L'histoire au présent. Rafle du Vel d'Hiv', collaboration...le rôle de la police judiciaire française pendant l'Occupation...
Le Quai des Orfèvres sous l’Occupation (blog du Monde)
Ce 16 juillet 1942, au petit matin, des
milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, de vieillards furent arrêtés à
leur domicile et regroupés dans les commissariats avant d’être parqués
au Vel’ d’Hiv’. Aujourd’hui, alors que le Président Hollande commémore
le 70° anniversaire de cette rafle funeste, il est légitime de
s’interroger sur le comportement des policiers et des gendarmes qui ont –
sagement – obéi aux ordres. Et notamment à la préfecture de police de
Paris qui vient d’ouvrir ses archives sur ce sujet sensible. Il faudra
attendre fin 1943, alors que la politique du maréchal Pétain se fait de
plus en plus répressive, pour qu’un véritable mouvement de résistance
apparaisse enfin dans la police parisienne.
Pour certains policiers, c’était leur
deuxième intervention au Vel’ d’Hiv’. En effet, en mai 1940, donc avant
le régime de Vichy, cinq mille femmes réfugiées en France pour fuir le
nazisme des années 30 avaient été enfermées dans ledit vélodrome. La
plupart seront transférées au camp de concentration français de Gurs et
beaucoup y mourront. Il semble que parmi les survivantes, certaines ont
même joué un rôle actif dans la résistance, mais leur souvenir s’est
perdu. Lilo Petersen, qui a été victime de cet internement alors qu’elle
était enfant, a écrit un livre Les oubliées, chez Jacob-Duvernet, dont on peut trouver une courte analyse ici.
Mais j’ai déniché l’exception : le livre de Clovis Bienvenu qui, sous un titre rebattu « Le 36, quai des Orfèvres » (Éditions PUF), met carrément les pieds dans le plat. « Force est de constater, dit-il,
qu’au titre de la collaboration d’État la police judiciaire du quai des
Orfèvres a activement participé à la lutte contre le communiste et à la
chasse aux Juifs. »
« des compromissions, des trahisons, des enquêtes diligentées à la demande des autorités allemandes ». Comme
de cette enquête menée par les policiers de la brigade spéciale de la
PJ pour interpeller Pierre Georges. Ce jeune homme de 22 ans, auteur du
meurtre d'un militaire allemand, le 21 août 1941, au métro Barbès, a
sans doute, avec deux balles de calibre 6.35, modifié le cours de
l’histoire, marquant le début de la révolte armée contre l’Occupant.
Arrêté l’année suivante, il fut sérieusement passé à tabac avant d’être
livré aux Allemands. Bizarrerie de l’histoire, lors de la libération de
Paris, alors que les policiers tirent sur les Allemands, lui se trouve à
la tête d’un commando FFI. Il établit la jonction avec la 2° DB et
l'aide à reprendre à l’ennemi les quartiers proches de la préfecture de
police. Une station de métro porte son nom de guerre : Colonel Fabien.
À cette époque-là, la brigade spéciale
dépend du 36 et la « brigade des attentats » lui est rattachée. Pour la
direction de la PJ, il est question d’une brigade antiterroriste. Les
terroristes des uns étant les résistants des autres. En tout cas, la
chasse est ouverte. D’autant que les Allemands récompensent toute
arrestation de « terroriste » par des espèces sonnantes et trébuchantes.
Mais la PJ et les RG se livrent une rude concurrence. On flagorne les
Fridolins. Finalement, ce sont les renseignements généraux qui emportent
les faveurs de l’Occupant. En janvier 1942, une deuxième brigade
spéciale est alors créée, mais cette fois au sein de ce service. (C’est
la seule dont on parle aujourd’hui.) Le patron de la PJ, Guillaume
Tanguy, a perdu et les affaires « patriotiques » deviennent le monopole
des RG. Trois ans plus tard, les gens du 36 vont tirer profit de cette déconvenue en forgeant la légende d’une police judiciaire exempte de tout acte de collaboration.
C’est l’époque des promotions
extravagantes et nombreux sont ceux qui sont sensibles à la carotte.
Quelques-uns résistent et œuvrent en douce, comme ce jeune policier,
Jacques Beuguin, affecté au « service des répressions raciales », qui
utilise mille stratagèmes pour réduire le nombre de Juifs déférés aux
Allemands, sans éveiller les soupçons de sa hiérarchie.
Et tandis que la police parisienne sert la soupe aux occupants et que le Tout-Paris flirte au One-Two-Two
avec les officiers allemands, les truands s’en donnent à cœur joie.
Souvent en cheville avec des barbouzes collabos, ils dépouillent les
familles fortunées en se faisant passer pour des policiers allemands.
Pourtant, on est encore loin de la
fronde au sein de la PJ. Ainsi, en juin 1943, lors de la création de la
sous-direction des affaires juives (ex-service Tulard), le commissaire
divisionnaire Charles Permilleux motive ses troupes par des instructions
précises : « Il appartient désormais à la préfecture de police
d’assurer l’exécution des mesures de police ordonnées par les autorités
d’occupation. La police française n’a pas à se faire juge, elle exécute
les ordres donnés ».
À la Libération, on parle d’épuration
dans la police. Une brigade anti-Gestapo est créée. Installée quai de
Gesvres, elle est chargée d’enquêter sur la Gestapo française, la
Carlingue, pour les intimes. Voici ce qu’écrit son fondateur, le
commissaire Georges Clot : « La Gestapo française fut, à cette
pénible époque, un dangereux poison qui atteignit tous les organes du
corps français. C’est triste à dire, mais c’est la vérité… Quelquefois,
nous étions saturés de dégoût, nous ne savions plus où se trouvaient les
limites du mal. : un cancer généralisé. » Et puis, un jour de
septembre 1945, on leur a dit d’arrêter. La brigade anti-Gestapo a été
dissoute. Pour les autorités, il était temps d’oublier.
Je ne connais pas Clovis Bienvenu. Il
est présenté comme officier de police judiciaire. J’ai tenté de le
joindre, via son attachée de presse, mais sans succès. Son livre
comprend d’autres volets : les années grises, le conflit algérien, etc. On peut lire la table des matières sur le site des Presses Universitaires de France. C’est un livre rare, et même si l’on a parfois du mal à suivre le fil, c’est passionnant.
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