Nous avions mis en ligne le 3 juin dernier les documents que nous republions ci-dessous car, à l'heure où les plans de licenciements se multiplient, les salariés se posent la question de savoir quelles sont les mesures les plus efficaces pour les contrecarrer. Le débat doit s'ouvrir sur la revendication d'interdiction des licenciements boursiers, que défend entre autres le Front de gauche, et celle d'interdiction de tous les licenciements que prône le NPA. On découvrira à la lecture desdits documents que cette dernière mesure est loin d'être, comme le susurre l'air du temps, irréaliste. Bonne lecture, bons débats et "tous ensemble" dans la lutte, "on lâche rien" !
"Contre les licenciements boursiers", danger : fausse mesure radicale !
" Il n’y a pas d’un côté le vice de la finance et de l’autre les vertus
de la compétition, mais une économie dominée par la concurrence : la
bataille entre sociétés pour le partage des marchés et celui de la
valeur ajoutée."
"Pour s’attaquer au problème des licenciements, il faut donc commencer
par s’intéresser aux salariés — à tous les salariés — et non se lancer
dans des typologies académiques."
"Pour les licenciements économiques, il faut plaider sur le mode du
pollueur-payeur, au niveau de l’ensemble du secteur concurrentiel.
Puisqu’il s’agit de légiférer, pourquoi ne pas envisager une loi qui
protège tous les salariés concernés par un licenciement économique, sans
effet de seuil sur le nombre de postes supprimés ou sur la taille de
l’entreprise ?
La résurgence, parfois là où on ne l’attendait pas, de la
dénonciation des licenciements boursiers procède d’une fausse radicalité
et en contourne la cause première. Or les solutions qui ignoreraient la
globalité du problème et la main invisible de la compétition marchande
reviendraient, au final, à proclamer : « Longue vie aux licenciements non boursiers ! »" (Claude Jacquin dans Le Monde Diplomatique, voir texte intégral ci-dessous)
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Une cible mal définie
Les licenciements boursiers n’existent pas
par Claude Jacquin,
Le Monde Diplomatique, décembre 2011
On les considérait comme une fatalité liée à la « modernisation »
de l’économie, voici que les licenciements indignent de nouveau.
Faudra-t-il pour autant se satisfaire de ce que leur dénonciation ne
resurgisse qu’au travers de la stigmatisation des « dérives » de la finance ?
Dans une version abstraitement morale, celle de M. Nicolas Sarkozy à
l’occasion de son discours de Toulon, le 25 septembre 2008, proclamant
qu’il faut « opposer l’effort du travailleur à l’argent facile de la spéculation ». Ou dans une version un peu plus précise : celle des « licenciements boursiers » que M. François Hollande, candidat socialiste à l’élection présidentielle, propose de « taxer », que M. Jean-Luc Mélenchon, coprésident du Parti de gauche, souhaite « interdire », et que la finaliste malheureuse du scrutin de 2007, Mme Ségolène Royal, ne veut plus voir « camouflés »
en licenciements économiques. En septembre 1999, un bond du cours en
Bourse avait salué l’annonce simultanée par la direction de Michelin
d’une hausse de 20 % de son bénéfice semestriel et de sept mille cinq cents licenciements. L’opération avait été qualifiée de « boursière ». Mais cette formule ne constitue-t-elle pas un raccourci ?
Si, effectivement, tous les malheurs du monde s’expliquent par l’emprise de la finance sur le capitalisme réel, et si la financiarisation ne constitue qu’un détour malheureux dans l’épopée de l’économie de marché, alors oui, la question des licenciements commence et finit à la Bourse. Mais à supposer que l’économie concurrentielle puisse être débarrassée de sa « verrue financière », deviendrait-elle pour autant vertueuse ? C’est un peu la conclusion à laquelle invitent les discours actuels : la brutalité sociale du marché découlerait d’une sorte de dérèglement ou de pathologie économique — que chacun, naturellement, souhaite temporaire.
En France, un peu plus de six cents entreprises sont cotées, aux premier et second marchés. Les poids lourds du CAC 40 (les quarante plus importantes sociétés de la place boursière française) emploient à peu près un million huit cent mille salariés (35 % de leurs effectifs mondiaux), soit 11 % des salariés du secteur concurrentiel français. Alors, qu’entend-on par licenciements boursiers ? Quelle pourrait en être la définition, permettant au législateur d’élaborer une loi qui les interdise ? Risquons une première mouture : « S’applique aux licenciements dus à des réorganisations opérées dans le seul but d’améliorer les résultats et de servir la cotation. » Licenciements boursiers par excellence ! Mais déplaçons légèrement le curseur : le terme pourrait également englober les licenciements dus à des restructurations stratégiques (arrêt d’une activité, nouveaux choix industriels) destinés à redresser un compte d’exploitation et se répercutant sur le cours de l’action — par le truchement de l’appétence renouvelée des marchés pour le titre. A elle seule, cette définition englobe déjà une multitude de cas de figure, de la liquidation d’une activité en fin de vie (la fabrication de téléviseurs à tube cathodique) à la réduction de voilure sur des marchés où l’entreprise recule par rapport à ses concurrents (fin de brevets et développement des génériques dans la pharmacie). Licenciements boursiers ? Peut-être, puisque le lien serait établi entre la mesure économique et ses conséquences à la Corbeille. Mais on note immédiatement qu’ils ne découlent plus uniquement de la cupidité des actionnaires-rentiers. Et la question de savoir si la décision est dictée par le cours de Bourse ou par les enjeux de la concurrence industrielle devient une affaire d’œuf et de poule.
Envisager les licenciements sous le seul angle de la tyrannie des marchés se heurte à plusieurs contradictions. Nombre de grandes sociétés ne sont pas cotées. De plus, une pléthore de licenciements dans des entreprises de droit français résultent de la réorganisation de leur groupe, dont la cotation s’effectue hors de l’Hexagone, parfois même hors d’Europe. Quand des suppressions de postes font suite à des opérations de fusion-absorption, on devine l’intérêt final pour les actionnaires : cela revient-il à dire que l’opération vise, avant tout, à gonfler le cours du titre de la société en Bourse ? Dans des montages de type LBO (leveraged buy-out, ou acquisition par recours massif à l’emprunt), les licenciements n’ont, par définition, aucun lien immédiat avec la Bourse, puisque l’opération mobilise le capital non coté (private equity). Ces licenciements sont-ils pour autant moins scandaleux ?
Réduire la question des licenciements économiques à des accidents boursiers pourrait même s’avérer bien ironique. Prenons l’exemple d’une restructuration radicale visant à faire monter les cours de l’action d’un fleuron historique du capitalisme français menacé par une offre publique d’achat (OPA) étrangère et hostile. Dans le système économique actuel, il s’agit d’un des moyens possibles pour déjouer l’opération et, ce faisant, maintenir le « joyau industriel » en question dans le giron national : gageons que certains des partisans actuels de l’interdiction des licenciements boursiers s’abstiendraient alors de protester. Que dire encore des licenciements dans les entreprises de sous-traitance en cascade, parfois très éloignées du donneur d’ordre primaire, lequel décide pourtant du partage de la marge et n’hésite pas à étouffer ses fournisseurs ? Où s’arrêterait, dans ce cas de figure, l’estampille « boursière » attachée aux suppressions d’emplois ?
Autre cas de figure. Soucieux de redresser son compte d’exploitation, le groupe Carrefour s’est lancé à la conquête des centres-villes avec de petites surfaces de quartier (type Carrefour Market). Il participe ainsi à un nouveau maillage commercial qui fragilise encore davantage les commerces alimentaires de proximité. Conséquence ? La fermeture de boutiques indépendantes et le licenciement économique de leurs salariés. Stricto sensu, il s’agit de licenciements boursiers : l’arrivée du mastodonte de la grande distribution relève d’une tentative des deux actionnaires de référence du groupe — la société Moët Hennessy - Louis Vuitton (LVMH) de M. Bernard Arnault et Colony Capital — d’étendre leurs parts de marché afin de regonfler leurs résultats. Enchaînement inattendu : le licenciement des trois employés de la charcuterie Benoît et fils, en face de la mairie, répondrait à la définition du licenciement boursier… Mais ne s’étendrait pas au périmètre du groupe qui en est le responsable. Que fera le législateur ? Pis : Leclerc et Système U font la même chose que Carrefour, mais ne sont pas cotés en Bourse. Qui saura distinguer le licenciement boursier de celui qui ne l’est pas ?
Décidément, cela ne marche pas. Et pour cause. Entre la défense de la cote, le niveau de dividendes à verser, le taux de profit, la défense des parts de marché, la compétitivité par les prix et, parfois, le simple besoin de transférer des dépenses de masse salariale vers le marketing, il n’existe aucune Grande Muraille de Chine. Il n’y a pas d’un côté le vice de la finance et de l’autre les vertus de la compétition, mais une économie dominée par la concurrence : la bataille entre sociétés pour le partage des marchés et celui de la valeur ajoutée.
Les licenciements qui, de manière univoque, renverraient à la satisfaction de la rente boursière ne représentent qu’une infime minorité de la masse des suppressions de postes pour raisons économiques. Sans même parler de la flexibilité du travail, des contrats à durée déterminée (CDD) ou de l’intérim. Pour s’attaquer au problème des licenciements, il faut donc commencer par s’intéresser aux salariés — à tous les salariés — et non se lancer dans des typologies académiques. Dès lors, une question s’impose : pourquoi les otages du système seraient-ils également ceux qui en paient le coût social ? Qu’ils soient salariés de Total (groupe français coté), d’ArcelorMittal (groupe indien), de la Caisse d’épargne (groupe français non coté), de Visteon (coté en Bourse, mais sous-traitant de Renault et de PSA Peugeot Citroën), ou de la charcuterie Benoît et fils !
Le seul moyen de ne pas sauver les uns en abandonnant les autres consiste à garantir à tous le maintien de leur salaire et de leur statut jusqu’au reclassement, par un système de sécurité et de transition professionnelle, avec des obligations de résultat, pris en charge par le secteur concurrentiel… et non par la collectivité. Un seul principe universel : que les salariés ne fassent pas les frais du pugilat que se livrent les entreprises pour le partage — à leurs dépens — de la richesse qu’ils créent. Aussi, pour les licenciements économiques, faut-il plaider sur le mode du pollueur-payeur, au niveau de l’ensemble du secteur concurrentiel (1). Puisqu’il s’agit de légiférer, pourquoi ne pas envisager une loi qui protège tous les salariés concernés par un licenciement économique, sans effet de seuil sur le nombre de postes supprimés ou sur la taille de l’entreprise ?
La résurgence, parfois là où on ne l’attendait pas, de la dénonciation des licenciements boursiers procède d’une fausse radicalité et en contourne la cause première. Or les solutions qui ignoreraient la globalité du problème et la main invisible de la compétition marchande reviendraient, au final, à proclamer : « Longue vie aux licenciements non boursiers ! »
Si, effectivement, tous les malheurs du monde s’expliquent par l’emprise de la finance sur le capitalisme réel, et si la financiarisation ne constitue qu’un détour malheureux dans l’épopée de l’économie de marché, alors oui, la question des licenciements commence et finit à la Bourse. Mais à supposer que l’économie concurrentielle puisse être débarrassée de sa « verrue financière », deviendrait-elle pour autant vertueuse ? C’est un peu la conclusion à laquelle invitent les discours actuels : la brutalité sociale du marché découlerait d’une sorte de dérèglement ou de pathologie économique — que chacun, naturellement, souhaite temporaire.
En France, un peu plus de six cents entreprises sont cotées, aux premier et second marchés. Les poids lourds du CAC 40 (les quarante plus importantes sociétés de la place boursière française) emploient à peu près un million huit cent mille salariés (35 % de leurs effectifs mondiaux), soit 11 % des salariés du secteur concurrentiel français. Alors, qu’entend-on par licenciements boursiers ? Quelle pourrait en être la définition, permettant au législateur d’élaborer une loi qui les interdise ? Risquons une première mouture : « S’applique aux licenciements dus à des réorganisations opérées dans le seul but d’améliorer les résultats et de servir la cotation. » Licenciements boursiers par excellence ! Mais déplaçons légèrement le curseur : le terme pourrait également englober les licenciements dus à des restructurations stratégiques (arrêt d’une activité, nouveaux choix industriels) destinés à redresser un compte d’exploitation et se répercutant sur le cours de l’action — par le truchement de l’appétence renouvelée des marchés pour le titre. A elle seule, cette définition englobe déjà une multitude de cas de figure, de la liquidation d’une activité en fin de vie (la fabrication de téléviseurs à tube cathodique) à la réduction de voilure sur des marchés où l’entreprise recule par rapport à ses concurrents (fin de brevets et développement des génériques dans la pharmacie). Licenciements boursiers ? Peut-être, puisque le lien serait établi entre la mesure économique et ses conséquences à la Corbeille. Mais on note immédiatement qu’ils ne découlent plus uniquement de la cupidité des actionnaires-rentiers. Et la question de savoir si la décision est dictée par le cours de Bourse ou par les enjeux de la concurrence industrielle devient une affaire d’œuf et de poule.
Envisager les licenciements sous le seul angle de la tyrannie des marchés se heurte à plusieurs contradictions. Nombre de grandes sociétés ne sont pas cotées. De plus, une pléthore de licenciements dans des entreprises de droit français résultent de la réorganisation de leur groupe, dont la cotation s’effectue hors de l’Hexagone, parfois même hors d’Europe. Quand des suppressions de postes font suite à des opérations de fusion-absorption, on devine l’intérêt final pour les actionnaires : cela revient-il à dire que l’opération vise, avant tout, à gonfler le cours du titre de la société en Bourse ? Dans des montages de type LBO (leveraged buy-out, ou acquisition par recours massif à l’emprunt), les licenciements n’ont, par définition, aucun lien immédiat avec la Bourse, puisque l’opération mobilise le capital non coté (private equity). Ces licenciements sont-ils pour autant moins scandaleux ?
Réduire la question des licenciements économiques à des accidents boursiers pourrait même s’avérer bien ironique. Prenons l’exemple d’une restructuration radicale visant à faire monter les cours de l’action d’un fleuron historique du capitalisme français menacé par une offre publique d’achat (OPA) étrangère et hostile. Dans le système économique actuel, il s’agit d’un des moyens possibles pour déjouer l’opération et, ce faisant, maintenir le « joyau industriel » en question dans le giron national : gageons que certains des partisans actuels de l’interdiction des licenciements boursiers s’abstiendraient alors de protester. Que dire encore des licenciements dans les entreprises de sous-traitance en cascade, parfois très éloignées du donneur d’ordre primaire, lequel décide pourtant du partage de la marge et n’hésite pas à étouffer ses fournisseurs ? Où s’arrêterait, dans ce cas de figure, l’estampille « boursière » attachée aux suppressions d’emplois ?
Autre cas de figure. Soucieux de redresser son compte d’exploitation, le groupe Carrefour s’est lancé à la conquête des centres-villes avec de petites surfaces de quartier (type Carrefour Market). Il participe ainsi à un nouveau maillage commercial qui fragilise encore davantage les commerces alimentaires de proximité. Conséquence ? La fermeture de boutiques indépendantes et le licenciement économique de leurs salariés. Stricto sensu, il s’agit de licenciements boursiers : l’arrivée du mastodonte de la grande distribution relève d’une tentative des deux actionnaires de référence du groupe — la société Moët Hennessy - Louis Vuitton (LVMH) de M. Bernard Arnault et Colony Capital — d’étendre leurs parts de marché afin de regonfler leurs résultats. Enchaînement inattendu : le licenciement des trois employés de la charcuterie Benoît et fils, en face de la mairie, répondrait à la définition du licenciement boursier… Mais ne s’étendrait pas au périmètre du groupe qui en est le responsable. Que fera le législateur ? Pis : Leclerc et Système U font la même chose que Carrefour, mais ne sont pas cotés en Bourse. Qui saura distinguer le licenciement boursier de celui qui ne l’est pas ?
Décidément, cela ne marche pas. Et pour cause. Entre la défense de la cote, le niveau de dividendes à verser, le taux de profit, la défense des parts de marché, la compétitivité par les prix et, parfois, le simple besoin de transférer des dépenses de masse salariale vers le marketing, il n’existe aucune Grande Muraille de Chine. Il n’y a pas d’un côté le vice de la finance et de l’autre les vertus de la compétition, mais une économie dominée par la concurrence : la bataille entre sociétés pour le partage des marchés et celui de la valeur ajoutée.
Les licenciements qui, de manière univoque, renverraient à la satisfaction de la rente boursière ne représentent qu’une infime minorité de la masse des suppressions de postes pour raisons économiques. Sans même parler de la flexibilité du travail, des contrats à durée déterminée (CDD) ou de l’intérim. Pour s’attaquer au problème des licenciements, il faut donc commencer par s’intéresser aux salariés — à tous les salariés — et non se lancer dans des typologies académiques. Dès lors, une question s’impose : pourquoi les otages du système seraient-ils également ceux qui en paient le coût social ? Qu’ils soient salariés de Total (groupe français coté), d’ArcelorMittal (groupe indien), de la Caisse d’épargne (groupe français non coté), de Visteon (coté en Bourse, mais sous-traitant de Renault et de PSA Peugeot Citroën), ou de la charcuterie Benoît et fils !
Le seul moyen de ne pas sauver les uns en abandonnant les autres consiste à garantir à tous le maintien de leur salaire et de leur statut jusqu’au reclassement, par un système de sécurité et de transition professionnelle, avec des obligations de résultat, pris en charge par le secteur concurrentiel… et non par la collectivité. Un seul principe universel : que les salariés ne fassent pas les frais du pugilat que se livrent les entreprises pour le partage — à leurs dépens — de la richesse qu’ils créent. Aussi, pour les licenciements économiques, faut-il plaider sur le mode du pollueur-payeur, au niveau de l’ensemble du secteur concurrentiel (1). Puisqu’il s’agit de légiférer, pourquoi ne pas envisager une loi qui protège tous les salariés concernés par un licenciement économique, sans effet de seuil sur le nombre de postes supprimés ou sur la taille de l’entreprise ?
La résurgence, parfois là où on ne l’attendait pas, de la dénonciation des licenciements boursiers procède d’une fausse radicalité et en contourne la cause première. Or les solutions qui ignoreraient la globalité du problème et la main invisible de la compétition marchande reviendraient, au final, à proclamer : « Longue vie aux licenciements non boursiers ! »
Claude Jacquin
Expert auprès des comités d’entreprise.
(1) Laurent Garrouste, Michel Husson, Claude Jacquin et Henri Wilno, Supprimer les licenciements, Syllepse, Paris, 2006.
A lire sur ce livre : Entrevue des auteurs
A lire sur ce livre : Entrevue des auteurs
NPArguments pour : l'interdiction des licenciements
[texte publié sous Sarkozy mais qui reste dans ses analyses et propositions d'une totale actualité puisque Hollande et Ayrault son dans la continuité austéritaire du précédent gouvernement]
jeudi 9 avril 2009
Avec 80000 chômeurs en plus au mois de
février, la crise économique se transforme en crise sociale à une
vitesse inégalée. Une mesure d'urgence s'impose: l'interdiction totale
des licenciements.
Les licenciements sont des choix conscients du patronat, qui considère les salariés comme une variable d’ajustement pour maintenir ses profits. Il est temps de remettre les choses à l’endroit et d’imposer le droit à un emploi stable comme un droit social fondamental, au même titre que celui à la santé, au logement, à l’éducation. Il est temps, comme ce fut le cas en 2001 autour des Lu-Danone, d’arriver à coordonner les réactions aux licenciements, afin de reprendre l’offensive, d'exiger l’interdiction des licenciements, d'enlever ce droit exorbitant au patronat et de garantir une vie décente à toutes et à tous.
1. Les licenciements servent à maintenir les profits
Dans ce système, il est « normal » que PSA et Renault suppriment chacun des milliers d’emplois en France, pour rémunérer grassement leurs actionnaires et leurs dirigeants. Si Arcelor supprime 7% de ses effectifs en 2009, le groupe distribue 1, 5 milliard d'euros à ses actionnaires… Les licenciements, le chômage massif sont bien le pendant d’une répartition des richesses faite dans le seul intérêt des capitalistes.
2- Faire respecter le droit à l'emploi
La Constitution réaffirme son soutien à un principe énoncé dans le préambule de la Constitution de 1946: « Chacun a le devoir de travailler et le droit à obtenir un emploi. » Ce droit reste lettre morte, car il passe après « la liberté d’entreprendre ». Le Medef et sa présidente, Laurence Parisot, s’insurgent dès que l’on parle de remettre en cause le pouvoir absolu des patrons dans l’entreprise. Mais il n’est pas acceptable que la vie des salariés dépende du cours des actions et du bon vouloir d’une poignée de gros actionnaires et de patrons, de choix économiques dont ils ne sont pas responsables. Le droit à l’emploi doit devenir une réalité. Puisque ce sont les capitalistes qui monopolisent la possession des entreprises et des richesses produites, obligeant les travailleurs à louer leur force de travail, ces mêmes patrons doivent supporter la conséquence de cette situation et garantir les contrats de travail.
3- Responsabiliser le patronat
Il faut reporter la responsabilité totale d’une suppression de poste du salarié, aujourd’hui coupable de perdre son emploi, sur le patronat, qui se décharge de ses responsabilités. Un fonds de financement mutualisé, financé par le patronat, doit, dans tous les cas, permettre le maintien des salaires par-delà les aléas de telle ou telle entreprise. Les droits actuels des comités d'entreprise, les divers recours, les plans de sauvegarde de l’emploi ne sont que des remèdes qui n’attaquent pas le droit des patrons. De même, quand un emploi est supprimé dans une maison mère de l’automobile ou de l’aéronautique, par exemple, de nombreux autres sont supprimés silencieusement dans les filiales et la sous-traitance. Il faut instaurer une responsabilité pleine et entière des emplois du secteur par les donneurs d’ordre, par l’entité patronale collective.
4- Garantir le contrat de travail
De même, le patronat a usé et abusé, ces dernières années, des licenciements individuels pour contourner les obligations liées aux licenciements économiques, mais aussi pour maintenir un pouvoir hiérarchique et disciplinaire d’un autre temps. Les licenciements individuels sont deux fois et demi plus nombreux que les licenciements économiques. Ils sont aussi un mode de régulation patronal des emplois. Il est inacceptable qu’un salarié soit licencié pour insuffisance professionnelle ou parce qu’il est usé par des dizaines d’années de travail. Il est également inacceptable que les patrons se fassent eux-mêmes justice en gardant le droit du licenciement pour faute, en accusant, instruisant, sanctionnant et exécutant eux-mêmes la faute. Il est de même inacceptable qu'un salarié sanctionné par la justice subisse d’une double peine en perdant son emploi.
5- Redéfinir les productions sans léser les salariés
Quant au gouvernement, qui fait semblant de fustiger les patrons licencieurs, il s’apprête, cette année encore, à supprimer des dizaines de milliers d’emplois utiles dans l’éducation, la santé, les services administratifs de proximité, etc. Il faut créer des millions d'emplois pour répondre à ces besoins sociaux et donner du travail à tous
6- C'est possible
L'article sur le site du NPA
A lire aussi
Extraits : "En prenant l’initiative d’un appel pour une manifestation nationale
unitaire contre les licenciements, les LU de Ris-Orangis ont pour projet
de rassembler les entreprises sous le coup d’un « plan social », et
s’appuyant sur celles-ci, de convaincre d’autres travailleurs ainsi que
le maximum d’organisations syndicales, politiques et associatives se
réclamant du mouvement ouvrier ou de la gauche. Le but délibéré est que
la pelote grossisse.
La sensibilité d’extrême gauche d’une partie de l’équipe
intersyndicale de LU Ris Orangis n’est pas pour rien dans les choix
faits et approuvés par les travailleurs de l’entreprise. Tout d’abord,
montrer clairement du doigt non seulement les patrons mais aussi le
gouvernement. Les LU ont également tenu à mettre en avant une mesure
radicale : l’interdiction des licenciements. Ils affirment leur volonté
de rassembler tous les travailleurs et toutes les organisations
syndicales et ouvrières, dont les organisations politiques. [...]
La réussite de la manifestation du 9 juin dépendait des réponses de
tous. De ce point de vue, même si cette manifestation a marqué un
véritable pas en avant, elle n’a atteint que partiellement son but. Le
vrai échec de la tentative a été l’incapacité à ébranler les principales
confédérations syndicales, en particulier la CGT. On aurait pu et dû
voir au moins 100 000 personnes dans la rue. La confédération, après
quelques hésitations au sein de l’appareil, a refusé d’appeler. Les
confédérations FO et CFDT ont été tout aussi absentes. Pour ce qui est
de la CFDT, seuls des syndicats ou des structures oppositionnelles ont
appelé à manifester.
Le Parti communiste a développé une stratégie double face : dans le
mouvement social et dans le gouvernement. Parallèlement à sa
participation aux manifestations, il a voté la loi Guigou dite de « modernisation sociale »,
laquelle n’empêcherait pas un seul licenciement. Au mieux, les
amendements du PC allongeraient les délais de palabres laissés aux
comités d’entreprise et à une nouvelle espèce en voie de développement,
le « médiateur ». Mais le patron garde son droit souverain de licencier,
Guigou le disait et le répétait."
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