"Que la rue se fasse entendre !". Tribune de Philippe Poutou (Libération 27/09/2012)
Nous n’avons pas le choix,
la rentrée sociale ne doit pas être « normale », la rue doit se faire
entendre. Nous avons eu un été sans surprise : envolée des prix, montée
du chômage, multiplication des plans de suppressions d’emplois ou de
fermetures d’usines. Les mauvaises nouvelles s’accumulent tandis que la
précarité et la pauvreté continuent de s’aggraver. Derrière les chiffres
il y a des drames humains, des gens qui souffrent. Heureusement,
certains ne se résignent pas. Il y a les luttes, les résistances
légitimes comme celles des salariés de Fralib ou de Sodimédical, qui
durent depuis plus d’un an, celle des salariés de PSA, et la
mobilisation à l'usine Ford, où je travaille.
Il y a aussi tous ceux qui s’opposent aux fermetures d’hôpitaux ou de
maternités, aux suppressions d’enseignants Rased dans les écoles. Ceux
qui refusent les projets néfastes pour l’environnement et la santé des
populations comme à Notre-Dame-des-Landes, à Bures, à Clermont… Et puis
il y a la colère dans les « banlieues » qui s'est exprimée lors des
émeutes dans les quartiers populaires d’Amiens. Une colère légitime face
à la brutalité de la crise, à l’humiliation et aux discriminations,
face à une violence sociale marquée par la répression policière, à une
République incapable d’assurer le respect pour tous. Il y en a marre de
ce monde sans autre perspective que la dégradation du niveau de vie de
la majorité de la population.
Marre de ce monde capitaliste qui détruit les services publics, les
collectifs, la vie sociale. Marre de cette crise qui permet aux grosses
fortunes de s’enrichir en exploitant les classes populaires. Il n’y a
pas de fatalité et le « désordre » provient de cette organisation
économique dirigée par les capitalistes et les financiers. Les choses
doivent changer radicalement.
Cette année, on a réussi à régler nos comptes avec un gouvernement
réactionnaire, anti-social et raciste. C’est Sarkozy et sa bande que
nous avons dégagés. Mais les élections ne font pas tout. Car, à la
place, le nouveau gouvernement de « gauche » mène une politique
sensiblement identique. Ce gouvernement avait promis une seule chose : « le changement, c’est maintenant !
». Eh bien il a déjà renié son engagement ! Les patrons continuent de
fermer des usines ou de supprimer des emplois, les salaires n’augmentent
pas contrairement aux prix des fruits et légumes ou des carburants, les
camps des Roms continuent d'être démantelés et les sans papiers de se
faire expulser. Le changement, le vrai changement viendra d’en bas, du
monde des opprimés, car nous défendrons collectivement nos emplois, nos
conditions de vie et de travail, notre droit de vivre dignement et
décemment. Nous devons retrouver la confiance en nous-mêmes, dans nos
propres forces. Ce n’est pas évident tant nous avons subi de reculs ces
dernières années, pris des coups, tant nous avons été divisés et
éparpillés. Pour cela, nous avons besoin de reconstruire les réseaux
militants, recoller les morceaux du mouvement social et donc faire
tomber les barrières entre les milieux militants associatifs, syndicaux
et politiques.
La colère existe mais cela ne suffit pas. Il nous faut espérer à
nouveau et penser que nous pouvons agir ensemble ; que le progrès
social, une vie meilleure pour tous, c'est possible. Il nous faut aussi
une perspective politique claire : celle de répartir les richesses entre
tous, donc celle de faire payer les grosses fortunes, de combattre le
capitalisme et d’imposer une économie qui réponde aux besoins des gens
et non pas aux profits d’une minorité, une économie qui préserve notre
santé et notre environnement
Seules des solutions radicales peuvent répondre à l’urgence sociale.
Concrètement, il faut stopper les délocalisations, les fermetures
d’entreprises, les suppressions d’emplois, dans le privé ou dans le
public. Il faut annuler la dette publique illégitime et créer un
monopole public bancaire contrôlé par les salariés qui mettrait le
système de crédit au service de la société. Les revenus pour tous
doivent être augmentés, c'est d'un revenu minimum de 1700 euros dont nous
avons besoin. Enfin, il faut un service public de l’énergie qui rompe
avec la logique de rentabilité et qui permette de sortir du nucléaire
dans les dix ans.
Il n'y a rien à attendre du gouvernement Hollande-Ayrault, qui ne
veut pas affronter les financiers et les capitalistes, et qui donc ne
pourra pas répondre à l'urgence sociale. C’est pour cela que l'objectif
politique de cette rentrée, c'est de construire une opposition qui soit à
la gauche de ce gouvernement. On n'a pas d'illusions à se faire et nous
n'avons pas le droit d'attendre. Nous avons déjà fait l'expérience de
la gauche au pouvoir et nous savons comme ça peut finir. Il ne faut pas
que les déceptions finissent à nouveau en favorisant le retour d'une
droite dure voire d'une extrême droite. Nous avons déjà fait
l’expérience de gouvernements dits de gauche. Nous savons qu’il ne faut ni attendre ni tergiverser. Nous savons que sans ça, c’est la droite
et l’extrême droite qui profiteront des nouvelles déceptions. Il nous
faut donc préparer une riposte unitaire, une mobilisation générale des
salariés, de la population. C'est possible avec l’ensemble de la gauche
de la gauche, avec les associations et les syndicats.
Le NPA est de ceux qui appellent à la manifestation unitaire du 30
septembre contre la ratification du Traité européen sur la stabilité, la
coordination et la gouvernance (TSCG), nous sommes de ceux qui veulent
préparer une marche nationale contre les licenciements ou encore
reconstruire des collectifs unitaires pour l'égalité des droits et
contre le racisme. Pour stopper l'austérité, la dégradation de nos
conditions de vie, la montée du racisme et des discriminations, alors la
rue doit se faire entendre…maintenant.
Philippe POUTOU
NPA. Aujourd'hui contre le traité, demain contre le budget d'austérité !
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Vidéo. Intervention de Philippe Poutou au meeting de Bordeaux du 26 septembre contre le TSCG
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