Notre ami Pierre Daum revient dans le texte ci-dessous sur un épisode
particulier d'un pan méconnu de l'histoire de la France qu'il a mis en
évidence dans la belle enquête documentée qui a pris la forme d'un livre
que nous recommandons vivement : Immigrés de force, les travailleurs indochinois en France (1939-1952).
Les travailleurs indochinois enfin reconnus à Sorgues
Par Pierre Daum
Nguyen van Thanh aura 92 ans en novembre prochain. En fait, tout le monde l’appelle Thanh. En vietnamien, les gens s’appellent volontiers par leur prénom. Et Thanh, c’est son prénom. Jeudi 6 septembre 2012, Thierry Lagneau, le maire de Sorgues, doit remettre la médaille de sa ville à Nguyen van Thanh, ainsi qu’à un de ses anciens camarades, Thieu Van Muu.
Quand Thanh avait 20 ans, il a passé plusieurs mois enfermé au camp
Badaffier, à Sorgues, petite ville du Vaucluse située à la sortie
d’Avignon. Ville sans beaucoup de charme, dont l’activité essentielle
tourne depuis un siècle autour de son immense usine de poudres et
explosifs, une des plus importantes de France. En septembre 1939, à la
déclaration de la guerre, le gouvernement français avait jugé légitime
de puiser dans ses colonies les réserves en hommes dont elle avait
besoin. Elle recruta, le plus souvent de force, des soldats (ces
tirailleurs coloniaux que le film Indigènes, de Rachid Bouchareb,
mit merveilleusement en scène), mais aussi des ouvriers, destinés à
grossir les effectifs des usines d’armement, à l’arrière du front. Ces
ouvriers, ce furent essentiellement des Vietnamiens. Des gens qu’à
l’époque on appelait plutôt Annamites, mêlant l’erreur géographique (l’Annam n’est qu’une des trois régions du Vietnam) au mépris colonial.
Nguyen Van Thanh au moment de son recrutement.© Nguyen Van Thanh
Sur un autre ouvrage de Pierre Daum : La réalité occultée des pieds noirs restés en Algérie
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