La deuxième place de Syriza est la bonne surprise des
élections législatives du 6 mai dernier. Cela marque la volonté de la
population d’en finir avec les politiques d’austérité.
Il
est particulièrement pénible de lire chaque jour dans la presse
grecque (ou française !) que la Grèce se trouve désormais dans une crise
plus seulement économique mais aussi politique : c'est depuis 2009 que
le fond de la crise est profondément politique, quand le Pasok a pris
le contre-pied total des quelques mesures sociales qu'il avait promises
au « peuple de gauche » pour être élu contre la droite ! Et il est
insupportable de voir aujourd'hui la même presse accuser sur tous les
tons la gauche radicale Syriza de bloquer une solution politique
« raisonnable », qui consisterait à l'inclure dans un gouvernement
d'union nationale pour prolonger et donc accentuer la politique de
misère que la Troïka claironne être la seule possible !
Une semaine perdue ?
Depuis
les résultats des élections législatives du 6 mai, le Pasok et le
parti de droite ND parlent ouvertement le même langage : au lieu
d'admettre la défaite cinglante des partis de la Troïka et du
mémorandum, ils expliquent que le vote des Grecs montre leur volonté de
rester dans l'euro et de voir tous les partis collaborer ! Ils
effacent ainsi le message principal, attesté d'ailleurs par les
sondages qui montrent cette semaine que seul Syriza progresse dans les
intentions de vote. Deux électeurs sur trois ont rejeté la politique du
mémorandum, et c'est bien ce qui inquiète les bureaucrates de
Bruxelles ! Dans les différentes formules pour tenter, pendant la
semaine écoulée, de former un gouvernement, tous les messages, relayés
par une très grande partie de la presse, ont consisté à rejeter la
responsabilité de l'échec d'un accord sur Syriza qui refuserait « de
prendre ses responsabilités », discours connu en France. Les médias ne
s'intéressent qu'à de prochaines élections. Ils ont reçu l'aide d'un
groupe issu d'une scission droitière du Synaspismos, Gauche
démocratique, dont le dirigeant Kouvelis, mécontent d'avoir vu les
suffrages ex-Pasok filer à Syriza, est allé jusqu'à dire qu'il
accepterait un gouvernement Pasok-ND… à condition que Syriza y
participe ! La pression de Bruxelles, avec des chantages de plus en plus
menaçants, a pour but de former à tout prix un gouvernement issu de
ces élections, quitte à étouffer le refus de l'austérité aujourd'hui
majoritaire.
De son côté, Alexis Tsipras de Syriza rappelle à juste titre que le
message principal des élections est la condamnation massive de la
politique d'austérité et qu'il est donc hors de question pour Syriza de
trahir le mandat des électeurs, ajoutant que si Kouvelis y tient, le
nombre de ses députés lui permet de constituer un gouvernement avec le
Pasok et la ND… Globalement, on peut dire que dans un contexte très
difficile de cuisine gouvernementale, la direction de Syriza a su
répondre, au moins pour les médias. Pourtant, on peut ajouter que face
aux interrogations et au désarroi de bien des travailleurEs, Syriza,
présent dans les médias par les seuls dirigeants du Synaspismos, ne
devrait pas se cantonner au cadre des institutions, mais en appeller au
soutien populaire plutôt que de donner de la publicité à un contact
avec François Hollande ou avec les dirigeants bureaucratiques des
centrales syndicales grecques. Les réponses politiques de gauche sont
urgentes, et elles impliquent l'intervention des travailleurs dans le
débat public, y compris bien sûr sur la question du gouvernement ! Même
dans une phase d'atonie relative du mouvement social, des possibilités
existent, et de toute façon, c'est le seul moyen de barrer la route à
un retour autoritaire ou musclé de la droite.
Perspectives à gauche
Perspectives à gauche
La
gauche se retrouve avant tout dans trois organisations dont l'action
unitaire sur quelques thèmes pourrait être déterminante. Pour cela, le
point de départ est le dépassement de faiblesses évidentes : chez
Syriza, le flou quant à la question de la dette (pas de remboursement
ou échelonnement) est un des exemples du manque de détermination de ce
regroupement. Quant au KKE (PC), ses résultats décevants peuvent
l'amener à deux attitudes différentes : crispation sectaire – ce que
veut la majorité de sa direction, qui attend l'échec de Syriza pour
dire que le KKE avait raison (de ne rien faire !) – ou compréhension
par ses militants (avec fort ancrage ouvrier) que l'unité d'action à
gauche est vitale. Le regroupement anticapitaliste Antarsya n'a pas
réussi à obtenir de députés, même s'il a dépassé le seuil des 3 % dans
plusieurs villes. Sa direction a rencontré Syriza dans la semaine et
l'importance des enjeux est claire pour tout le monde. La question est
donc de s'unir sur ce qui fait accord entre ces trois organisations,
comme l'annulation des mémorandums par exemple. De plus, un tel travail
unitaire est indispensable vis-à-vis des militantEs du KKE. Cependant,
au-delà de ces recherches d'actions unitaires entre organisations,
l'auto-organisation des travailleurEs sera en dernier lieu déterminante
pour les questions de base.
Deux thèmes peuvent être indiqués : dans le cadre d'une rupture
possible avec l'UE, quels liens au mouvement ouvrier européen et quels
modes d'organisation de la vie quotidienne (comment étendre et faire
durer le « mouvement des patates »?). Quelle action urgente par rapport
au groupe nazi qui commence enfin à être démasqué, mais qui, sur la
base de sa composition d'un groupe de petites frappes qui a obtenu
jusqu'à 23 % dans des bureaux de vote de quartiers d'Athènes habités
par les flics, continue à agir en toute impunité contre les immigrés ?
Le fait qu'il ait obtenu jusqu'à 6 % dans deux localités équivalant à
Oradour-sur-Glane exige une riposte nationale symbolique pour laquelle
la gauche doit être à l'initiative !
Andreas Sartzekis (Grèce : on a voté, et puis après ?...)
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