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Syndicalistes enseignant.e.s et tri social

Le vendredi 22 novembre, le Comité de soutien au Nouveau Front Populaire - Pic St Loup organisait une conférence-débat sur le tri social dans l'Éducation Nationale animée par des enseignant.e.s syndicalistes. Ceci dans le cadre d'une série de conférences-débats sur des sujets politiques liés à l'actualité. La prochaine soirée aura lieu le mardi 17 décembre et concernera l'agriculture, toujours avec des syndicalistes (Confédération Paysanne et MODEF).

Voici le compte-rendu de la soirée du 22 novembre :

Le tri social dans l’éducation nationale

Une quarantaine de personnes a participé à cette conférence très intéressante organisée par le comité Nouveau Front Populaire du Pic Saint Loup le vendredi 22 novembre 2024. Nous remercions vivement les trois enseignants, syndicalistes passionnés par leur métier, qui nous ont fait part de leurs analyses, de leurs craintes, mais heureusement des perspectives d’avenir.

Dans l’ordre des exposés :

  • Johanna Vandewalle, professeur des écoles, SNUipp-FSU
  • Matthieu Brabant, professeur de Maths/Physique/Chimie en lycée professionnel, FERC-CGT
  • Jordan Homps, professeur Physique/Chimie, SNES-FSU

Avec ce lien youtube, vous pouvez visionner et écouter cette conférence. Avec malheureusement un souci technique pour le troisième conférencier (J. Homps) qui n’a pu être enregistré, ce dont nous nous excusons.

Une succession de réformes avec des sigles multiples, promues par une ribambelle de ministres (déjà 6 ministres de l’éducation sous Macron !) s’abat depuis 25 ans sur l’enseignement. Une stratégie de gouvernance revendiquée par le néolibéralisme : « Il faut lancer les réformes à un rythme tel que les oppositions n’aient pas le temps de s’organiser » disait Giulio Andreotti, ancien premier ministre Italien. Outil majeur de gouvernance libérale repris par la stratégie de « Bulldozer » de Sarkozy, puis Macron.

Le projet politique sous-tendant ces multiples réformes vise à fractionner le niveau de compétence et d’autonomie des futurs travailleurs, avec la conséquence de diminuer les salaires, d’avoir des employés façonnables à merci, de donner aux élèves des classes favorisées les moyens de manipuler ces critères de sélection. L’enseignement privé est en effet exempté de la plupart des réformes. De plus, des formations privées et très onéreuses foisonnent pour permettre aux élèves favorisés de maîtriser les critères de Parcoursup et d’obtenir les formations correspondant à leur choix de vie.

Nous assistons ainsi à un détricotage de notre système éducatif républicain qui favorise un tri social des élèves, en privilégiant l’enseignement privé, en creusant le fossé entre une élite et les classes populaires, notamment celles issues de l'immigration.

En première partie, les conférenciers ont indiqué comment les réformes récentes organisent et aggravent le tri social éducatif. En deuxième partie, nous résumons les discussions sur le versant « éducation » programme du NFP qui permettrait de corriger rapidement cette situation.

I. Illustration avec les réformes récentes

I-1 Choc des savoirs

Cette réforme initiée par le ministre Attal (et figurant au programme politique du RN) vise à réformer profondément les programmes scolaires et les méthodes éducatives pour s’adapter à la mondialisation, la digitalisation, et les nouvelles formes de travail. Du primaire aux niveaux 6ème et 5ème à la rentrée 2024, cette réforme entraîne des inégalités et favorise les classes moyennes. Seuls 23 % des collèges de l'Hérault l'ont mis en place, non pas par niveau comme prévu par le décret mais par formation de groupes hétérogènes avec des effectifs réduits.

L’enseignement privé n'a pas l'obligation d'appliquer ce décret.

L'ensemble des syndicats et la FCPE (parents d’élèves) sont opposés à ce dispositif. Le rapporteur général du conseil d’état a indiqué son désaccord. Le Conseil d'Etat est saisi et devrait suivre ses recommandations. Toutefois le Ministère de l’éducation a annoncé un nouveau décret d'application.

I.2 Labellisation des manuels

L'objectif est de labelliser tous les manuels scolaires du CP à la Terminale. Les professeurs deviennent de simples exécutants, les cours sont planifiés de façon uniforme au niveau national. Ce qui signifie la fin de la liberté pédagogique permettant d’adapter les programmes au niveau d’e la classe.

Les programmes actuels sont centrés sur les fondamentaux - Lire, Ecrire et Compter - laissant de côté les enseignements culturels, l'histoire-géographie, la philosophie. En pleine contradiction avec les acquits de la sociologie de l’éducation montrant l’apport crucial des sciences humaines pour apprendre les matières fondamentales, pour former un individu autonome et responsable, ouvert sur l’humanité. L’impact sera négatif principalement pour les enfants des classes populaires, ceux des classes privilégiés bénéficiant de cet apport culturel par leur environnement et des cours privés.

Les nouveaux programmes des cycles 1 et 2 sont déjà publiés pour la rentrée 2024, ceux du cycle 3 le seront en 2025.

I.3 Redoublement

Abandonné depuis plusieurs années, il sera à nouveau généralisé, malgré de nombreuses études ayant prouvé son inefficacité. Les pays les plus avancés de l’OCDE y ont renoncé. Encore une mesure qui va toucher en premier les classes populaires.

I.4 Temps de remédiation

Il pourra être proposé sur un temps scolaire ou péri-scolaire, et renforcera la stigmatisation de certains élèves.

I.5 Généralisation des évaluations personnelles et annuelles, du CP à la terminale, en 2024

Cette évaluation annuelle de chaque élève est un moyen supplémentaire de tri social, de formatage des élèves et enseignants. Dès le CP, certains élèves se verront classés en « niveau faible » avec le risque de stigmatisation, de mise à l’écart du groupe social, en complète contradiction avec les concepts de sociologie éducative.

Au niveau des pays de l'OCDE, les évaluations ne sont pas faites de façon individuelle mais sur un panel d'élèves, avec l’objectif d’une vision générale.

C’est également un outil de contrôle des enseignants, contrôle complété par l'évaluation des écoles : auto-évaluation des profs et directeurs - évaluation en externe, que ce soit par la DSDEN, les parents - avec le risque de mettre les établissements en concurrence, ce qui est déjà le cas dans le secondaire. C'est une démarche de management qui ne place plus l'élève au centre des apprentissages.

I.6 Réforme du lycée

Parcoursup : L’élève voit son parcours de vie décidé par un simple algorithme... Cest un dispositif qui casse les filières et oblige les élèves à se déterminer trop tôt dans leur scolarité. Dès la seconde, un lycéen doit faire des choix qui vont l’engager toute sa vie avec de moins en moins de conseillers d’éducation. La réforme du lycée, avec le choix de 3 spécialités en première, dont 2 seront gardées en terminale, a un impact négatif sur l'accès des filles aux filières scientifiques.

I.7 Enseignement professionnel

Les objectifs de cette pléthore de réformes sont encore plus clairs pour l’enseignement professionnel, avec une classe dominante ayant compris comment détricoter les métiers et dégrader les conditions de travail des travailleurs. Auparavant, la qualification était validée par un diplôme, un niveau expert métier, offrant une capacité d’autonomie au futur travailleur. En face, l’employeur garantissait un niveau de salaire. Depuis 25 ans, l’objectif est de détruire les qualifications. En lycée pro, on n’apprend plus que des compétences représentant une petite partie d’une qualification. Ce que souhaite le patronat : abandon des qualifications, uniquement des compétences partielles, d’où baisse de salaires. De plus, il y a un développement à outrance de l’Apprentissage dans lequel on apprend des gestes de travail, pas un métier dans sa diversité.

II. Qu’apporte le programme du Nouveau Front Populaire, quelles sont les échéances permettant à nos enfants de bénéficier d’une éducation garantissant leur épanouissement et un devenir meilleur de la société ?

Le versant éducation du programme du Nouveau Front Populaire, synthèse des programmes de ses composantes politiques, est un programme d’urgence permettant en quelques mois d’éliminer les principales dérives libérales des gouvernements Macron. Ces dérives ont été mises en place par simple arrêté ou décret et peuvent être abrogées par simple arrêté ou décret. C’est une remise en état à minima de notre système éducatif républicain qui permet de concevoir à moyen terme, en synergie avec toute la société, une école et une université au service de l’émancipation de tout citoyen, de l’humanité et non d’une classe dominante.

Un rappel du programme NFP : Faire une grande loi éducation

Réduire les effectifs par classe pour faire mieux que la moyenne européenne de 19 élèves

Moduler les dotations des établissements scolaires - y compris privés - en fonction de leur respect d’objectifs de mixité sociale

Démocratiser l’université en abolissant Parcoursup et la sélection dans l’université publique, instaurer le repas à 1 euro dans les Crous

Investir dans l’Éducation nationale à hauteur des besoins :

- en engageant la revalorisation des grilles de salaires, en réinvestissant dans les locaux scolaires,

- en renforçant les effectifs de la médecine scolaire,

- en garantissant le nombre de personnels par établissement,

- en reconnaissant leur rôle pédagogique,

- en créant un service public d’accompagnement des élèves en situation de handicap,

- en formant et titularisant les actuel.les accompagnant.es d’élèves en situation de handicap (AESH)

Mettre en place une garantie d’autonomie qui complète les revenus des ménages situés sous le seuil de pauvreté (accessible dès 18 ans pour les personnes indépendantes fiscalement et dès 16 ans pour les élèves de l’enseignement professionnel)


 

 

 

 


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