Chômage : la dangereuse politique du laisser-faire
27 décembre 2012 |
Les chiffres sont catastrophiques. Pour le dix-neuvième mois
consécutif, le nombre des demandeurs d’emplois a de nouveau progressé en
novembre. La hausse a touché précisément 29 300 personnes (+0,9 %), ce
qui porte le nombre des demandeurs d’emplois de la catégorie A,
c’est-à-dire la catégorie la plus restreinte, à 3 132 600 en France
métropolitaine. Sur un an, le nombre des demandeurs d’emplois a
progressé de 304 600, soit une hausse de 10,8 %.
Mais si on prend en compte le décompte le plus large, c’est-à-dire les catégories A, B, C, D et E, on parvient à des chiffres encore plus vertigineux. Le nombre des demandeurs d’emplois est dans ce cas passé de 4 819 300 en novembre 2011 à 5 241 900 en novembre 2012, ce qui correspond à une hausse annuelle de 422 600 personnes. Ce qui laisse sous-entendre que la pauvreté doit, elle-même, gagner actuellement beaucoup de terrain et pourrait franchir la barre des 10 millions de personnes dans le courant de l’année 2013. [...]
La politique économique d’ensemble du gouvernement est marquée par une forte austérité. Afin de ramener les déficits publics à 3 % du produit intérieur brut (PIB) dès 2013, le gouvernement a décidé de couper de manière énergique dans les dépenses publiques. Et la décision de mettre en chantier un « choc de compétitivité » en faveur des entreprises, pour un montant de 20 milliards d’euros, a renforcé encore davantage le caractère restrictif de la politique économique française puisqu’il faut, de ce fait, que le gouvernement trouve au total, près de 12 milliards d’euros d’économies par an pour atteindre son objectif d’équilibre des finances publiques d’ici la fin du quinquennat. Or chacun comprend bien les conséquences d’une telle politique : appliquer de l’austérité à une économie au bord de la récession ne peut que la fragiliser encore plus. [...]
Le gouvernement a construit tout son budget de 2013 sur une hypothèse de croissance de 0,8 %. Pour que cet objectif soit tenu, il faudrait donc que la croissance accélère brutalement et atteigne des chiffres de l’ordre de 0,8 % au troisième trimestre et de 1,2 % au quatrième trimestre. Ce qui est proprement impensable. Conséquence implacable : sur le front du chômage, la prévision présidentielle pêche, elle aussi, par optimisme. En bref, la politique d’austérité va forcément conduire à plus de chômage que prévu.
Mais à cela s’ajoutent encore d’autres raisons. En particulier, il est apparu de plus en plus nettement au fil de ces derniers mois que le gouvernement a fait le choix de conduire une politique néo-libérale, dite de l’offre. En clair, tout a été fait pour favoriser les entreprises, avec l’arrière-pensée que ces aides conduiraient à une amélioration sur le front de l’emploi et du chômage. C’est la logique supposée du « choc de compétitivité » voulu par le gouvernement, au terme duquel les entreprises vont percevoir 20 milliards d’euros sous forme de crédit d’impôt.
Or, ce choix-là risque de rater sa cible pour deux raisons. La première, c’est qu’aucune étude économique n’atteste que l’amélioration de la situation économique des entreprises conduise à une baisse du chômage. C’est la faille bien connue du fameux « Théorème de Schmidt ». On se souvient que le chancelier allemand Helmut Schmidt avait pris en son temps pour cap ce principe : « Les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain et les emplois d’après-demain. » À l'époque, son allié et ami français, Valéry Giscard d'Estaing, avait repris cette maxime à son compte, ce dont se moquaient les socialistes français, non sans raison. Car dans le capitalisme d’actionnaires auquel la France s’est convertie, cela ne fonctionne jamais comme cela : les profits d’aujourd’hui font d'abord… les dividendes de demain.
Et c’est donc le risque pris par le gouvernement : en accordant 20 milliards d’euros de crédits d’impôt aux entreprises, sans leur demander en contrepartie le moindre engagement, il va alimenter le plus souvent des comportements d’aubaine. Cela va tout bonnement venir gonfler les dividendes d’entreprises qui sont déjà très généreuses avec leurs actionnaires, et d’abord les entreprises du CAC 40.
Ce choix d’une politique économique néo-libérale est confirmée par un autre chantier ouvert par le gouvernement, celui de la réforme du marché du travail. Encore une fois, l’arrière-pensée est transparente : l’Élysée veut faire croire qu’une plus grande flexibilité peut conduire à davantage de créations d’emplois. Mais en vérité, beaucoup d’études attestent que l’effet n’est pas exactement celui-là : une plus grande flexibilité peut accroître la rapidité des embauches en période de croissance et accroître celle des licenciements en période de stagnation, mais sans que le stock total d’emplois n’en soit modifié sur une longue période. En clair, la flexibilité crée d'abord… de la flexibilité ! Mais elle ne crée pas plus d’emploi. Ou si elle en crée, ce sont seulement des emplois… précaires !
Ces choix sont révélateurs aussi d’une autre arrière-pensée : si le gouvernement considère que le pays est en situation d’urgence économique, il n’a jamais semblé penser qu’il était aussi en situation d’urgence sociale. Car après tout, il aurait tout aussi bien pu considérer que l’envolée dramatique du chômage exigeait une mobilisation exceptionnelle de tout le pays. Et des moyens financiers tout aussi exceptionnels. En somme, il aurait pu considérer que la baisse du chômage ne serait pas la résultante ultime de la politique économique, mais sa première priorité. Et qu’il convenait, à cette fin, de lancer une sorte de New Deal à la française. Ou une sorte de réunification à l’allemande. Avec un objectif majeur : faire tomber le Mur… du chômage !
Mais cette volonté-là, le gouvernement ne l’a visiblement pas. Car si le retour à l’équilibre des finances publiques et le « choc de compétitivité » mobilisent toutes ses marges de manœuvre, il n’en a, par ricochet, plus aucune pour la politique sociale. Pas de « choc anti-chômage » : François Hollande a, de toute évidence, fait le choix de mettre en œuvre des moyens très limités pour faire refluer le chômage. [...]
[parmi ces moyens nous avons "les emplois d’avenir – nouvelle variante de ce qu’étaient autrefois les « emplois jeunes »" (pour les jeunes sans qualification)] - et "les contrats de génération [proposés à tous les jeunes quelle que soit leur qualification], qui constituaient l’engagement phare de François Hollande et qui font l’objet d’un projet de loi qui sera examiné par le Parlement dans le courant du mois de janvier." Ramenés des 300 000 promis pendant la campagne électorale à 150 000 étalés sur deux ans, le dispositif des premiers est sous-financé. Quant aux contrats de génération, avec des moyens financiers encore plus limités, ils "risque{nt] de susciter un « effet d’aubaine » massif : « Dans leur grande majorité, même sans exonération de charges, ces jeunes seraient embauchés par les entreprises. L'effet d'aubaine sera majeur » (l’économiste Philippe Askenazy). [...]
Alors, paraphrasant la formule malheureuse mais révélatrice de François Mitterrand, François Hollande pourra dire qu’il aura « tout essayé contre le chômage ». Tout… ce qu’autorise la doxa néo-libérale. Et on sait qu'elle autorise peu de choses. Un peu de traitement social du chômage, et pour le reste, il faut laisser faire la main invisible du marché. Car, c'est cela, au fond la politique de François Hollande : la dangereuse politique du laisser-faire…
Illustration : 3681341386725.jpg
La critique des "emplois d'avenir" faite par le NPA : Contrat « emploi d’avenir » : Première attaque contre la jeunesse ! Voir aussi Fiches Emplois d’avenir (NPA Jeunes)
Sur les Emplois d'avenir Professeurs : Déclaration de la fédération SUD Éducation - Union Syndicale Solidaires
Voir aussi cet extrait de la Résolution adoptée par l’Assemblée Générale étudiante de Lille 3 le 9 octobre 2012 :"Refusons que les jeunes soient le moyen, comme le prévoient les emplois d’avenir ou les contrats de génération, de faire baisser le « coût du travail », c’est à dire nos salaires, par le biais des exonérations de cotisations sociales ou des subventions publiques aux entreprises."
Mais si on prend en compte le décompte le plus large, c’est-à-dire les catégories A, B, C, D et E, on parvient à des chiffres encore plus vertigineux. Le nombre des demandeurs d’emplois est dans ce cas passé de 4 819 300 en novembre 2011 à 5 241 900 en novembre 2012, ce qui correspond à une hausse annuelle de 422 600 personnes. Ce qui laisse sous-entendre que la pauvreté doit, elle-même, gagner actuellement beaucoup de terrain et pourrait franchir la barre des 10 millions de personnes dans le courant de l’année 2013. [...]
La politique économique d’ensemble du gouvernement est marquée par une forte austérité. Afin de ramener les déficits publics à 3 % du produit intérieur brut (PIB) dès 2013, le gouvernement a décidé de couper de manière énergique dans les dépenses publiques. Et la décision de mettre en chantier un « choc de compétitivité » en faveur des entreprises, pour un montant de 20 milliards d’euros, a renforcé encore davantage le caractère restrictif de la politique économique française puisqu’il faut, de ce fait, que le gouvernement trouve au total, près de 12 milliards d’euros d’économies par an pour atteindre son objectif d’équilibre des finances publiques d’ici la fin du quinquennat. Or chacun comprend bien les conséquences d’une telle politique : appliquer de l’austérité à une économie au bord de la récession ne peut que la fragiliser encore plus. [...]
Le gouvernement a construit tout son budget de 2013 sur une hypothèse de croissance de 0,8 %. Pour que cet objectif soit tenu, il faudrait donc que la croissance accélère brutalement et atteigne des chiffres de l’ordre de 0,8 % au troisième trimestre et de 1,2 % au quatrième trimestre. Ce qui est proprement impensable. Conséquence implacable : sur le front du chômage, la prévision présidentielle pêche, elle aussi, par optimisme. En bref, la politique d’austérité va forcément conduire à plus de chômage que prévu.
Mais à cela s’ajoutent encore d’autres raisons. En particulier, il est apparu de plus en plus nettement au fil de ces derniers mois que le gouvernement a fait le choix de conduire une politique néo-libérale, dite de l’offre. En clair, tout a été fait pour favoriser les entreprises, avec l’arrière-pensée que ces aides conduiraient à une amélioration sur le front de l’emploi et du chômage. C’est la logique supposée du « choc de compétitivité » voulu par le gouvernement, au terme duquel les entreprises vont percevoir 20 milliards d’euros sous forme de crédit d’impôt.
Or, ce choix-là risque de rater sa cible pour deux raisons. La première, c’est qu’aucune étude économique n’atteste que l’amélioration de la situation économique des entreprises conduise à une baisse du chômage. C’est la faille bien connue du fameux « Théorème de Schmidt ». On se souvient que le chancelier allemand Helmut Schmidt avait pris en son temps pour cap ce principe : « Les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain et les emplois d’après-demain. » À l'époque, son allié et ami français, Valéry Giscard d'Estaing, avait repris cette maxime à son compte, ce dont se moquaient les socialistes français, non sans raison. Car dans le capitalisme d’actionnaires auquel la France s’est convertie, cela ne fonctionne jamais comme cela : les profits d’aujourd’hui font d'abord… les dividendes de demain.
Et c’est donc le risque pris par le gouvernement : en accordant 20 milliards d’euros de crédits d’impôt aux entreprises, sans leur demander en contrepartie le moindre engagement, il va alimenter le plus souvent des comportements d’aubaine. Cela va tout bonnement venir gonfler les dividendes d’entreprises qui sont déjà très généreuses avec leurs actionnaires, et d’abord les entreprises du CAC 40.
Ce choix d’une politique économique néo-libérale est confirmée par un autre chantier ouvert par le gouvernement, celui de la réforme du marché du travail. Encore une fois, l’arrière-pensée est transparente : l’Élysée veut faire croire qu’une plus grande flexibilité peut conduire à davantage de créations d’emplois. Mais en vérité, beaucoup d’études attestent que l’effet n’est pas exactement celui-là : une plus grande flexibilité peut accroître la rapidité des embauches en période de croissance et accroître celle des licenciements en période de stagnation, mais sans que le stock total d’emplois n’en soit modifié sur une longue période. En clair, la flexibilité crée d'abord… de la flexibilité ! Mais elle ne crée pas plus d’emploi. Ou si elle en crée, ce sont seulement des emplois… précaires !
Ces choix sont révélateurs aussi d’une autre arrière-pensée : si le gouvernement considère que le pays est en situation d’urgence économique, il n’a jamais semblé penser qu’il était aussi en situation d’urgence sociale. Car après tout, il aurait tout aussi bien pu considérer que l’envolée dramatique du chômage exigeait une mobilisation exceptionnelle de tout le pays. Et des moyens financiers tout aussi exceptionnels. En somme, il aurait pu considérer que la baisse du chômage ne serait pas la résultante ultime de la politique économique, mais sa première priorité. Et qu’il convenait, à cette fin, de lancer une sorte de New Deal à la française. Ou une sorte de réunification à l’allemande. Avec un objectif majeur : faire tomber le Mur… du chômage !
Mais cette volonté-là, le gouvernement ne l’a visiblement pas. Car si le retour à l’équilibre des finances publiques et le « choc de compétitivité » mobilisent toutes ses marges de manœuvre, il n’en a, par ricochet, plus aucune pour la politique sociale. Pas de « choc anti-chômage » : François Hollande a, de toute évidence, fait le choix de mettre en œuvre des moyens très limités pour faire refluer le chômage. [...]
[parmi ces moyens nous avons "les emplois d’avenir – nouvelle variante de ce qu’étaient autrefois les « emplois jeunes »" (pour les jeunes sans qualification)] - et "les contrats de génération [proposés à tous les jeunes quelle que soit leur qualification], qui constituaient l’engagement phare de François Hollande et qui font l’objet d’un projet de loi qui sera examiné par le Parlement dans le courant du mois de janvier." Ramenés des 300 000 promis pendant la campagne électorale à 150 000 étalés sur deux ans, le dispositif des premiers est sous-financé. Quant aux contrats de génération, avec des moyens financiers encore plus limités, ils "risque{nt] de susciter un « effet d’aubaine » massif : « Dans leur grande majorité, même sans exonération de charges, ces jeunes seraient embauchés par les entreprises. L'effet d'aubaine sera majeur » (l’économiste Philippe Askenazy). [...]
Alors, paraphrasant la formule malheureuse mais révélatrice de François Mitterrand, François Hollande pourra dire qu’il aura « tout essayé contre le chômage ». Tout… ce qu’autorise la doxa néo-libérale. Et on sait qu'elle autorise peu de choses. Un peu de traitement social du chômage, et pour le reste, il faut laisser faire la main invisible du marché. Car, c'est cela, au fond la politique de François Hollande : la dangereuse politique du laisser-faire…
Illustration : 3681341386725.jpg
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La critique des "emplois d'avenir" faite par le NPA : Contrat « emploi d’avenir » : Première attaque contre la jeunesse ! Voir aussi Fiches Emplois d’avenir (NPA Jeunes)
Sur les Emplois d'avenir Professeurs : Déclaration de la fédération SUD Éducation - Union Syndicale Solidaires
Voir aussi cet extrait de la Résolution adoptée par l’Assemblée Générale étudiante de Lille 3 le 9 octobre 2012 :"Refusons que les jeunes soient le moyen, comme le prévoient les emplois d’avenir ou les contrats de génération, de faire baisser le « coût du travail », c’est à dire nos salaires, par le biais des exonérations de cotisations sociales ou des subventions publiques aux entreprises."
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