Saint-Christol-lès-Alès. Plus de 3 000 opposants au gaz de schiste rassemblés (Midi Libre)
[Reportage photo ci-dessous]
[Reportage photo ci-dessous]
Voir ci-dessous le reportage photo et l'enquête La bataille autour du gaz de schiste reprend dans le bassin d’Alès
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Ils étaient plus de 3 000 réunis aujourd’hui à Saint-Christol-lez-Alès pour s’opposer à toute prospection ou extraction du gaz de schiste en France.
José Bové ou encore Corinne Lepage sont passés apporter leur soutien. La députée européenne Corinne Lepage, fondatrice de Cap21, est venue dans la matinée à la rencontre des élus locaux. "On n'est pas sorti du problème", précisant que "102 permis avaient déjà été déposés et seulement sept avaient fait l'objet d'un rejet".
Plus que jamais les militants sont mobilisés alors que le doute subsiste toujours sur le démarrage de cette exploitation malgré l’interdiction de la fracturation hydraulique, notamment sur le permis Bassin d’Alès.
Les principales manifestations ont eu lieu à Saint-Christol-lès-Alès (Gard), Beaumont-de-Lomagne (Tarn-et-Garonne) et à Tournan-en-Brie (Seine-et-Marne) lors de cette "journée mondiale contre les gaz et pétrole de schiste" (www.globalfrackdown.org).
A Saint-Christol-lès-Alès, 3 500 personnes étaient attendues tout au long de la journée pour des ateliers de sensibilisation, selon Jacqueline Balvet, en charge de l'organisation de cette manifestation.
Des rencontres par visioconférence sur internet ont été organisées avec des militants espagnols et polonais. Des témoignages de la situation au Québec, en Pennsylvanie (Etats-Unis) et aux Pays-Bas ont également été projetés. Une trentaine de stands de différentes associations ont été montés dans le centre du village gardois.
L'article sur le site de Midi Libre
Les autres mobilisations
Les principales manifestations en ce sens ont eu lieu à Saint-Christol-lès-Alès (Gard), Beaumont-de-Lomagne (Tarn-et-Garonne) et à Tournan-en-Brie (Seine-et-Marne). En Seine-et-Marne, entre 400 et 600 personnes se sont rassemblées pour protester contre l'exploration du gaz de schiste. Dans ce département, sept communes sont concernées par des forages prévus en novembre dans le cadre de plusieurs permis d'exploration d'hydrocarbures.
A Paris, place du Trocadéro, une trentaine de personnes grimées en clowns ont mimé le forage symbolique d'un puit lors d'une manifestation éclair. Réunies à Beaumont-de-Lomagne (concernée par l'une des sept demandes de permis d'exploration dont le chef de l'Etat a annoncé le rejet), environ 400 personnes ont formé une chaîne humaine en début d'après-midi autour de la halle où ils ont organisé des débats et animations pendant toute la journée.
Ils ont dansé une farandole dans une ambiance bon enfant en criant "non aux gaz de schiste", et demandant "le vote d'une loi interdisant totalement l'expérimentation, l'exploration et l'exploitation des gaz et huiles de schiste, quelle que soit la technique utilisée le plus rapidement possible".
Tiré de Journée de mobilisation en France contre les gaz de schiste (Le Monde)
Reportage photo de la mobilisation de Saint-Christol-lès-Alès
La bataille autour du gaz de schiste reprend dans le bassin d’Alès (Démocratie réelle à Nimes maintenant)
Médiapart - 21 septembre 2012 |
Officiellement, depuis le discours de François Hollande en ouverture de la Conférence environnementale,
c’est clair comme de
l’eau de roche : la porte est fermée aux gaz de schiste en France.
Le chef de l’Etat demande le rejet de sept demandes de permis et ajoute : « s'agissant de
l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, telle sera ma position durant le quinquennat ». En
réalité, sur le terrain, apparaissent des signaux
contradictoires avec la doctrine présidentielle. Au point qu’on ne
peut dire aujourd'hui que la recherche de ces énergies fossiles est a
priori interdite. Concrètement, dans un pays où gaz et
pétroles sont difficiles d'accès, la frontière entre fossiles
conventionnels et non conventionnels s'estompe, au point de parfois
devenir invisible. C'est ce que révèlent la série de documents
techniques que Mediapart a pu se procurer.
Carte du permis dit du bassin d'Alès.
Le 18 septembre, quatre jours après l’allocution du
président de la République, la préfecture du Gard convoque neuf maires
du département. Objet de la réunion : l’ouverture de
travaux de recherche de pétrole par la société suisse MouvOil,
détentrice depuis 2010 du permis exclusif de recherches du « bassin d’Alès » (voir ici), à cheval sur le Gard et l’Ardèche. Le pétrolier
souhaite débuter en octobre une campagne de recherche « sismique » afin de sonder par ondes accoustiques la nature du sous-sol, avant de lancer son premier
forage d’exploration. Mais il a besoin de l’autorisation des communes pour envoyer ses camions vibreurs.
Surprise : à leur arrivée, les édiles découvrent la présence de représentants de MouvOil dans le bureau du préfet. « J’ai demandé à ce qu’ils sortent…quand je vais
chez le docteur, je n’aime pas qu’il y ait une tierce personne », raconte Joël Jolivet, maire de Tharaux. Les élus signifient alors au représentant de l’Etat leur refus de
forages et leur intention de prendre des arrêtés interdisant le passage des véhicules.
« Il a constaté notre refus. Nous l’avons prévenu de risques de troubles à l’ordre public s’il passait outre notre mécontentement » poursuit Edouard Chaulet,
le maire de Barjac. Au même moment, des manifestants s’attroupent
devant les grilles de la préfecture (entre 100 et 150
selon le collectif 07 Stop aux gaz de schiste) et des envois massifs
d’emails encombrent ses serveurs. Le préfet attend désormais les
instructions des ministères de l’écologie et du redressement
productif.
Le 27 septembre, c’est au tour de la préfecture de l’Ardèche de convoquer les quatre maires concernés par le permis. « Ces maires sont dans l’illégalité et
s’opposent sans raison valable, dénonce Jean-Michel Frautschi, président de MouvOil, pour qui, « c’est une forme d’abus de pouvoir ».
Exemple de camion "vibreur", recensé par un site anti-gaz de schiste.
C'est pourtant un drôle de timing, alors qu’est encore
fraîche l’encre des compte-rendus des tables rondes de la conférence
environnementale. Ce samedi 22 septembre, au moins quatre
manifestations doivent se tenir dans le pays contre les gaz de
schiste (dans le cadre d’une journée d’action internationale, voir ici). « Mais cela n'a rien à voir ! les acquisitions sismiques doivent avoir lieu maintenant, pour passer à
travers champ sans abîmer les récoltes et réunir les bonnes conditions météo », explique
un expert du bureau de l’exploration-production des hydrocarbures, au
sein du ministère
de l’écologie, qui préfère rester anonyme. Il précise qu’à l’automne
dernier, les services de l’Etat avaient demandé à MouvOil de reporter
ses recherches, en raison de la campagne
présidentielle.
"fracturation conventionnelle limitée"
Logo de l'association "Touche pas à ma roche-mère"
De toute façon, « il ne s’agit pas de gaz de schiste mais de recherche pétrolifère pour laquelle cette société possède un permis de prospection »,
explique la préfecture du Gard. Pour notre géologue anonyme, le sous-sol lorgné par les Suisses contient « du
pétrole classique, c’est clair, et pas de l’huile de
schiste. C’est du Sannoisien, un état géologique du tertiaire, dans
la roche poreuse et perméable, bien au-dessus de la roche-mère ». Rien à voir avec le gaz de schiste, qui
correspond à un état géologique plus ancien, plus profond dans le sol, à partir de 2500 m, précise-t-il. De toute façon, « Il n’y a pas d’huile de schiste dans le
sud », ajoute-t-il, fort de son expertise : « ce que je vous dit, c’est la vérité scientifique, il faut raison garder et se référer à ceux qui
savent ».
Le permis du bassin d’Alès s’étend en partie sur un ancien
champ pétrolifère (champ de Maruéjols) découvert en 1947 et foré par Elf
jusqu’au début des années 1980. Peu productif, il est
abandonné alors que les cours du pétrole sont alors trop bas pour en
faire un gisement rentable. Accordé le 1er mars 2010 pour cinq ans, le
permis de recherche du bassin d’Alès couvre une surface
de 215 km2. Dans son rapport du 5 septembre 2011 (à lire en
cliquant ici, en pdf, à la ligne "complément"), envoyé au ministère de l’écologie à la suite de la loi Jacob interdisant la fracturation hydraulique, MouvOil assure que
« les méthodes d’exploration que nous envisageons sont strictement conventionnelles », et qu’elle « n’a pas l’intention d’utiliser de procédé de fracturation
hydraulique ». Ce que confirme Jean-Michel Frautschi, le président de MouvOil : « nous cherchons de l’huile et du gaz tout à fait
conventionnels ».
Pourtant, la demande initiale de permis déposée en 2009 par MouvOil (à lire ci-dessous) contient des informations différentes.
D’abord, le pétrolier insiste sur « l’intérêt de l’exploration des objectifs profonds », et pointe l’hypothèse de l’existence de réservoirs
attendus « entre 1800 et 2200 mètres ». Non loin donc du seuil des 2500 mètres évoqué par l’expert du ministère. Ensuite, le document décrit des réservoirs d’huile,
« alimentés par les schistes bitumineux du Santonnien ». Les
Schistes bitumineux - l’expression est mise en valeur en caractère
gras- sont des roches contenant des
substances organiques pouvant donner du gaz et du pétrole. Ils
entrent dans la famille des hydrocarbures non conventionnels et font
l’objet de campagne de dénonciation des écologistes
(voir ici par exemple).
Carte postale du collectif 07 stop au gaz de schiste.
« Ces schistes bitumineux sont si riches du point de vue organique qu’ils on été exploités pendant plus d’un demi-siècle à Vagnas sur la bordure nord du bassin pour produire par pyrolyse du pétrole lampant, des huiles de graissage et du gaz d’éclairage. La justification du forage d’un puits à 1800-2200m reste cependant liée à la découverte de structure fermée de taille suffisante ». Même s’il n’est pas certain d’en trouver autant qu’il le souhaite, le pétrolier explicite sans ambiguité son intérêt pour ces substances fossiles.
Dans le même rapport, il annonce aussi vouloir réaliser un « échantillonnage des roches mères »,
cette partie superficielle de la croûte terrestre, à
partir de laquelle se forme le pétrole. A ce niveau-là de
profondeur, peut-on encore prétendre prospecter des hydrocarbures
conventionnelles ? La question se pose d’autant plus que si l’on
se reporte au programme de travail de MouvOil déposé en septembre
2011, on découvre que’il prévoit la réalisation d’un deuxième forage « jusqu’à 2400 mètres »,
près d’un kilomètre plus bas que le premier forage prévu pour atteindre les réservoirs d’huile lourde.
Surtout, dans une lettre envoyée à la mairie de Bessas le 7
juin 2011, dont Mediapart a obtenu une copie, MouvOil écrit envisager de « faire une fracturation conventionnelle
limitée » de la roche afin de «faciliter l'action de l'acide injecté autour du puits, comme cela est fait en routine dans tous les forages du monde ».
Fracturation : le mot est lâché, en noir sur blanc, par
l'opérateur lui-même. Il a beau préciser dans le même paragraphe que
cela n'a «rien à voir avec le fracking des
gaz de schiste», l'intention technique est assez
claire. Car il existe diverses façons de fracturer la roche, et pas
seulement en effet pour en extraire des gaz de schiste. Cette
missive précède de trois semaines le vote de la loi Jacob qui
interdit la fracturation hydraulique. Depuis, soucieux de se conformer
au cadre légal pour conserver son permis, le pétrolier suisse
ne parle plus de « fracturation conventionnelle limitée ».
"Il y a du gaz sur ce gisement"
Jean-Michel Frautschi n’en démord pas : « Nos objectifs, c’est la formation du tertiaire, la partie supérieure du Crétacée, le grès, le calcaire : des
objectifs conventionnels, tout à fait classiques ». Et il ajoute : « Si j’allais chercher du gaz de schiste, j’irai sur une zone plus au sud-est, où l’on
trouve des fondations plus anciennes ».
Mais pour Joël Jolivet, maire de Tharaux, et hydrogéologue au CNRS (voir ici) : « il
y a du gaz sous ce gisement,
qui peut être de schiste, et il y a du gaz de charbon. Compte tenu
de la nature de la roche du bassin d’Alès et de la structure du
réservoir de roche-mère, on peut y trouver des gisements non
conventionnels d’hydrocarbures gazeux et liquides. MouvOil dit ne
pas chercher de gaz de schiste mais c’est une question de sémantique ».
Manifestation à Barjac, le 23 octobre 2011 ©Olivier Sébart.
Selon Serge Bellelle, géologue retraité, membre du comité scientifique du collectif 07 Stop aux gaz de schiste, et ancien du secteur pétrolier, « s’ils veulent faire un forage conventionnel, ils n’ont pas besoin de connaître de
façon aussi précise la nature du terrain avec leur acquisition sismique. Ils pourraient se contenter d’un simple carrotage ». MouvOil assure être encore bien loin de pouvoir
forer. « On attend une autorisation même tacite du préfet pour commencer le permittage », nous explique Jean-Michel Frautschi, c’est-à-dire l’envoi de
représentants auprès des propriétaires des parcelles que les camions vibreurs doivent traverser.
Mais Mediapart s’est procuré le document de « déclaration d’ouverture des travaux de recherche de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux », déposé
en août par le
pétrolier. On y découvre un calendrier extrêmement précis :
reconnaissance sur le site et recherche d’une base de vie en août 2012,
puis permittage pendant 30 à 40 jours ouvrables, avant la
conduite des recherches sismiques par camions vibreurs pendant dix
jours de fin octobre à début novembre, et enfin, le traitement des
données en décembre. De quoi commencer à forer dès début
2013.
Ce document contient également une notice d’impact des
travaux sur l’environnement. Selon une note des services régionaux du
ministère de l’écologie (Dreal du Languedoc-Roussillon et de
Rhône-Alpes), la zone d’étude de la recherche sismique « représente un intérêt écologique important, en particulier grâce à la diversité des milieux naturels qui y sont
présents : gorges de l’Ardèche et de la Cèze, plateaux calcaire, Garrigues… ». Sur le territoire concerné par le permis du bassin d’Alès, vivent des espèces naturelles
protégées, comme le vautour parcnoptère, l’aigle de Bonelli, la loutre d’Europe, ainsi que des papillons et des libellules.
Il est traversé par pas moins de 14 zones naturelles
d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF), cinq sites
Natura 2000 et neuf espaces naturels sensibles. Par ailleurs de
nombreuses zones habitées sont recensées à proximité (moins de 300
mètres) des lignes sismiques prévues - sur environ 60 km. Autrement dit,
même si les travaux du pétrolier restent dans le cadre
conventionnel, leur impact environnemental n’est pas nul. Mais selon
MouvOil, les dégâts s’ils adviennent, seront limités et compensables.
« Nous sommes détenteurs du permis, nous sommes dans la légalité, conclue Jean-Michel Frautschi. Si
nous ne pouvons pas accéder au terrain pour acquérir les
données, nous prendrons les dispositions utiles pour rediscuter avec
le gouvernement de ce permis accordé s’il ne peut être mis en œuvre ».
Un ex de l'affaire Elf
Les dirigeants de MouvOil (voir ici)
ne sont pas inconnus des services de l’Etat. Crée en
2008, cette société suisse accueille dans son conseil
d’administration Jack Sigolet, ancien bras droit d’André Tarallo, le M.
Afrique d’Elf. Ancien patron de la Fiba Banque Française
intercontinentale, il semble s’être spécialisé dans les
préfinancements pétroliers. Récemment, son nom est apparu dans une
enquête helvète sur des détournements de fonds angolais (voir ici).
Jean-Michel Frautschi, le
président de MouvOil est lui aussi un ancien d’Elf-Aquitaine, devenu
pétro-consultant dans les années 1990. Le vice-président de la société,
Max-Louis Bordenave est lui un ancien de Total. Des vieux routiers des sphères
politico-pétrolières et de leurs insondables arcanes.
Pour Edouard Chaulet, maire de Barjac, et l’un des personnages du documentaire de Jean-Pierre Jaud Nos enfants nous accuseront (sur les dérives de l’industrie
agro-alimentaire et ceux qui s’y opposent) : « Cette
affaire n’est pas locale. Il faut cesser de penser l’économie comme on
le faisait auparavant. Il y a le changement
climatique, la carbonisation de l’atmosphère. Nous nous tournons
vers le tourisme, des gens s’installent ici. J’ai dit à MouvOil que
j’avais besoin de leurs camions vibrateurs mais pour faire de
la géothermie».
La bataille du bassin d’Alès n’est pas un cas isolé. En
Seine-et-Marne, la société Toreador-Hess-Zaza a rencontré Jean-François
Delesalle, le maire de Doue, au printemps dernier. Objet de
la rencontre : les forages que le pétrolier souhaite réaliser dans
le cadre de son permis exclusif de recherche dit de « Château-Thierry » (voir ici), qui s’étend jusqu’à l’Aisne. Une
réunion s’est tenue en juin à la préfecture. Depuis plus de nouvelle.
Mais dans leur rapport de mai 2011 sur la fracturation
hydraulique, les parlementaires Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet
considèrent que le permis de Château-Thierry comporte des
projets d’exploration d’hydrocarbures non conventionnels...Quinze
autres permis, concernant 23 départements au total, sont aussi
concernés. Aucun d’entre eux n’est inquiété par la déclaration
présidentielle de la semaine dernière. La fracturation hydraulique
est interdite. Mais que feront pétroliers et responsables politiques le
jour où ils découvriront des gaz et des huiles de
schiste, même par inadvertance?
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