Gard. Potagers dans la rue : "Servez-vous en légumes, c’est gratuit !"
Dans le Gard, les légumes sont gratuits ! "Mais faut
pas que ce soient les fainéants qui viennent les manger !" s’exclame
Stéphane, lors de la réunion sur les Incroyables Comestibles.
Cette révolution “peas and love” (“petits pois et amour”, en anglais) importée d’Angleterre consiste à mettre des bacs en bois dans les espaces publics afin que les citoyens puissent choyer un potager sans nécessairement récolter les fruits de leur labeur.
Eric, ancien enseignant et initiateur du projet dans la région, tente
d’expliquer à Stéphane : "Ce n’est pas du vol puisqu’ils appartiennent à
tout le monde !" Avec Inka et Raphaël, il a installé quatre bacs à Saint-Jean-de-Valériscle en mai, plaçant leur village cévenol sous le feu des projecteurs médiatiques.
"J’aime que cela n’appartienne à personne" Nadine, habitante de la commune
Les trois optimistes à la main verte tentent aujourd’hui de faire
participer leurs concitoyens au mouvement, car si l’initiative commence à
fructifier à Rousson et Saint-Hippolyte-du-Fort, elle n’est pas encore pleinement digérée par les habitants.
Basés sur le don et l’abandon de la compétition, aux antipodes du système capitaliste actuel, les Incroyables Comestibles
attaquent la “morosité ambiante” à coups de courgettes. François
Rouillay, qui a introduit le mouvement en France, espère "l’émergence
d’une nouvelle gouvernance planétaire" grâce à la "générosité de la
terre nourricière". Et il ne compte déjà plus le nombre de participants.
A lire aussi
Une nouvelle économie vertueuse
Le processus des incroyables comestibles est un catalyseur. Il permet d’aider à opérer un changement de regard
qui conduit à créer une autre façon de vivre harmonieuse, féconde et
bienveillante. Les habitants quittent la croyance erronée que tout est
séparé, divisé, et conflictuel pour survivre, et prennent conscience
qu’en réalité, tout est relié et interagit. Par conséquent, du point de
vue collectif, si vous agissez avec des intentions de dialogue, de
respect de l’autre, sans jugement, en acceptant les différences de
chacun, dans le partage et les coopérations à tous les niveaux, vous créez une nouvelle dynamique vertueuse, et donc, au bout du compte, une nouvelle économie vertueuse. Il y a une co-responsabilité de chaque co-créateur dans ce nouveau type d’échange. [...]
Grâce à l’action des bacs de partage, le catalyseur, les gens ont changé de regard, et de fil en aiguille, d’attitude et de comportement.
Alors, chacun agit différemment dans son quotidien par la conscience
qu’on est co-responsable et donc co-créateur du tout, c’est à dire de
l’ensemble du système, de l’ensemble de la communauté locale. Il y a par
conséquent un désir de plus en plus fort d’aider l’autre, car en aidant l’autre, on renforce toute la communauté, et donc soi-même. [...]
Dans le cas de la ville de Todmorden, ou de toutes les autres qui ont
fait le choix de changer de pratique par ce changement de regard, on
recherche tout ce qu’il est possible d’imaginer pour arriver à l’autonomie alimentaire locale.
Et fin 2011, les habitants de Todmorden étaient délà à 83 % de cet
objectif, après trois années d’expérimentation du processus. Imaginez le
gain pour chaque producteur local, comme notre apiculteur, lorsque
tout, ou presque tout, est produit et consommé localement.
La révolution « peas & love » ou les « Incroyables comestibles » (Rue 89 11 mai 2012)
C’est d’une petite ville grise du nord de l’Angleterre qu’est parti le mouvement des « Incredible Edible », les « incroyables comestibles » dans sa traduction française. En 2008, dans la ville de Todmorden ravagée par la crise des subprimes, une poignée d’activistes ont envahi le bitume de bacs de plantation : sur les trottoirs, dans la cour du collège, sur le parterre de l’hôpital... Todmorden est devenu un potager géant, et gratuit.
Chaque citoyen cultive un carré de terre et quand sa récolte est
mûre, il laisse les passants se servir librement. Une « peas & love
revolution », qui peut avoir des conséquences gigantesques : « les gens
se réapproporient la nourriture, puis les magasins, puis l’énergie... »
remarque Mike Perry de la Plunkett Foundation, dans le Guardian de Londres.
« L’autosuffisance alimentaire des territoires, ça marche », en
conclut François Rouillay, un Alsacien qui cherche à implanter ce
mouvement en France, et a mis au point un guide pratique. Pour l’instant, deux initiatives françaises sont recensées sur la google map mondiale
des Incredible Edible. François, conseiller en développement
territorial, estime que c’est la réponse à toutes les questions qu’il se
pose depuis vingt ans : « comment se libérer d’une économie basée sur
la compétition, faire bouger la notion de propriété sur la base d’un
élan du coeur ». « Un changement de paradigme », selon lui, qui rappelle
la pensée de Pierre Rabhi et du mouvement des Colibris.
François Rouillay dit recevoir « trois appels par jour » pour relayer ce mouvement « naissant mais exponentiel ».
A lire aussi
Sujet connexe 1 : le don
Un des essais de référence des partisans de la politique du don : « Essai sur le don.Forme et raison de l’échange dans les sociétés primitives » par Marcel Mauss
Sujet connexe 2 : les biens communs
Extrait : En mettant les biens communs au coeur des projets politiques de
«transition», du local au global, on affirme la primauté d’une économie
de montée en qualités collectives sur une économie de croissance des
quantités ou du pouvoir d’achat, une primauté de la coopération sur la
concurrence, et de la démocratie sur l’autocratie dans ses diverses
variantes.
................................
La position du NPA sur la sortie des circuits marchands, la gratuité et les "biens communs" (Nos réponses à la crise, texte voté au premier congrès, 2011). Nous mettons en gras ce qui se rapporte directement au sujet de cette page.
Défendre des conditions de vie décentes pour la population passe par des
services 100 % publics et une extension de la gratuité : santé,
transports collectifs de proximité, télécommunications... Il s'agit de
constituer de nouveaux «communs» en donnant accès à des biens et
services hors des circuits marchands échappant à la domination qu'exerce
le capital sur la consommation via la maîtrise de la production et le
marketing. La mise en place de ces services publics implique une
socialisation de leur gestion et de leur financement qui associe les
consommateurs, les salariés et les représentations des collectives
publiques pertinentes. S’agissant de certains biens communs tels que
l’eau ou l’énergie, la garantie du droit d’accès pour tous et toutes
doit s’accompagner d’une maîtrise de leur utilisation pour des raisons
écologiques. La gratuité de la consommation de base pour tous les
citoyens – fixée au niveau de la consommation moyenne d’un salarié –
doit donc être complétée par une taxation fortement progressive de la
consommation excédentaire qui pénalise le gaspillage et les usages de
luxe. [...]
Développer l’auto-organisation et les expériences d’autogestion
Dans tous les domaines, sur tous les terrains, la transformation
sociale repose sur l’auto-activité des travailleurs et de la population.
Nous encourageons en particulier toutes les formes d’auto-organisation
ouvrière, de l’assemblée générale souveraine au comité de grève et
aidons à développer chaque fois que les conditions sont réunies, toutes
les expériences basées sur l’auto-activité des collectifs de salariéEs,
de producteurs ou de citoyens dans tous les domaines de la production
matérielle ou intellectuelle. L'ensemble des expériences
socio-économiques autogérées et décentralisées doit ainsi être soutenu
et renforcé: prise de contrôle d’entreprises en faillite par les
salariés, mais aussi création de coopératives de production ou de
services, de structures rapprochant producteurs et consommateurs, ou
encore création de nouveaux biens communs sociaux comme les logiciels
libres.
Dans le cadre du capitalisme, ces initiatives sont menacées en
permanence d’être récupérées et normalisées. Leur développement n’en
constitue pas moins un enjeu important qui doit être pensé non comme une
alternative au mouvement ouvrier et citoyen mais comme une partie de
celui-ci: il s'agit en effet de cadres qui échappent – au moins
partiellement – aux logiques capitaliste, productiviste et à la
verticalité du pouvoir étatique. De même, nous tentons de susciter et
soutenons les processus d’autogestion ouvrière que les vagues de
licenciements et de fermetures d’entreprises remettent à l’ordre du
jour. La question de la récupération d’entreprises par leurs
travailleurs eux-mêmes, de la poursuite ou reprise de la production en
autogestion, pourra être de plus en plus fréquemment posée – comme cela
avait été le cas dans l’Argentine post-2001.
Ces expériences sont doublement importantes. D'abord, parce qu'elles
constituent des démonstrations certes limitées, mais concrètes, que des
relations économiques efficaces peuvent se lier entre les êtres humains
qui ne soient ni celle de la redistribution bureaucratique et ni celle
de la concurrence capitaliste. Ensuite, parce qu'il s'agit d'une
formidable source de créativité et d'invention sociale, permettant de
tester et d'inventer des procédures de coopération, d'en mettre en
évidence les limites et les forces.
Nous devons entretenir des relations avec ces secteurs qui remettent
en cause la logique marchande, afin d’en nourrir notre projet d’une
société basée sur d’autres rapports sociaux et écologiques de production
mais aussi afin d’amener la contestation politique du capitalisme et la
nécessité d’une véritable démocratie des producteurs-citoyens au cœur
de ces démarches d’autogestion.
Nous avançons les revendications de maîtrise collective de
l’organisation du travail, la contestation du pouvoir du patronat sur la
production, la réquisition et la prise de contrôle des outils de
productions et des profits.
Dès à présent, des mesures de soutien conditionnel – sur la base de
critères sociaux et écologiques – à ces secteurs non soumis à la logique
du profit doivent être envisagées, notamment en termes de fiscalité, de
soutien logistique, d'accès aux infrastructures et de commandes
publiques. Dans le cadre de la transition, il faudrait favoriser leur
montée en puissance et organiser leur articulation aux activités
planifiées.
[...] La production et la consommation doivent être organisées rationnellement
non seulement par les «producteurs» mais aussi par les usagers-citoyens
et, de fait, par l’ensemble de la société, soit la population
productive ou «non productive» : étudiants, jeunesse, retraités, etc.
Les prix des biens eux-mêmes ne répondraient plus aux lois de l’offre et
de la demande, mais seraient déterminés autant que possible selon des
critères sociaux, politiques et écologiques; de plus en plus de produits
et de services seraient distribués gratuitement. L’évitement du
gaspillage et les contraintes écologiques conduisent cependant dans une
série de cas à combiner la gratuité d’une quantité de base, garantissant
à chacun un doit effectif au bien suffisant, et la taxation de la
consommation du surplus.
[...] L’émancipation que nous visons est indissociablement collective et
individuelle. Comme Marx et Engels dans «le manifeste communiste», nous
souhaitons bâtir une «association où le libre épanouissement de chacun
est la condition du libre épanouissement de tous». Le socialisme du XXI
siècle verra se développer l’autonomie individuelle dans le cadre de
rapports de solidarité.
Sortir de la crise, c’est aller vers le socialisme du XXIe siècle
Tout le monde sent bien l’urgence de la situation. Le basculement
historique que représente la crise globale du capitalisme exige des
réponses radicales pour beaucoup inédites.
La rupture avec l’économie de marché, avec la concurrence et le
productivisme capitaliste, le développement d’une planification
démocratique permettant aux hommes et femmes de prendre leur destin en
main ne se fera pas d’un seul coup. Une phase de transition où l’avenir
le disputera au passé, est inévitable. Il n’y a pas de sortie possible
de la crise sans une lutte radicale pour le pouvoir démocratique de
celles et ceux qui produisent les richesses tant matérielles que
culturelles, sans une lutte pour un autre monde, celui du partage et de
la communauté des biens, de la coopération des peuples, de la liberté et
de l’émancipation humaine, la lutte pour un monde socialiste. Cette
perspective suppose de concilier le développement humain avec
l’impératif écologique.