Dix ans après le gouvernement Jospin et même dix-sept ans après la fin du mandat de Mitterrand, la gauche revient au pouvoir.
Le moins qu'on puisse dire est que Hollande a peu promis. Surtout si on compare son programme à celui de Mitterrand en 1981.
Mais
du programme à sa mise en œuvre, il y a parfois loin et comme le
montrent les articles de ces pages, pendant les trois périodes où le PS a
dirigé le pays, il a doucement évolué de la social-démocratie vers le
social-libéralisme.
Histoires de programmes
Naturellement, les différents gouvernements
socialistes doivent être jugés principalement en fonction de leur action
politique (ce qu’ils ont fait) plutôt qu’en fonction de leur programme
électoral (ce qu’ils avaient promis). Ne serait-ce que parce qu’il y a
souvent un gouffre entre les deux… Pour autant, les programmes mis en
avant par la gauche avant chacune de ses victoires nous en apprennent
beaucoup. Sur l’état des rapports de forces sociaux, d’abord. Et,
surtout, sur la longue dérive de la gauche traditionnelle.
Au
début des années 1970, sous l’égide de F. Mitterrand, l’union de la
gauche a entamé sa marche vers le pouvoir sur la base du Programme
commun de gouvernement, avalisé par le PS, le PCF et le PRG (Parti
radical de gauche). Ce document de 146 pages dactylographiées constitue,
en quelque sorte, un contrat de gouvernement. Globalement, le Programme
commun contient des mesures assez audacieuses en matière de pouvoir
d’achat et de droit du travail, ainsi qu’en matière de libertés
publiques avec la suppression des dispositifs les plus répressifs (Cour
de sûreté de l’État, loi anticasseurs). Par contre, le programme commun
se garde bien de remettre en cause les institutions de la ve République,
à commencer par les pouvoirs exorbitants du président de la République…
Cependant, le cœur du projet est constitué par un important programme de nationalisations industrielles et bancaires, pour conférer à l’État la maîtrise de l’appareil économique. Le projet trace aussi une perspective plus ambitieuse : « le passage du secteur privé au secteur public des pôles dominants de la production et la mise en place de structures démocratiques de gestion que ce passage permet commanderont la transformation effective de la société et ouvriront la voie au socialisme ».
À partir de 1979, le PCF déclenche une violente polémique contre Mitterrand et le PS, notamment sur le nombre de nationalisations. Mitterrand profite de l’occasion pour s’affranchir définitivement du Programme commun. À la présidentielle de 1981, il se présente sur la base des « 101 propositions », reprenant certaines mesures du défunt Programme commun, mais restant discret sur la transformation du système.
Lorsqu’il se représente, en 1988, F. Mitterrand se dispense de tout
engagement : pas de programme, pas de propositions ! Juste une Lettre à tous les Français, défendant son bilan présidentiel et présentant quelques éléments de sa philosophie politique…
En 1997, lorsque Chirac dissout l’Assemblée nationale et provoque de nouvelles élections législatives, la gauche renoue avec la tradition : l’acte de naissance de la gauche plurielle est un accord en bonne et due forme, avec un volet électoral (désistements réciproques) et un volet programmatique : réduction du temps de travail (les 35 heures), plan de création de 700 000 « emplois jeunes », refus de ratifier le traité européen d’Amsterdam…
En 2002, Lionel Jospin avait cru bon de préciser : « mon programme n’est pas socialiste ». Cela ne lui avait pas porté chance. Dix ans plus tard, François Hollande s’est présenté sur la base de 60 propositions, marquées au coin du « réformisme réaliste » qu’il revendique : ne promettre que ce que l’on est sûr de tenir. Et, donc, promettre le moins possible !
Cependant, le cœur du projet est constitué par un important programme de nationalisations industrielles et bancaires, pour conférer à l’État la maîtrise de l’appareil économique. Le projet trace aussi une perspective plus ambitieuse : « le passage du secteur privé au secteur public des pôles dominants de la production et la mise en place de structures démocratiques de gestion que ce passage permet commanderont la transformation effective de la société et ouvriront la voie au socialisme ».
À partir de 1979, le PCF déclenche une violente polémique contre Mitterrand et le PS, notamment sur le nombre de nationalisations. Mitterrand profite de l’occasion pour s’affranchir définitivement du Programme commun. À la présidentielle de 1981, il se présente sur la base des « 101 propositions », reprenant certaines mesures du défunt Programme commun, mais restant discret sur la transformation du système.
Lorsqu’il se représente, en 1988, F. Mitterrand se dispense de tout
engagement : pas de programme, pas de propositions ! Juste une Lettre à tous les Français, défendant son bilan présidentiel et présentant quelques éléments de sa philosophie politique…
En 1997, lorsque Chirac dissout l’Assemblée nationale et provoque de nouvelles élections législatives, la gauche renoue avec la tradition : l’acte de naissance de la gauche plurielle est un accord en bonne et due forme, avec un volet électoral (désistements réciproques) et un volet programmatique : réduction du temps de travail (les 35 heures), plan de création de 700 000 « emplois jeunes », refus de ratifier le traité européen d’Amsterdam…
En 2002, Lionel Jospin avait cru bon de préciser : « mon programme n’est pas socialiste ». Cela ne lui avait pas porté chance. Dix ans plus tard, François Hollande s’est présenté sur la base de 60 propositions, marquées au coin du « réformisme réaliste » qu’il revendique : ne promettre que ce que l’on est sûr de tenir. Et, donc, promettre le moins possible !
François Coustal
Mitterrand 1981
Le 10 mai 1981, Mitterrand est élu président. En
juin, les élections législatives donnent une majorité absolue au Parti
socialiste.
Très vite aussi, des mesures symboliques sont prises qui
répondent aux mobilisations populaires des années précédentes. Dès le 28
mai, tout en confirmant son choix en faveur du nucléaire, Mitterrand
annonce l’arrêt du chantier de Plogoff, objet de manifestations monstres
en Bretagne. Le 3 juin, il décide l’annulation du projet d’extension du
camp militaire, contre lequel s’étaient mobilisés, depuis 1973, paysans
du Larzac, pacifistes et antimilitaristes. Il faut attendre un peu
(décembre 1982) pour que soit votée une loi permettant assez largement
le remboursement de l’interruption volontaire de grossesse…
En juillet 1981, le gouvernement augmente le Smic de 10 %,
l’allocation handicapés de 20 %, les allocations familiales et
l’allocation logement de 25 %. En août, il supprime la Cour de sûreté de
l’État, symbole d’une justice d’exception. Quelques mois plus tard, il
abroge la « loi anticasseurs » instaurée par Giscard d’Estaing pour
criminaliser les mobilisations sociales. Au dernier trimestre 1981, les
radios libres (sans publicité) sont autorisées. Et les prix sont bloqués
pour six mois. Dans la foulée, deux mesures emblématiques sont prises :
l’abolition de la peine de mort et la création de l’impôt sur les
grandes fortunes (IGF).
En janvier, la durée légale de la semaine de travail est
abaissée de 40 à 39 heures et la cinquième semaine de congés payés est
instaurée. En février, la loi sur les nationalisations est votée. En
mars, l’âge légal de départ à la retraite passe de 65 à 60 ans. À
l’époque, le nombre d’annuités requis pour une retraite pleine et
entière était de 37, 5 et l’on entrait plus tôt dans la vie active :
donc, l’abaissement à 60 ans de l’âge légal a effectivement permis à des
centaines de milliers de salariés – qui avaient leurs annuités, mais
pas 65 ans – de partir. Ces mesures sont porteuses d’ambiguïtés et ne
constituent pas la « rupture avec le capitalisme » qui avait fait les
beaux jours de la reconstruction du PS dans les années 1970. Mais il
suffit de les mettre en rapport avec ce que propose aujourd’hui, trente
ans plus tard, le PS pour mesurer l’ampleur de sa régression
sociale-libérale !
Quant aux nationalisations « cuvée 1982 », elles ne sont évidemment ni l’expropriation des capitalistes ni la première étape du pouvoir des travailleurs. Il n’empêche… Au moment où, partout dans le monde industriel développé, on privatise à tour de bras – ce sont les « années Reagan Tchatcher » – la France se dote d’un secteur public et nationalisé d’une puissance inégalée, que ce soit dans son histoire ou en comparaison avec des pays analogues. Il représente alors 23 % des salariés français, 28 % de la valeur ajoutée, 30 % des exportations et 49 % des investissements. Le secteur bancaire nationalisé représente alors 91 % des dépôts bancaires. Et pourtant : bien qu’en principe dirigées par l’État, ces entreprises fonctionnent exactement comme des entreprises privées, appliquent les mêmes critères de rentabilité et de profitabilité. Elles se font même concurrence entre elles ! Des nationalisations capitalistes, en quelque sorte…
Quant aux nationalisations « cuvée 1982 », elles ne sont évidemment ni l’expropriation des capitalistes ni la première étape du pouvoir des travailleurs. Il n’empêche… Au moment où, partout dans le monde industriel développé, on privatise à tour de bras – ce sont les « années Reagan Tchatcher » – la France se dote d’un secteur public et nationalisé d’une puissance inégalée, que ce soit dans son histoire ou en comparaison avec des pays analogues. Il représente alors 23 % des salariés français, 28 % de la valeur ajoutée, 30 % des exportations et 49 % des investissements. Le secteur bancaire nationalisé représente alors 91 % des dépôts bancaires. Et pourtant : bien qu’en principe dirigées par l’État, ces entreprises fonctionnent exactement comme des entreprises privées, appliquent les mêmes critères de rentabilité et de profitabilité. Elles se font même concurrence entre elles ! Des nationalisations capitalistes, en quelque sorte…
Le tournant de la rigueur
En
juin 1982, un premier plan de « rigueur » est mis en œuvre. Mais c’est
au cours de l’année 1983 que s’opère le « tournant de la rigueur » :
face à la montée des déficits (dont celui du commerce extérieur) et –
déjà… – sous la pression de l’Europe et des marchés. Parallèlement, on
assiste à une montée continue du chômage. François Mitterrand a
tranché : la France reste dans le système monétaire européen. Les
conséquences logiques de ce choix s’enchaînent impitoyablement. Les
mesures d’austérité se succèdent. En 1984, Pierre Mauroy cède la place à
Laurent Fabius. Il n’y a plus de ministres communistes dans le
gouvernement.
Parmi les principales mesures de soumission de la gauche au
capitalisme, il faut noter l’abolition de l’indexation des salaires sur
l’évolution des prix. Cette décision capitale sera l’un des éléments
déterminants de la baisse du pouvoir d’achat des couches populaires :
c’est là l’origine de la dégradation de la répartition des richesses,
les fameux 10 % volés par le capital au travail…
Le pouvoir d’achat n’est pas la seule victime de la nouvelle
politique économique des socialistes : l’emploi aussi va souffrir.
Ainsi, c’est à un gouvernement « socialiste » qu’il reviendra d’achever
la liquidation de la sidérurgie. Il ne lésinera pas sur les moyens. Pour
acheter la paix sociale, Jacques Chérèque – ancien syndicaliste devenu
préfet spécial, puis ministre – invente la « convention générale de
protection sociale » dont la mesure principale est la préretraite, avec
départ dès l’âge de… 50 ans. L’objectif est clair : « Il faut retirer
les hauts-fourneaux de la tête des sidérurgistes lorrains ». Les
reconversions promises seront, elles aussi, emblématiques avec…
l’inauguration du parc des Schtroumpfs, dont les emplois sont censés
prendre la relève de ceux détruits dans la sidérurgie !
Naturellement, la proposition n°80 du candidat Mitterrand –
accorder aux immigrés le droit de vote aux élections municipales après
cinq ans de présence – sera « oubliée ».
L’alignement sur l’impérialisme américain est confirmé. Aucune
rupture n’aura lieu avec le néocolonialisme. Très vite, le ministre de
la Coopération, Jean-Pierre Cot, qui prétendait faire bouger les choses,
est écarté. Les réseaux de droite et réseaux socialistes se
concurrencent et coopèrent dans le cadre de la « politique africaine de
la France », autrement dit la Françafrique. En janvier 1985, les
gendarmes français procèdent à l’exécution sommaire d’Eloi Machoro,
leader de la lutte pour l’indépendance kanake. En juillet 1985, les
services secrets français coulent le Rainbow Warrior, un bateau de
Greenpeace qui protestait contre les essais nucléaires en Polynésie,
assassinant au passage un photographe. Et ce ne sont là que
quelques-unes des nombreuses turpitudes du pouvoir mitterrandien en
matière de politique étrangère et néocoloniale…
En 1986, la droite remporte les élections législatives. J. Chirac devient Premier ministre. C’est la première cohabitation.
En 1986, la droite remporte les élections législatives. J. Chirac devient Premier ministre. C’est la première cohabitation.
François Coustal
Tonton 1988 – 1993
François Mitterrand est réélu en mai 1988. Mais
les élections législatives qui suivent ne donnent qu’une majorité
relative au PS. Le gouvernement Rocard pratique alors « la politique de
l’ouverture », c’est-à-dire la recherche de l’appui des « centristes »
pour faire voter ses lois. Un appui récompensé par l’entrée de ministres
de droite (modérée) au gouvernement…
Les gouvernements de M. Rocard, de E. Cresson, puis de P.
Beregovoy, marquent une mutation essentielle de la gauche et du PS : non
seulement il n’est plus question de « rompre avec le capitalisme »,
mais même toute velléité d’en modérer les aspects les plus brutaux
disparaît : l’heure est à la soumission à la loi des marchés, à
l’orthodoxie budgétaire, à la réconciliation de la gauche avec
l’entreprise et le monde des affaires. Bernard Tapie sera même
ministre !
Quelques mesures sont censées rappeler qu’il s’agit bien de
gouvernements de gauche : réduction à dix mois du service militaire (au
lieu des six mois promis), loi Gayssot réprimant le négationnisme,
abolition partielle des lois Pasqua sur l’immigration, par exemple. Ou
encore la création du RMI : à défaut de lutter contre le chômage, la
gauche tente très timidement d’enrayer le développement des « nouveaux
pauvres ». La création de la CSG est présentée comme une mesure de
justice, puisque les revenus du capital sont concernés ; mais elle ouvre
la voie à l’étatisation de la protection sociale. Le « plan pour les
lycées » et la création des instituts de formation des maîtres (IUFM)
satisfont très partiellement les revendications de moyens pour l’école
et de revalorisation des salaires des enseignants.
Pour autant, le verre est loin d’être même à moitié plein ! En
adoptant le principe du « ni ni » – ni privatisation ni nationalisation –
la gauche avalise de fait l’impressionnante vague de privatisations que
vient d’opérer le gouvernement Chirac entre 1986 et 1988. Mais, en
réalité, en éclatant les PTT entre deux établissements – La Poste et
France Telecom – la réforme Quilès enclenche un nouveau processus de
privatisation. La réforme du statut des dockers constitue une nouvelle
attaque contre les acquis sociaux, alors même que se développent au cœur
même du pouvoir des phénomènes de corruption à grande échelle (Pelat,
Tapie, dossier Elf, etc.).
Dans le domaine international, la politique menée est 100 %
guidée par la défense des intérêts impérialistes. C’est la construction
capitaliste et austéritaire avec le traité de Maastricht. C’est l’envoi
au Rwanda de troupes françaises qui seront, ensuite, complices du
génocide. C’est, enfin, la participation - comme force supplétive de
l’impérialisme US – de l’armée française à la (première) guerre du Golfe
contre l’Irak.
Lors des législatives de juin 1993, la sanction électorale sera terrible : avec moins de 10 % de députés socialistes, cette Assemblée nationale est la plus à droite de toute son histoire…
Lors des législatives de juin 1993, la sanction électorale sera terrible : avec moins de 10 % de députés socialistes, cette Assemblée nationale est la plus à droite de toute son histoire…
F. C.
Jospin 1997-2002
«J’ai décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. »
La déclaration de Chirac le 21 avril 1997 a de quoi surprendre, y
compris dans ses propres rangs. Certes, le gouvernement avait été
affaibli par les grèves de 1995, la lutte des sans-papiers de
Saint-Bernard en août 1996 et par les « affaires » qui commençaient à
sortir, mais le RPR avait 245 sièges sur 577 à l’Assemblée (213 pour
l’UDF et seulement 52 pour le PS), et les législatives suivantes ne
devaient se tenir qu’un an plus tard. Toujours est-il que, contrairement
aux prévisions, la gauche plurielle (PS, Verts, PCF, MDC) obtient 319
sièges sur 577 dont 250 pour le PS, le RPR retombe à 134 députés. Jospin
est nommé Premier ministre.
Les reniements
Lors de sa
campagne, Renault dont l’État est actionnaire à plus de 44 % annonce la
fermeture de l’usine de Vilvorde en Belgique. Jospin déclare alors cette
décision « financièrement, industriellement et socialement aberrante,
alors que le groupe Renault a récemment investi 1, 4 milliard de francs
dans la modernisation ».
Le 16 mars, il participe même à une manifestation aux côtés des salariés et des syndicats à Bruxelles. Le 29 mai, à l’issue d’un meeting de campagne, il assure aux syndicalistes de Vilvoorde venus en délégation : « En tant qu’actionnaire de Renault, les représentants de l’État au conseil d’administration exigeraient que d’autres mesures soient envisagées, étudiées et préparées, pour résoudre les difficultés qui peuvent exister en matière de coûts de production de l’usine de Vilvorde. »
Le 16 mars, il participe même à une manifestation aux côtés des salariés et des syndicats à Bruxelles. Le 29 mai, à l’issue d’un meeting de campagne, il assure aux syndicalistes de Vilvoorde venus en délégation : « En tant qu’actionnaire de Renault, les représentants de l’État au conseil d’administration exigeraient que d’autres mesures soient envisagées, étudiées et préparées, pour résoudre les difficultés qui peuvent exister en matière de coûts de production de l’usine de Vilvorde. »
Pourtant, une fois Premier ministre, le 7 juin, soit à peine
quelques jours après la victoire de la gauche plurielle, il rencontre le
Premier ministre belge et déclare « sur le dossier Vilvorde. Ce n’est
pas le gouvernement français qui décide », et qu’il n’a « pas, non plus,
une emprise directe sur l’entreprise Renault ». Le 28 juin, la décision
de fermeture est confirmée.
Quant au traité d’Amsterdam qui définit les conditions du
passage à l’euro, notamment par l’obligation pour les États de respecter
le pacte de stabilité ramenant le déficit à 3 % maximum du PIB, Jospin
promet que le traité ne sera pas signé si des négociations sur un traité
social européen n’était pas engagées. Il qualifie même le projet de
« Supermaastricht » et une « concession absurde faite aux Allemands ».
Là encore, les promesses n’engagent que ceux qui y croient et
deux ans plus tard, Jospin ratifie le traité en compagnie de Chirac.
Les cadeaux aux riches et aux patrons
Si
les premières années du premier septennat de Mitterrand sont marquées
par une vague sans précédent de nationalisations, Jospin fait exactement
l’inverse et privatise plus que Juppé et Balladur réunis. Des cessions
totales ou partielles par le biais d’ouvertures du capital ouvrent la
voie aux privatisations. Ainsi, c’est à Jospin que l’on doit l’ouverture
du capital de France Télécom, Air France, Autoroutes du Sud, Thomson,
Aérospatiale (Eramet) et la privatisation de Crédit Lyonnais, CNP, GAN,
CIC, alors que pendant la campagne, une déclaration commune PS-PCF du 29
avril prévoyait « pour France Telecom, Thomson et Air France, l’arrêt
des privatisations ».
En 2000, Michelin, bien que faisant des bénéfices, décide un
plan de licenciements. Jospin déclare alors que « l’État ne peut pas
tout » et laisse faire. En 2001, les plans sociaux se succèdent
notamment chez Danone, toujours sans réaction du gouvernement,
illustrant les propos de Jospin qui disait « oui à l’économie de marché,
mais non à la société de marché ».
Sous le gouvernement de la gauche plurielle, les plus riches
n’ont pas eu à se plaindre. Ainsi en janvier 1999, DSK alors ministre
des Finances, annonce que l’impôt sur les stocks options va passer de
40 % (il avait été relevé par Juppé !) à 26 %. Mais ce coup d’essai
n’est pas transformé devant le tollé au sein même de la majorité.
Bénéficiant d’une économie plutôt favorable, il s’avère que les rentrées
fiscales augmentent donnant lieu à une « cagnotte » de 50 milliards de
francs. Mais Fabius, nommé ministre des Finances décide de baisser les
impôts, notamment en supprimant la tranche à 55 %.
Les vraies et fausses avancées
La
réduction du temps de travail promise pendant la campagne est
probablement la mesure phare de la gauche plurielle. Malheureusement la
mise en œuvre de la loi sur les 35 heures a été bien moins réjouissante.
Cédant au patronat, Aubry, qui en était la promotrice en tant que
ministre du Travail, a multiplié les exceptions. Au final, les 35
heures, dont la mise en place progressive s’est étalée jusqu’en 2002, ne
concernaient pas les entreprises de moins de 20 salariés, et surtout,
la loi a permis d’introduire dans le droit français l’annualisation du
temps de travail dont les patrons rêvaient de longue date. En outre,
elle s’est accompagnée d’une modération salariale et d’exonérations de
cotisations sociales. Au final, de nombreux salariés se sont sentis
floués par la mesure et Jospin en campagne présidentielle en 2002, ne
l’a même pas mentionnée dans son bilan.
Autre promesse de campagne, les emplois jeunes ont certes
permis à près de 200 000 jeunes de sortir du chômage mais au prix d’un
contrat de cinq ans dérogatoire au droit du travail qui ne leur laissait
par la suite que très peu de perspectives.
Quant à la mise en place de la CMU, si elle a théoriquement permis
l’accès aux soins des plus démunis, elle a ouvert la voie par le biais
du « panier de soins » à une privatisation de la Sécu et à un droit à la
santé à deux vitesses.
Néanmoins on peut citer certaines mesures qui sont clairement
des avancées, comme le Pacs, premier pas vers l’égalité entre homos et
hétéros, la loi sur la présomption d’innocence, l’allocation
personnalisée d’autonomie (APA) ou la loi Kouchner sur les droits des
personnes malades.
Concernant les sans-papiers, une des premières mesures de la
gauche plurielle a été une circulaire qui a permis la régularisation de
80 000 d’entre eux mais avec des critères qui en ont laissé près de
65 000 sur le carreau. En 2000, la loi Réséda a repris un certain nombre
de ces critères.
La sécurité
Avant la loi sur
la sécurité intérieure de la droite, Chevènement ministre de l’Intérieur
qui se bat contre les « sauvageons » fait voter la loi sur la sécurité
quotidienne qui réprime notamment les personnes se rassemblant dans les
cages d’escalier et interdit les rave parties. Dans le PS, l’évolution
sécuritaire est menée notamment par Julien Dray qui a déclaré à
l’Assemblée alors que Sarkozy présentait son projet de LSI : « Pour le
bien-être de notre pays, je ne peux que souhaiter votre succès ».
Lors de la campagne présidentielle de 2002, Jospin est persuadé
que son bilan est garant de sa victoire. Ce n’est sûrement pas l’avis
des électeurs, il est battu dès le premier tour et quitte la vie
politique
Dominique Angelini
Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 148 (10/05/12)
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