Montpellier. Harcèlement de rue : la drague des hommes, le malaise des femmes (Midi Libre)
"Harcèlement de rue" : le phénomène vu de Montpellier.
"J’en ai vraiment ras-le-bol de me faire klaxonner quand je me promène !
", s’insurge Manon, jeune Montpelliéraine. En minijupe ou en jogging,
outrageusement maquillées ou à peine réveillées, à 14 ou à 50 ans, les
femmes sont fréquemment interpellées dans la rue par des hommes de tous
âges et de tous milieux.
Compliments douteux, regards lourds de sens, mots salaces glissés discrètement dans l'oreille, voire main aux fesses, le “harcèlement de rue” revêt diverses formes et intensités. Un phénomène de société allègrement tourné en dérision et sous-estimé qui suscite aujourd’hui l’agacement général des femmes.
Montpellier ne fait pas figure d’exception. Sous le soleil de plomb la
capitale régionale, où les corps se découvrent aisément, le "harcèlement
de rue" se manifeste souvent. "Ici, c’est tout le temps, tu ne peux pas
sortir sans te faire siffler une dizaine de fois", raconte Audrey, 20
ans, accompagnée de sa sœur de 16 ans. Les jeunes filles viennent de
s’acheter une glace, place de la Comédie. Quasi-automatiquement, la
remarque fuse : « Allez, suce !», leur lance-t-on finement. Dans ces
situations, " on ignore et on fonce droit devant, tête baissée ",
explique Audrey. Feindre de voir ou d’entendre est l’attitude la plus
fréquemment adoptée. Par lassitude et par " crainte qu’après, ils
prennent le dessus."
Les dragueurs légers, des harceleurs de rue ?
Le “harcèlement de rue” n’est pas obligatoirement agressif. Mike,
dragueur de rue éhonté qui pratique ce qu’on pourrait appeler du “gentil
harcèlement”, est incapable de rester concentré toute une conversation
durant sa pause déjeuner. Son regard glisse de paire de fesses en paire
de seins, et le jeune homme à lunettes catapulte à tout va le
sempiternel: « On se connaît, non ?»
Jusque-là, rien de bien méchant. Mais pour Audrey, sa soeur, et toutes les autres, à force, «c’est pesant car on se sent observées tout le temps».
Un peu plus loin, assis à une terrasse dans l’Écusson, Thierry, grand
black à dreadlocks, hèle les « charmantes demoiselles », sans se douter
qu’il est le énième de la journée à le faire. « Si la demoiselle ne veut
pas parler, on la laisse passer», explique-t-il. Pourquoi arrêter les
filles dans la rue ? Les justifications de ces street dragueurs sont
similaires : célibataires, ils aiment les femmes et certifient réussir à
conclure avec cette technique de séduction ostentatoire.
Apporter une réponse pénale ?
Bientôt puni en Belgique, le “harcèlement de rue” pose la question de la
pénalisation en France. Au vu du flou de la notion de “harcèlement”, le
risque est de confondre drague inoffensive et manque de respect, et
d'interdire tout dialogue de rue. « Parfois ce n’est pas méchant et ça
fait rire. Si on se fait aborder, c’est pas grave, si on se fait
insulter, là, il faudrait l’interdire », pense Manon tout en remontant
le boulevard du Jeu de Paume. Une telle loi semble difficile à faire
appliquer voire inutile aux victimes. " Je pense qu’il faut s’y faire,
les mecs de Montpellier n’auront pas peur de la loi", avoue Audrey,
fataliste. Les associations telles qu’ Osez le féminisme ! s’emparent néanmoins du phénomène et comptent bien passer à l’action.
Des témoignages qui abondent sur Twitter
Le concept de “harcèlement de rue” a été lancé suite au documentaire “Femme de la rue”, tourné par à Bruxelles par Sofie Peeters,
où une caméra cachée filme le quotidien de cette étudiante, sans cesse
interpellée dans la rue. Ce documentaire a créé l'émoi sur Twitter, où,
depuis, les femmes relatent un quotidien pénible tandis que certains
hommes avouent tomber des nues. Le hashtag (mot-clef) #harcelementderue
permet aux femmes de dévoiler chaque un nouvel épisode de "harcèlement
de rue" sur la toile.
Pour plus d'infos, lire :
madmoizelle.com/harcèlement de rue
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/602832-machisme-ordinaire-non-messieurs-dire-t-es-bonne-n-est-pas-un-compliment.html
Illustration : 1104663_4246541.jpg
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