Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 160 (06/09/12)
... Hollande président s’apprête à le faire passer en
force et à l’appliquer dans toute sa brutalité.
Le premier point clé du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), ou « pacte budgétaire » est la fameuse règle d’or qui impose un « budget général […] équilibré ou en excédent ».
Autrement dit, le déficit structurel – c’est-à-dire hors éléments
exceptionnels et service de la dette – ne doit pas dépasser 0, 5 % du
PIB. En 2010, ramener le déficit structurel de la France, qui était de
5 % du PIB, à 0, 5 % aurait supposé une économie de près de 87 milliards
d’euros !
Le traité impose aux États de prévoir un mécanisme de correction
déclenché automatiquement en cas de dérapage important par rapport à
l’objectif. Il envisage en outre des sanctions quasi automatiques pour
les déficits jugés excessifs et la possibilité pour un ou plusieurs
États de porter plainte auprès de la Cour de justice européenne contre
un pays fautif de ne pas infliger suffisamment de restrictions à sa
population. Un pays qui n’aura pas ratifié le pacte budgétaire ne pourra
pas avoir accès aux fonds du Mécanisme européen de stabilité (MES)
entré en vigueur le 1er juillet. Tout prêt est directement conditionné
au TSCG et à sa règle d’or. Il peut aussi être assorti d’un programme
d’ajustement macroéconomique, qui rappelle tristement les plans
d’ajustement structurel imposés par le FMI aux pays du Sud. C’est
précisément le FMI lui-même qui exercera le contrôle ! Celui qui parle
le mieux des conditions de l’intervention du MES, c’est Jean-Claude
Trichet (ex-président de la Banque centrale européenne de 2003 à 2011) :
« Si un pays n’applique pas suffisamment les accords, alors les
autorités européennes doivent pouvoir prendre le pouvoir dans ce pays
». Il n’y a pas eu de renégociation, les 120 milliards du Plan de
relance européen consistent pour moitié en un « redéploiement » de fonds
déjà programmés pour être dépensés d’ici 2014, et, surtout, ils ne
changent rien sur le fond. On peut l’appeler Merkhollande, c’est le même
traité que version Merkozy !
Hollande refuse de soumettre la ratification du Traité à un large
débat public. Le Conseil constitutionnel l’aide en affirmant que
« l’autorisation de ratifier le traité ne devra pas être précédée d’une
révision de la Constitution ». Le texte précise pourtant que la règle
d’or devra être intégrée« par le biais de dispositions contraignantes et
permanentes, de préférence au niveau constitutionnel », le Conseil
constitutionnel s’en moque, il fait d’abord de la politique. Pas de
révision de la Constitution, donc ni convocation du Congrès ni
référendum. L’affaire peut être conclue illico presto ! Le traité sera
simplement soumis à l’Assemblée nationale et au Sénat début octobre en
même temps que la loi organique visant à traduire le traité dans les
finances publiques, la déclaration de politique européenne du
gouvernement Ayrault et… un texte sur ses objectifs de réduction des
déficits publics à 3 % fin 2013 et à l’équilibre en 2017 – le collectif
budgétaire voté par le PS, EÉLV mais aussi le Front de Gauche en juillet
visait déjà une réduction du déficit à 4, 5 % du PIB fin 2012.
L’austérité avance à marche forcée !
Concernant la ratification du traité, les
parlementaires d’Europe Écologie- Les Verts et même une partie de ceux
du PS menacent de ne pas la voter, le Front de Gauche votera contre et
réclame un référendum. Le gouvernement s’apprête à imposer le TSCG grâce
à une majorité avec la droite.
Toutes les forces qui, en 2005, ont construit le « Non de gauche au
TCE » doivent se retrouver pour faire barrage au TSCG. Les délais sont
courts, mais les points d’appui existent : cadres unitaires – national
et locaux – contre la dette, appel lancé par Copernic et Attac« Non au
Pacte budgétaire européen, oui au référendum », appel à manifester du
Front de Gauche…, même la CES a pris position contre le traité. Une
véritable mobilisation unitaire de l’ensemble de la gauche politique et
sociale contre le traité et contre l’austérité est à l’ordre du jour.
L’enjeu ? Dans l’immédiat, ne pas laisser Hollande faire passer son
traité tranquillement, et occuper la rue au moment où députés et
sénateurs prétendront voter en notre nom. Au-delà, prendre enfin
ensemble le chemin de la contre-offensive, de la construction d’une
opposition à gauche à ce gouvernement.
Une autre Europe est nécessaire et urgente : elle passe par le rejet
du TSCG et par des mouvements sociaux et politiques capables d’imposer
des mesures anticapitalistes, le partage des richesse et du temps de
travail, l’annulation de la dette, la réquisition des banques dans un
service public. Parce que la crise est à cette échelle, c’est à
l’échelle européenne que se situe la seule réponse possible, pas dans le
repli nationaliste, car sur ce terrain c’est toujours l’original de
droite ou d’extrême droite qui emporte la mise.
Christine Poupin
Christine Poupin