Hollande est élu, le changement est donc pour maintenant. Mais
d’après les annonces, il semble que cela ne passera pas par
l’abrogation des contre-réformes imposées par Sarkozy.
«Français donnez une majorité au nouveau président, pour réussir le changement ! » Toute la campagne législative du Parti socialiste tient en cette formule. Mais quel changement ?
On pourrait bêtement penser que le changement commencerait par
l’abolition de toutes les réformes de Sarkozy… Mais pas du tout ! La
TVA sociale sera abrogée, et… ? C’est à peu près tout. Les réformes
antisociales de la droite seraient-elles bonnes à prendre, tout compte
fait, pour le PS ?
Hollande le confirme : il mènera une politique de rigueur. Même si le
PS met en scène toute une comédie de la « croissance » à relancer, à
condition de trouver un accord européen en confrontation avec
l’Allemagne, présenté comme un Himalaya à gravir. À les entendre, si la
montagne accouche d’une souris, il faudra donc applaudir l’héroïque
président… qui doit se féliciter du calendrier : le prochain sommet
officiel des chefs d’État aura lieu après le deuxième tour des
législatives.
Mais pour les gagner, il ne faut pas trop « désespérer Billancourt »
et Hénin-Beaumont. Alors que « l’espoir » est reporté à juillet, avec
des négociations avec le patronat et les syndicats sur les retraites,
et une réforme fiscale limitée, quatre mesures immédiates sont
annoncées : la baisse de 30 % des rémunérations du président et des
ministres, le droit de partir à 60 ans pour ceux qui ont commencé à
travailler très tôt (et ont toutes leurs cotisations !), le blocage du
prix de l’essence pour trois mois, l’augmentation de 25 % de
l’allocation de rentrée scolaire.
Plutôt maigre pour incarner le changement… Surtout que la reculade
arrive déjà ! Le prix de l’essence, après avoir atteint des sommets,
commence à redescendre un peu... Alors Michel Sapin, possible ministre
de l’Économie (au moment où nous bouclons), estime que ce serait ballot
de « bloquer des prix qui baissent » ! Quant au droit à la retraite à
60 ans, déjà réservé à une partie très minime des travailleurs, il
serait encore plus limité que prévu, car les socialistes parlent
désormais de trimestres « cotisés » et non pas « validés ». En clair :
les périodes de congés maladie, de congé parental, les bonifications
pour enfants, les périodes de chômage ne compteraient pas. Ainsi la
mesure « coûterait trois fois moins cher », selon Marisol Touraine,
possible ministre des Affaires sociales.
La campagne socialiste aura donc la même saveur que celle des
présidentielles, fade voire amère, surfant sur la détestation populaire
du sarkozysme, et le « légitimisme » d’électeurs voulant donner les
moyens de gouverner au nouveau chef… sinon le chaos !
Les traditionnels partenaires de l’ancienne gauche plurielle sont
pourtant loin de se rebiffer. À une écrasante majorité le conseil
national d’Europe Écologie-Les Verts a voté la demande d’avoir des
ministères. Mais lesquels ? Apparemment tout sauf l’économie, et même
pas un grand ministère écologiste (qui avalerait la pilule du nucléaire
maintenu)… Plutôt des « ministères régaliens » (la Défense alors ?)
selon le sénateur vert Jean-Vincent Placé. Les voilà donc enchaînés au
char victorieux du PS.
Et le Front de Gauche ?
Et le Front de Gauche ?
Il
semble étrangement loin le temps où Mélenchon « était la tempête »…
Les militants du Front de Gauche se souviennent, heureusement, qu’ils
défendent la retraite à 60 ans à taux plein, le Smic à 1 700 euros, le
rejet pur et simple du traité européen d’austérité. Mais les dirigeants
du PCF n’excluent pas officiellement d’entrer au gouvernement. Sans
doute pas pour réellement y aller… mais ce vague est fait pour montrer,
au moins le temps de l’élection, qu’ils sont plus dans la majorité que
dans l’opposition. On voit resurgir une foultitude de petits notables,
de conseillers régionaux, de vice-présidents de conseils généraux, de
présidents de communautés d’agglomération, d’adjoints au maire de tout
poil, parfois des « braves gens » (pour parler le Mélenchon) solidaires
des luttes de leur coin, souvent des bureaucrates gris muraille de
collectivité territoriale. Des candidats qui nous chantent :
transformons l’essai pour le changement, portons un fort groupe Front
de Gauche à l’Assemblée, qui pèsera pour élaborer de bonnes lois (avec
les socialistes ?!).
« Ni dans la majorité ni dans l’opposition » comme le dit Mélenchon. Mais où alors ?
Il faudra bien pourtant résister à l’austérité de gauche, et aller le chercher nous-mêmes, le changement, camarades !
Yann Cézard
Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 149 (17/05/12)
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