Bataille contre les licenciements et contre le Pacte budgétaire d'austérité...la peur doit passer dans le camp du patronat !
Traité européen, licenciements : être utiles face aux échéances
par Henri Wilno
Dans un article récent (1), le marxiste anglais Alex Callinicos résumait ainsi la phase actuelle de la crise capitaliste:
«De toute façon, les derniers mois, ont montré plus clairement quelle
est la situation. C’est la crise de notre temps (…) Il n’y a pas de
signe qu’elle aille vers sa fin et beaucoup d’indices qu’elle va
s‘approfondir. De manière de plus en plus claire, le choix est entre
combattre ou se soumettre. La survie d’une gauche qui puisse compter
dépendra de la contribution qu’elle fera à ce combat».
La crise économique renforce l’acuité de la lutte sociale et
politique entre «ceux d’en haut» et «ceux d’en bas» à qui les premiers
veulent faire payer les conséquences d’une situation dont ils ne portent
pas la responsabilité. L’ambition du NPA est d’être utile dans ce
combat. Si près de 80 % des délégués à la conférence nationale (réunion
des représentants des comités) ont rejeté la perspective d’une adhésion
au Front de gauche, c’est fondamentalement parce qu’ils pensaient être
plus utiles en construisant une organisation entièrement indépendante.
Ce qui n’exclut pas, bien sur, la recherche de l’unité à tous les
niveaux. Tandis que certains débats de fond seront à l’ordre du jour du
prochain congrès.
Deux échéances essentielles vont marquer cette rentrée. Celle de
l’adoption du traité budgétaire européen et celle des licenciements avec
comme point central PSA-Aulnay.
Contre le traité de l’austérité
Pour ce qui est du traité européen, Hollande marche clairement sur
les brisées de Jospin en 1997. Celui-ci avait proclamé, avant les
législatives, son refus de souscrire au pacte de stabilité. Une fois
devenu Premier ministre, quelques concessions cosmétiques lui ont fourni
un prétexte pour s’assoir sur la promesse faite. De même, Hollande,
après le sommet européen des 28 et 29 juin derniers, a déclaré avoir
obtenu des mesures décisives en faveur de la croissance et donc être en
situation de souscrire au pacte budgétaire qui va venir en discussion
devant députés et sénateurs. Ce recul sur un des rares engagements der
la campagne présidentiel, la vacuité des prétendues mesures nouvelles en
faveur de la croissance, ont largement été dénoncés, non seulement par
le NPA mais en particulier par Attac, la Fondation Copernic, le Front de
gauche… Plus récemment, des élus socialistes, proches notamment de
Benoît Hamon ont déclaré s’interroger sur leur vote. La députée du
Doubs, Barbara Romagnan a ainsi déclaré à la mi-juillet: «On en
discutera entre nous (…) en l’état actuel, voter ce traité nous
empêcherait de mener la politique pour laquelle on a été élu».
Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice et figure traditionnelle de la gauche
du PS a déjà annoncéqu’elle ne voterait pas le traité. Certes, les
considérations tactiques préalables au congrès du PS peuvent expliquer
en partie ces positions: les amis de Benoît Hamon semblent en voie de
présenter une contribution séparée face à celle présentée en commun par
Ayrault et Aubry. De même, parmi les élus Verts, on peut s’interroger
sur une configuration bizarre où, début août, José Bové semble pencher
vers l’acceptation du traité et Jean-Vincent Placé pour le refus.
Mais là n’est pas l’essentiel. Il serait positif qu’une part
importante des élus PS et Verts refusent le bradage de Hollande. Pour
les y pousser, le NPA s’inscrira dans les actions unitaires qui,
localement ou nationalement, pourraient être menées pour dénoncer le
traité budgétaire, amener le maximum d’élus de gauche à le refuser et, à
défaut, exiger un référendum. Moins d’un mois après le sommet des 28 et
29 juin, l’impasse européenne demeure totale: «la Banque centrale européenne affame les peuples» a
déclaré le 3 août le vice-président socialiste du Sénat, Didier
Guillaume, En fait, ce qui affame les peuples, ce sont les politiques
menées depuis le début de la crise: austérité pour les peuples, impunité
pour les financiers. Ce rappel est indissociable de la campagne contre
le traité que nous entendons mener.
Automobile: converger autour de PSA
La question des licenciements sera également essentielle en cette rentrée. La situation dans l’automobile est emblématique:
- Qui décide des choix d’investissement et des capacités de production dans la branche?
- Qui décide de la localisation des usineset de la répartition de la production entre elles ?
- Qui décide des formes d’emploi avec un nombre record d’intérimaires
sur des postes permanents de production en contournant le droit du
travail?
- Qui décide des conditions de travail qui font qu’un ouvrier en production est souvent «cassé» bien avant l’âge de la retraite?
- Qui pompe en dividendes une bonne partie des profits?
- Qui a usé de son pouvoir de pression pour faire payer aux
contribuables aides à la localisation des usines, chômage partiel et
primes à la casse?
- Qui a promu un modèle du tout-automobile individuelle au détriment des transports en commun?
Les actionnaires et les dirigeants d’entreprise, bien sûr. A tous ces choix, les salariés n’ont eu aucune part.
Et maintenant, ce sont eux exclusivement qui devraient payer? Cela reflète bien ce qu’est ce système économique.
Comme le titrait le quotidien Libération le 25 juillet dernier: «PSA-Montebourg, beaucoup de cris pour rien».
La famille Peugeot et Philippe Varin n’ont rien cédé. Le plan
Montebourg centré sur le développement des voitures «propres» répond à
côté de la question essentielle et donc entérine la fermeture d’Aulnay.
Quant au ministre du travail Michel Sapin, il déclare: «Ce n’est pas au gouvernement de faire bouger les choses, c’est au dialogue social».
On ne saurait mieux dire qu’il n’y a rien à attendre des ministres et
du Président en l’état actuel des choses et que tout dépendra de la
mobilisation.
Juste avant la période des vacances, les syndicats d’Aulnay ont
organisé un rassemblement de plus d’un millier de salariés devant le
Comité central d’entreprise. Outre les représentants d’Aulnay, se sont
exprimés ceux des autres usines du groupe, de Renault, de Sanofi, d’Air
France… En obtenant la nomination d’un expert et donc un délai pour la
mise en œuvre du PSE, les salariés de Peugeot ont jeté quelques grains
de sable et gagné un peu de temps. Il s’agit de mettre à profit ce délai
pour organiser et construire une mobilisation déterminée et de longue
haleine, à Peugeot et autour de Peugeot. Et aussi avec les salariés de
toutes les entreprises et services publics en butte aux licenciements et
suppressions de postes.
Dans la mesure de ses forces, le NPA sera partie prenante de cette
bataille décisive pour l’emploi (2). Il soutiendra les mots d’ordre mis en
avant par les travailleurs de la branche auto et des autres entreprises
et avancera sa propre perspective: celle de la remise en cause du
pouvoir patronal sur les emplois et les salaires, c’est-à-dire les
conditions d’existence de leurs salariés. Pour cela, il faut le partage
du travail entre les salariés dans les entreprises qui se disent en
difficulté (avec ajustement du temps de travail sans aucune perte de
salaire) et l’interdiction des licenciements: aux entreprises,
individuellement ou collectivement, d’assurer la continuité du contrat
de travail et du salaire.
Faire peur aux dirigeants
Dans la préface d’un ouvrage consacré aux travailleurs de Peugeot (3),
les sociologues Stéphane Beaud et Michel Pialoux ont cru pouvoir poser
le diagnostic suivant: «Les ouvriers, qui avaient pour eux la force
du nombre, ont peu à peu cessé d’être craints et ne font plus peur aux
dirigeants. Il s’agit là d’une rupture importante dans l’histoire des
rapports de classe.» On peut discuter cette affirmation: les succès
de certaines luttes locales montrent que la capacité à faire peur n’a
pas totalement disparu. Mais globalement, le constat est exact: pour
qu’ils reculent dans la bataille contre les licenciements et
l’austérité, il faudra que les dirigeants des entreprises et ceux du
gouvernement commencent à avoir plus peur des travailleurs, hommes et
femmes, que des pressions des marchés financiers. Et cette peur viendra
de l’action directe des intéressés, pas de discours et d’amendements
parlementaires, même s’ils peuvent avoir leur utilité (s’ils sont conçus
comme étant au service des luttes et non se substituant à elles).
C’est dans ces batailles concrètes (ainsi que dans celle à mener
contre l’enracinement du Front national) que la NPA fera ses preuves. Et
démontrera qu’il est, par l’action de ses militants, un instrument,
certes imparfait, mais utile.
Notes
(1) Alex Callinicos, «The crisis of our time», http://www.amandlapublishers.co.za/speci...
(2) Pour suivre, l’actualité de la branche automobile, un instrument: le site «NPA Auto Critique», www.npa-auto-critique.org/
(3) «Retour sur la condition ouvrière», Fayard, 2000.
Publié dans : Revue Tout est à nous ! 35 (septembre 2012)
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