Etude. Une démocratie municipale confisquée car régie par la sélection sociale et les discriminations
Les communes et les conseils municipaux ? Rien à voir avec la Commune !
Les élus municipaux représentent-ils le peuple ? Portrait sociologique (Métropolitiques 3 octobre 2012)
Les 500 000 élus locaux sont régulièrement présentés comme les
mandataires les plus appréciés et les plus proches des Français. L’accès
aux postes de conseiller municipal et de maire est pourtant de plus en
plus soumis à une sélectivité sexuelle, générationnelle, résidentielle
et surtout sociale : davantage de retraités, de fonctionnaires et de
cadres, de moins en moins d’ouvriers et de petits travailleurs
indépendants.
Les élus locaux sont régulièrement présentés comme les mandataires
les plus appréciés des Français. Eux-mêmes en sont tellement convaincus
que ceux d’entre eux qui cumulent un mandat local et un mandat national
prétendent souvent que, s’ils ne devaient en garder un seul, ils
choisiraient sans hésiter leur mandat local. Pourtant, on les connaît
très peu : lorsque je me suis intéressé au milieu des années 2000 à
leurs caractéristiques sociales (âge, sexe, profession, etc.), j’ai été
surpris par les difficultés à trouver des travaux universitaires sur la
sociologie des élus des communes, alors qu’ils sont en France plus d’un
demi-million. Certes, la Direction générale des collectivités locales
publie quelques éléments chiffrés dans son ouvrage annuel Les collectivités locales en chiffres,
mais ils restent très parcellaires. Sociologue ayant pour objet
d’analyse l’espace politique local, j’ai eu la chance d’accéder à des
fonds du ministère de l’Intérieur jusqu’ici inexploités. Il s’agit du
répertoire national des élus, réalisé à partir des déclarations de
candidatures en préfecture et des « tableaux municipaux »
obligatoirement transmis par les mairies après les élections et
« théoriquement » consultables par tout un chacun.
Au fur et à mesure des élections, ces données sont devenues de plus
en plus précises et intéressantes : le dernier fichier disponible (issu
des élections de 2008) est ainsi plus détaillé que les précédents. Il
compte près de 500 000 individus, soit 96 % de la totalité des
conseillers municipaux en France. Il comporte, pourtant, des erreurs de
codage des professions, liées surtout au caractère déclaratif de ce
fichier (aucune vérification n’est effectuée, et c’est le plus souvent
le candidat qui choisit l’une des 69 catégories proposées) : certains
individus préfèrent sous-estimer leur catégorie socioprofessionnelle
(CSP) pour se « rapprocher » de leurs électeurs ; d’autres la
surestiment ou la masquent, quand ils jugent que cela peut améliorer
leur image. Souvent, la profession est indiquée sur les tracts
électoraux et obéit ainsi à une stratégie de présentation publique de
soi. Malgré ces imperfections, l’analyse de ces données permet de
montrer que plus la fonction politique occupée est élevée, plus la
sélection sociale pour y accéder est discriminante.
Illustration : commune.jpg
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