôt effacé 

La Dépêche du Midi : "Ils ne sont pas les bienvenus" : le préfet de l'Hérault publie un tweet polémique sur les SDF étrangers

BFM TV : "Pas les bienvenus": le préfet de l'Hérault retire un tweet polémique sur les SDF étrangers

C News : Les SDF étrangers «pas les bienvenus» : le tweet du préfet de l'Hérault fait polémique   

Midi Libre : Montpellier : le préfet de l'Hérault retire un tweet polémique sur "les SDF étrangers"

Cette déclaration du préfet ne serait-elle au fond qu'une simple maladresse de communication ponctuelle, le préfet ayant simplement exprimé son opinion personnelle, oubliant qu'il s'exprimait au nom de l'État ? Il semble que ce ne soit pas le cas puisque, depuis qu'il a commencé sa mission dans l'Hérault, Hugues Moutouh a multiplié les actions de non respect, voire de répression et de stigmatisation de tout ce qui n'est pas mâle, de la bonne couleur de peau, de la bonne religion et qui porte la bonne tenue ou encore qui est jeune ou qui conteste la société actuelle et qui voit son avenir bouché. On est donc à des années-lumières de la fiction de "l'État du peuple tout entier"

Avant même qu'il arrive dans le département, le journal Le Poing avait eu un certain flair : Changement de préfet à Montpellier : du pareil au même (en pire) ?

Un des premiers faits d'armes du préfet-bulldozer fut l'expulsion de la ZAD du LIEN : Reporterre : À Montpellier, une Zad expulsée pour construire une route  . Toujours à propos du LIEN, il s'est distingué en biaisant et en interprétant faussement la consultation publique dont il a pris l'initiative pour tenter d'enrayer la mobilisation en rendant service au président socialiste du Conseil Départemental : Retour sur la consultation publique du LIEN en vidéo (17 juin 2022)

 Le préfet a multiplié les obstacles à la liberté de manifestation en définissant le parcours qui lui convenait pour les manifestations contre le pass sanitaire. Ces contraintes n'ont d'ailleurs pas été respectées la plupart du temps.

Alors que le mouvement féministe avait mené une campagne contre l'accueil déplorable donné par la police aux femmes victimes de violences, le préfet avait répondu (déjà) par un communiqué scandaleux niant la réalité : sauvegarder le fichiersauvegarder le fichier NPA 34 - Commissariats : Comment sont accueillies les personnes victimes d'agressions sexuelles ? 

Avec une certaine convergence avec Mickaël Delafosse et le maire d'extrême droite de Béziers, le préfet de l'Hérault ne semble pas avoir bien compris les fondements de la loi de 1905 définissant la laïcité : Le respect de la loi de 1905 s'applique aussi dans l'Hérault au préfet Moutouh

En intime collaboration avec le maire de Montpellier et sa police municipale, le préfet a multiplié les opérations coup de poing dans les quartiers populaires, notamment à La Paillade, cours Gambetta, quartier Figuerolles, au Petit Bard. L'objectif affiché étant de démanteler les petits trafics de subsistance, mais on ne voit jamais ces gens s'attaquer aux riches délinquants en costard qui dominent l'activité économique locale. Ces opérations sont d'ailleurs totalement inefficaces puisqu'elles ne s'attaquent qu'à leurs effets. Un exemple : Nouvelle opération de démantèlement d'un marché sauvage de fruits et légumes ce matin à la Mosson

Autres opérations coups de poing, encore plus graves :  d'innombrables expulsions de squats et de bidonvilles, la plupart sans solution d'hébergement de remplacement satisfaisante pour bon nombre d'expulsé·e·s. Des réfugié·e·s et des personnes précaires d'une grande diversité voient ainsi leur communauté de vie démantelée et leurs chances d'intégration encore amoindries, des personnes perdent leur moyen de subsistance, des enfants ne peuvent plus aller à l'école. Les organisations caritatives et de soutien sont encore plus en difficulté. Quelques illustrations : 

NPA 34 : Réactions après les scandaleuses expulsions de bidonvilles à Montpellier

Midi Libre Montpellier : après l’expulsion des habitants des bidonvilles, que sont devenues les familles ?

France 3 OccitanieMontpellier : nouvelle évacuation d'un bidonville, le préfet réquisitionne un ancien Ehpad pour reloger les expulsés  

Sans Transition[REPORTAGE] Montpellier : Bidonvilles expulsés, associations écœurées

MédiapartBidonvilles expulsés à Montpellier : la politique « bulldozer » du ... | Mediapart

Collectif  Tu Piges : Montpellier : les expulsions de bidonvilles anéantissent des années de travail associatif 

Rapports de force : Bidonvilles de Montpellier : des gros bras incendient, le préfet expulse, le maire se tait 

Politis : Bidonvilles de Montpellier : ces incendies qui arrangent la préfecture

NPA 34 : Scandale ! Montpellier coupe l'eau et l'électricité à des réfugiés 

Communiqué de la LDH suite à l'expulsion du bidonville du Mas Rouge : ​

 En guise de conclusion provisoire : Nous verrons si Hughes Moutouh se fait réprimander. Quoi qu'il en soit, le dernier dérapage du préfet n'est pas une simple maladresse, mais une politique délibérée d'accentuation de l'autoritarisme des institutions qui le mandatent : le ministère de l'Intérieur et la présidence de la République.

Séraphin Langlois (NPA 34)

  

Post Scriptum : Le Poing a ajouté son grain de sel dans l'affaire : Montpellier : le préfet Hugues Moutouh se lâche sur Twitter puis supprime sa publication

Autre Post Scriptum :  Ludivine Bantigny et Ugo Palheta dans leur essai Face à la menace fasciste, paru en 2021 : « la victoire du projet fasciste et le passage aux méthodes fascistes sont toujours précédés par un ensemble de renoncements à certaines dimensions fondamentales de la démocratie libérale : la marginalisation des arènes parlementaires et le recours à des méthodes de plus en plus autoritaires… C’est sans grande proclamation qu’elles opèrent : quadrillage sécuritaire des quartiers populaires, banalisation des violences policières, manifestations empêchées ou durement réprimées, arrestations préventives arbitraires, jugements expéditifs, licenciements de grévistes… […] Elle s’installe aussi quand une partie de la population est montrée du doigt pour ses origines et/ou sa religion, quand un gouvernement assoit son pouvoir par la division et la logique du bouc-émissaire.»

Et encore un autre Post Scriptum : Tout porte à croire que le préfet ne sera pas sanctionné. Un indice : cette tribune de militants politiques syndicaux et associatifs : Projet de loi immigration de Gérald Darmanin. Refuser la stigmatisation des immigré·es, défendre la régularisation des sans-papiers

 

 

 


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