Femmes. Sexualité, pilule, santé, industrie et marketing pharmaceutiques et (in)compétence des médecins...
Contraception : comment 
l’ignorance médicale et le marketing industriel mettent les femmes en 
danger... et comment en réchapper ! 
   
par Martin Winckler (Dr Marc Zaffran)
Article du 31 décembre 2012 (Winckler’s Webzine)
L’accident dramatique qui a touché Marion Larat
(Voir L’Express du 14 décembre 2012 et voir aussi cet article du Monde)
et dont les médias français ont beaucoup parlé ces derniers temps est un
 accident qui menace, depuis trente ans, des milliers de femmes en 
France. L’article qui suit est destiné à faire le point. Il met en 
question non seulement le marketing de l’industrie pharmaceutique mais 
aussi la compétence des médecins français.
Mais commençons par une histoire de catastrophe contraceptive qui illustrera mon propos. Elle se déroule en 1977.
  
Cette année-là, j’avais vingt-deux ans 
et j’étais étudiant hospitalier ("externe") dans un service de 
psychiatrie. Je m’y suis entre autres occupé d’une femme d’une trentaine
 d’années ; plus exactement, je l’ai écoutée parler, car je n’avais 
aucune responsabilité de prescription. Son histoire est la suivante :
 
Note : Cet article est également publié sur ma page Facebook personnelle, où les discussions sont ouvertes.
On lui avait découvert une tuberculose avec une localisation aux ovaires
 et aux trompes ; elle avait reçu un traitement et son pronostic était 
bon (elle n’allait pas mourir de sa tuberculose), mais le spécialiste 
lui avait annoncé tout à trac qu’elle serait stérile. Sur quels 
critères ? Nul ne le sait. Quoi qu’il en soit, quelques semaines après 
cette annonce, et alors que son mari et elle faisaient le deuil de leur 
vie familiale (ils n’avaient pas d’enfant), elle s’était retrouvée 
enceinte...
Comme le traitement antituberculeux 
qu’elle prenait était toxique pour le fœtus, on l’avait contrainte (je 
dis bien : contrainte ; on ne lui avait pas laissé le choix) à avorter. 
Dépressive (on le serait à moins), elle avait fait une tentative de 
suicide et se retrouvait en psychiatrie. J’ai sympathisé avec elle et un
 jour, elle m’a demandé de lui expliquer ce qu’était une tuberculose des
 ovaires et des trompes.. Si j’avais eu suffisamment d’expérience pour 
le faire, je lui aurais répondu, mais j’étais étudiant, et j’ai réagi 
comme je le faisais toujours : je me suis dit : "je vais potasser le 
sujet".
Mais j’ai aussi pensé que je pouvais en 
faire un peu plus : j’ai enfreint le règlement et j’ai fait sortir la 
patiente du service pour la guider jusqu’à la bibliothèque de la fac de 
médecine et lui permettre à elle aussi de consulter des livres et des 
revues médicales qui lui étaient autrement inaccessibles. Je ne me 
rappelle pas des détails, mais je me rappelle en revanche qu’elle avait 
été grandement soulagée de comprendre que sa tuberculose n’était pas une
 maladie honteuse (le bacille tuberculeux n’est pas sexuellement 
transmissible : il passe du poumon aux autres organes en pénétrant dans 
le système sanguin et en se répandant partout dans le corps) et de 
quelle manière le traitement, très efficace et pris avant que ses 
trompes ne soient durablement abîmées, lui avait permis de ne pas être 
aussi stérile qu’on le lui avait prédit.
La tentative de suicide qui l’avait 
conduite à l’hôpital n’a pas amené pour autant ses médecins à 
s’interroger sur les causes de son état dépressif. Au lieu de se dire : 
cette femme a subi tout de même plusieurs chocs - la tuberculose, 
l’annonce de la stérilité, la grossesse, l’avortement - les médecins ont
 déclaré : "C’est l’isoniazide (le traitement antituberculeux) qui a 
provoqué sa dépression." Et on a enterré le sujet en ajoutant : "Ya qu’à
 lui prescrire l’autre traitement antituberculeux (la rifampicine) et 
tout ira bien." C’est ce qu’on fit. Elle allait mieux (mais comment s’en
 étonner : elle savait qu’elle n’allait pas mourir, elle ne se sentait 
plus coupable de sa tuberculose, elle se savait fertile... ) alors on 
l’a laissée sortir (à l’époque, les hospitalisations en psychiatrie 
étaient souvent des emprisonnements "pour le bien du patient").
A son départ, elle m’a demandé si elle 
pouvait garder le contact afin de pouvoir de nouveau me poser des 
questions ou me parler de ce qui lui arrivait. Elle n’avait pas 
rencontré beaucoup d’écoute de la part des médecins à qui elle avait eu 
affaire. A l’époque, il n’y avait pas d’internet, et je n’avais pas de 
téléphone. Quelques jours ou semaines plus tard, je l’ai appelée de la 
cabine qui se trouvait sur la place, en bas de chez moi. Elle m’a 
annoncé qu’elle était enceinte de nouveau.
"- Quoi ? Mais on ne vous a pas prescrit
 de contraception ?"
"- Si, bien sûr, j’ai exigé qu’on me prescrive une pilule ! Mais 
apparemment elle n’a pas marché ! Et pourtant je ne l’ai jamais oubliée,
 j’avais tellement peur de me retrouver dans la même situation !"
"- Qui vous a prescrit la pilule ? "
"- Le généraliste. Le spécialiste de la tuberculose n’était pas au 
courant."
Ce jour-là, j’ai pris pour la première fois la mesure de l’ignorance médicale et de ses conséquences.
Je n’étais qu’un étudiant de quatrième 
année. Mais j’avais beau être jeune, j’avais écouté soigneusement le 
prof de pharmacologie nous parler des interactions médicamenteuses - ces
 phénomènes biologiques qui surviennent quand la prise d’un médicament 
annule les effets d’un autre. Et comme ce prof était intelligent et 
savait que le sexe occupait toute notre attention, il nous avait donné 
un exemple d’interaction que nous ne pouvions pas oublier : la rifampicine, antituberculeux très utilisé encore à l’époque, annule l’efficacité de la pilule contraceptive.
(Note pour les utilisatrices 
d’aujourd’hui : sous le nom de marque Rifadine, la rifampicine est 
également utilisée pour traiter des infections moins graves. Il peut 
donc arriver qu’on vous en prescrive...)
Quand j’avais entendu cette information,
 je l’avais soigneusement notée dans ma tête ; j’avais des amies (et 
quelques partenaires sexuelles...) qui prenaient la pilule ; je les ai 
toutes prévenues que certains médicaments pouvaient en annuler les 
effets.
Tout étudiant que j’étais, si cette 
patiente était sortie du service en me disant : "Je vais me faire 
prescrire la pilule", je lui aurais dit :"Surtout pas, demandez qu’on 
vous pose un DIU au cuivre, car la pilule ne marchera pas." Mais elle 
n’était pas allée jusqu’à me confier toute sa vie intime : après tout, 
je n’étais pas son médecin.
Le médecin qui lui a prescrit la pilule 
ne s’est pas renseigné sur ses autres traitements. Le médecin qui lui a 
prescrit son antituberculeux, non plus. La formation médicale à la 
française fait des médecins des individus qui travaillent dans un mode 
de pensée clos, sans penser que les patients ("leurs" patients) ont une 
vie en dehors de l’hôpital. L’ignorance (ou la vanité) a fait dire à un 
médecin qu’elle était stérile et l’a poussée à l’avortement ; l’absence 
de communication de deux médecins qui lui ont prescrit deux produits 
incompatibles l’a une nouvelle fois exposée à une grossesse non désirée.
L’ignorance médicale, source de souffrances pour les femmes
Au fil des années, j’ai vu de nombreux 
autres cas de femmes qui payaient cher l’ignorance des médecins : des 
femmes épileptiques à qui on ne disait pas que le traitement de leur 
maladie inhibe (eh oui, lui aussi) la contraception hormonale ; des 
femmes qui vomissaient leur pilule à qui on s’ingéniait à prescrire la 
même en leur disant que c’était "psychologique" ; des femmes qui 
ovulaient - et donc, étaient enceintes - sans oubli, à cause d’une 
pilule inadaptée, et qu’on accusait ensuite d’ "actes manqués" et de 
"désir inconscient" de grossesse ; des femmes à qui on refusait un DIU 
au cuivre parce qu’elles "risquaient de se retrouver stériles" ; des 
femmes qui faisaient un accident vasculaire ( une phlébite,  une 
thrombose de l’artère centrale de la rétine, une embolie pulmonaire - 
j’ai vu les trois) parce qu’on leur avait prescrit une combinaison 
explosive d’estro-progestatifs en guise de "pilule d’urgence", alors que
 le Norlevo était déjà commercialisé ; des femmes qui se retrouvaient 
enceintes (et donc, poussées à une grossesse non désirée ou à une IVG) 
parce qu’on leur avait dit d’arrêter leur pilule un mois par an "pour 
vérifier que tout va bien".
L’ignorance des médecins français en 
matière de contraception a fait énormément de dégats. Elle en fait 
encore, comme le montre l’accident subi en 2006 par Marion Larat. Cette 
jeune femme qui a aujourd’hui 25 ans a fait, à l’âge de 19 ans, au bout 
de 4 mois d’utilisation, d’une pilule dite "de 3e génération" (Méliane),
 un AVC (accident vasculaire cérébral) qui l’a laissée lourdement 
handicapée.
Des questions légitimes
Les questions qu’on doit se poser quand une femme jeune subit un AVC sont celles-ci :
  1° quelle est la cause probable de l’AVC ? (anomalie biologique "innée", agent extérieur, association des deux ?)
  2° existait-il des antécédents personnels ou familiaux identifiables ?
  3° peut-on prévenir ce type d’accident ?
1° A la première question, il est facile de répondre :
 chez une femme de moins de 35 ans en bonne santé qui fait un AVC, la 
première cause retrouvée est l’utilisation d’une pilule contenant un 
estrogène, car c’est cette hormone qui favorise la formation de caillots
 qui produit phlébite (dans le mollet), embolie pulmonaire (dans un 
vaisseau du poumon) ou un AVC (dans un vaisseau du cou ou de la tête).  
Les AVC liés à l’estrogène contenu dans les pilules les plus prescrites 
surviennent SURTOUT au cours des 24 premiers mois d’utilisation. Dans le
 cas de Marion Larat, qui n’avait pas d’anévrisme ou d’anomalie 
anatomique responsable de son AVC tout indique que la formation d’un 
caillot sous l’effet de l’estrogène contenu dans la pilule est 
responsable, au moins en partie. Je dis "en partie" parce que la prise 
de pilule n’est pas source d’AVC chez toutes les femmes, mais surtout 
chez celles qui ont une anomalie sanguine ou vasculaire préexistante. 
D’où la nécessité pour les médecins d’être prudents quand ils 
prescrivent une pilule.
(Une précision : dans mon esprit, 
"prudent" ne veut pas dire "conservateur" ou "opposé". C’est plutôt un 
synonyme de "soigneux", "réfléchi", "scientifiquement solide". 
Malheureusement, beaucoup de praticiens ont aussi tendance à refuser une
 contraception à des jeunes femmes sous prétexte de ne pas leur faire 
courir de risque. Vouloir mettre quelqu’un à l’abri de tous les risques 
n’est pas seulement irréaliste, c’est contre-productif. La vie, c’est 
risqué. On prend des risques en permanence. La question est de savoir 
quels risques on accepte de prendre et lesquels on trouve démesurés. 
Entre le risque d’une grossesse non désirée ( en l’absence de 
contraception : 80 grossesses pour 100 femmes par année) et le risque 
d’un AVC sous pilule (entre 5 et 80 AVC pour 100 000 femmes et par an, 
soit, entre 0,5 et 8 pour 10 000 par an), il n’y a pas photo. Nous 
verrons plus loin que toutes les pilules ne représentent cependant pas 
le même risque.)
2° A la seconde question, il semble aussi assez facile de répondre :
 le bilan sanguin qu’on lui a fait passer en 2010 a montré qu’elle 
présentait une anomalie de la coagulation qui rendait risquée la prise 
d’estrogènes. Cette anomalie de la coagulation, ce n’est pas elle qui 
l’a inventée, ce sont le/la gynéco et l’hématologue (spécialiste des 
troubles sanguins) consultés en 2010 qui l’ont identifée dans ce bilan. 
Et on se demande pourquoi elle n’a pas eu le même bilan à l’hôpital où 
elle a été admise en 2006 et, si elle l’a eu, ce qui est probable, 
pourquoi ce résultat ne lui a pas été communiqué...
3° La réponse à la troisième question est plus complexe.
 En effet : les anomalies sanguines qui prédisposent aux AVC sous pilule
 contenant un estrogène sont peu fréquentes. Souvent, elles sont 
familiales et peuvent être soupçonnées au vu de l’histoire médicale des 
parents et/ou des frères et sœurs. En dehors de ces situations d’appel, 
leur rareté ne justifie pas de faire des bilans de dépistage à toutes 
les jeunes femmes, d’autant que ces bilans, par ailleurs coûteux, font, 
comme l’examen gynécologique encore imposé par de nombreux médecins, 
obstacle au libre accès de la contraception par les adolescentes.
Par ailleurs, les bilans sanguins 
permettent de dépister certaines femmes à risque, mais j’ai vu aussi des
 AVC sous pilule chez des femmes qui n’avaient pas de facteur de risque 
familial, et dont le bilan sanguin était parfaitement normal. C’est 
rare, mais pas impossible. De ce fait, ce n’est pas toujours prévisible.
 On ne peut ni prévoir, ni prévenir tous les accidents possibles chez 
une seule personne. La vie est risquée, et le risque zéro n’existe 
pas...
Pour autant, la prise d’une pilule contenant des estrogènes comporte-t-elle toujours un risque important ?
Non, bien sûr. Les AVC sous pilule sont statistiquement peu fréquents, et ils surviennent essentiellement
  au cours des deux premières années de prise
  chez les femmes ayant des facteurs de risque connus ou détectés (voir plus haut)
  chez les femmes de plus de 35 ans qui fument
  avec les pilules de 3e et 4e génération.
Bon, mais c’est quoi la "génération" d’une pilule ?
Le mot "génération" fait référence aux 
trois grands types de pilule contenant des estrogènes commercialisées au
 cours des 50 années écoulées.
La "première génération"
 est celle (disparue à présent) des pilules commercialisées dans les 
années 60 et qui contenaient de fortes doses d’estrogènes ; Stédiril 
était la plus courante.
Les pilules de "2e génération"
 (apparues dans les années 70 et 80) sont celles qui contenaient les 
mêmes progestatifs que celles de la première génération avec une dose 
plus faible d’estrogène. On savait déjà à l’époque que les doses 
d’estrogène des pilules de 1ère génération étaient sources d’effets 
secondaires (gonflements des seins, nausées, rétention d’eau, 
migraines... et troubles vasculaires). Comme c’est le progestatif qui 
est contraceptif (l’estrogène est là seulement pour rendre la prise plus
 confortable), on a baissé les doses.
Les pilules de 2e génération sont  celles qui contiennent les 
progestatifs les plus sécuritaires : :
Les pilules de 3e génération (commercialisées dans les années 90) contiennent un progestatif plus récent :
  gestodène, désogestrel, norgestimate (Cilest, Varnoline, Méliane, etc.)
ou un autre produit tenant lieu de progestatif :
  cyprotérone (Diane et ses dérivées, qui ne devraient même pas être prescrites comme des pilules) ;
  drospirénone
 (Jasmine et ses dérivées et génériques qui peuvent produire, en plus, 
d’autres effets secondaires au moins aussi graves) ;
  chlormadinone
 (Bélara).
Le risque d’AVC est plus élevé avec la troisième génération de pilule 
car le progestatif qui entre dans leur composition est dit "faible", 
autrement dit : il ne contrebalance pas suffisamment les effets 
vasculaires nocifs de l’estrogène.
Seules les pilules de 2e génération devraient être prescrites comme première contraception aux jeunes femmes,
 lorsqu’elles ne veulent ni d’un DIU ni d’un implant. Et là encore, le 
dialogue et les informations données aux femmes sont déterminants : 
beaucoup de jeunes femmes pourraient opter pour l’implant ou un DIU 
comme première contraception si on leur en donnait la possibilité et si 
on les avertissait des avantages et inconvénients respectifs des 
méthodes. Les praticiens qui se contentent de prescrire une pilule sans 
informer les femmes sur les différentes méthodes disponibles et les 
laisser choisir en connaissance de cause ne font pas leur travail. Et 
ils font courir aux premières intéressées des risques indus.
Dans quelle mesure les pilules de 3e génération provoquent-elles plus d’AVC que les autres ?
Le risque plus élevé des pilules de 3e 
génération est connu et publié par les revues scientifiques depuis le 
milieu des années 1990 !!! En 1996, La revue Prescrire alertait déjà les
 médecins français sur le sujet. Elle est revenue dessus dans un article paru en 2010.
En 2012, quand le déremboursement de ces
 pilules a été décidé par les autorités sanitaires françaises (pour 
dissuader leur prescription), Prescrire a enfoncé le clou. 
Le risque cardio vasculaire lié à la prise des pilules contenant des estrogènes est très précisément chiffré :
Risque d’AVC chez les femmes sans contraception hormonale :
5
 à 10 pour 100 000 femmes et par an (Note : autrement dit, en un an, sur
 100 000 femmes qui ne prennent pas la pilule, 5 à 10 feront une 
phlébite,  une embolie pulmonaire ou un AVC cérébral "spontané", 
probablement lié à une anomalie biologique innée et non dépistée.)
Risque d’AVC chez les femmes prenant une pilule estrogénique :
  Pilule de 2e génération : 20 pour 100 000 femmes et par an 
  Pilules de 3e génération avec désogestrel ou gestodène : 40 pour 100 000 femmes et par an (2 fois plus)
  Pilules
 de 3e génération avec cyprotérone : 80 pour 100 000 femmes et par an (4
 fois plus !!!!)
Le risque d’AVC avec les pilules contenant de la drospirénone (Jasmine 
et autres, dite de "4e génération") est compris entre la 2e et la 3e 
génération (entre 20 et 40/100 000/an).
Les pilules de 2e génération avaient été
 conçues pour faire courir moins de risque vasculaire (en raison de leur
 moindre dosage en estrogène) que les pilules de 1e génération. Les 
pilules de 3e génération ont fait remonter ce risque. Pour cette raison 
elles ne devraient pas être prescrites puisqu’il existe d’autres options
 moins dangereuses.
Qu’en est-il de "Nuvaring" (l’anneau vaginal) et de Evra (le "patch" contraceptif) ?
L’un et l’autre ont les mêmes 
caractéristiques et les mêmes effets secondaires potentiels que les 
pilules estrogéniques, même si le passage de l’hormone se fait par voie 
vaginale pour l’une et à travers la peau pour l’autre, et non à travers 
le tube digestif, comme la pilule.
Or, le patch EVRA contient elle aussi un
 progestatif de 3e génération (la norelgestromine) et l’agence 
canadienne de santé et la commission européenne compétente ont toutes 
deux mis en garde contre son utilisation : le risque d’AVC est environ 
deux fois supérieur à ce qu’il est avec les pilules de 2e génération 
donc, similaire à celui des pilules au désogestrel et au gestodène - 
40/100 000/an. (Sources : Rev Prescrire 2007 ; 27 (284) : 424 ; Rev 
Prescrire 2009 ; 29 (311) : 663)
Les risques vasculaires de 
l’étonorgestrel, le progestatif de 3e génération contenu dans l’anneau 
NUVARING n’ont, eux, pas été évalués ! Dans le doute, il est préférable 
de ne pas faire des patientes des cobayes, et de réserver exclusivement 
son utilisation à des femmes :
Mais dans tous les cas, il n’est pas 
raisonnable de prescrire un Nuvaring à une adolescente ou à une jeune 
femme dont ce serait la première contraception, non seulement en raison 
des risques d’AVC (inconnus) mais aussi des risques de grossesse (plus 
une méthode est nouvelle et demande des manipulations, plus elle est 
source d’échecs...) !
Dans ces conditions, un médecin peut-il prévenir la survenue des AVC 
liés à la pilule  SANS faire de bilan sanguin systématique ? En
 particulier, quand il reçoit une jeune femme qui désire prendre la 
pilule sans prise de sang et sans que sa famille soit au courant ?
Oui, s’il prend trois précautions :
- la première consiste à évoquer très précisément avec les jeunes femmes les antécédents familiaux
 de phlébite, d’embolie pulmonaire, d’AVC, de migraine grave, de 
troubles de la coagulation, d’infarctus ; quand ce type d’incident est 
survenu chez le père ou la mère avant l’âge de 50 ans, il est très 
évocateur d’un trouble de la coagulation ; il doit inciter le médecin à 
faire faire un bilan sanguin (un bilan "orienté" par des antécédents 
familiaux a beaucoup plus de chance de donner des informations utiles 
qu’un bilan "à l’aveugle" chez toutes les femmes) et, en attendant le 
bilan, à prescrire une pilule SANS estrogène. C’était toujours mon 
attitude quand je recevais une patiente demandant une pilule : je 
discutais longuement avec elle pour m’assurer que tout le monde dans sa 
famille allait bien et qu’il n’y avait pas de facteur de risque. C’était
 souvent délicat au cours des années 80 : beaucoup de jeunes femmes 
prenaient la pilule en cachette et il était difficile de leur demander 
d’interroger leur mère sur ses antécédents ; ça l’était beaucoup moins 
au début des années 2000, où souvent, les jeunes patientes que je 
recevais connaissaient le nom de la pilule de leur mère, ou savaient 
quand et pourquoi elle avait cessé de la prendre.
Quand les jeunes femmes ne savaient pas, dans le doute, je leur faisais 
faire un bilan de coagulation pour m’assurer que tout allait bien. Si ce
 n’était pas possible, je leur prescrivais la pilule la plus sûre ou, si
 elles le désiraient une contraception sans estrogènes (pilule 
progestative, DIU, puis également implant à partir de 2001).
- la seconde 
précaution consiste à proposer toujours plusieurs méthodes 
contraceptives et non à prescrire systématiquement une pilule ;
 en effet, ni les DIU (au cuivre et progestatif), ni l’implant, ni les 
pilules progestatives pures ne font courir de risque vasculaire = 
précisément parce qu’ils ne contiennent pas d’estrogène. Hélas, depuis 
longtemps, beaucoup de médecins français refusent (ou négligent) de 
prescrire aux femmes autre chose qu’une pilule estrogénique. Or, le 
risque d’AVC sur pilule est compris entre 5 et 80/100 000 utilisatrices 
(voir plus haut). Plus le nombre d’utilisatrices de pilules est grand, 
plus le nombre d’accidents l’est aussi. Plus on prescrit d’autres 
méthodes, plus ce nombre diminue.
Pour ma part, j’ai commencé à poser des DIU aux femmes sans enfant en 
1994, et des implants progestatifs en 2001. Outre que ça a représenté un
 plus grand choix - et donc, une plus grande liberté - pour les femmes, 
je pense que ça m’a permis d’éviter à un grand nombre d’entre elles des 
AVC ou des phlébites dont elles pouvaient se passer. Les patientes y ont
 gagné sur tous les plans...
- la troisième 
précaution consiste à ne JAMAIS prescrire une pilule de 3e génération 
(ou de 4e génération, type "Jasmine") à une jeune femme dont c’est la 
première contraception. Comme je l’ai dit plus haut, le risque 
d’AVC est surtout important pendant les deux premières années 
d’utilisation. C’est donc chez les très jeunes femmes, qui n’ont jamais 
pris de pilule, que cette prescription est la plus risquée et doit être 
absolument bannie !!! Dans certains cas, une femme peut se trouver mieux
 d’une pilule de 3e génération, mais ça doit d’abord faire l’objet d’une
 discussion très précise pour lui expliquer les avantages et 
inconvénients de la méthode et la laisser déterminer par elle-même si le
 jeu en vaut la chandelle.
Pourquoi les médecins français prescrivent-ils autant de pilules de 3e et 4e génération ?
Pour deux raisons : l’incompétence et le marketing. Les deux, d’ailleurs, sont liés.
L’incompétence a des racines profondes dans la formation médicales, et entre autres :
 le manque d’esprit scientifique des facultés de médecine ; le caractère
 dogmatique des enseignements délivrés par beaucoup de professeurs de 
médecine ; l’absence d’intérêt pour les problèmes concrets, quotidiens, 
des citoyens (sexualité et contraception sont pourtant des problèmes de 
taille...) ; l’absence de communication entre les facultés et les 
enseignants ; le refus de toute information qui n’est pas 
franco-française, surtout si cette information remet en cause des dogmes
 hexagonaux ("Oui, on peut poser des DIU à des femmes qui n’ont pas 
d’enfant", par exemple)...
L’incompétence peut être traitée, quand 
on est ouvert et curieux, par l’auto-formation ou la formation continue 
collective et le partage du savoir. Encore faut-il avoir l’humilité de 
partager le savoir et avoir le courage de rejeter les dogmes.
Malheureusement, les études de médecine 
ont tendance
1° à sélectionner des étudiants en médecine dogmatiques et défensifs ; 
2° à ériger des dogmes en vérités indiscutables (comme tout le système 
universitaire français, d’ailleurs)
De plus, ’incompétence est souvent 
entretenue par l’industrie, qui (on le sait depuis certains récents 
scandales, mais aussi depuis la publication de certains livres 
marquants, au début des années 2000) a tout intérêt à ce que les 
médecins n’aient pas de sens critique et prescrivent les derniers 
médicaments commercialisés, dont les inconvénients et les dangers ne 
sont pas bien connus, plutôt que les médicaments éprouvés.
Le marketing pharmaceutique est plus sournois mais pas moins responsable :
 les pilules de 3e génération ont été introduites par les industriels 
pour augmenter leur part de marché ; les pilules de 2e génération, sûres
 et bien connues, ne rapportaient plus rien (leur prix est dérisoire) ; 
il fallait en produire de nouvelles, qui soient plus coûteuses (donc 
plus rentables), en prétextant d’apporter un "plus" pour les femmes. 
L’apparition des pilules de 3e génération s’est fait sur la vague d’une 
campagne de marketing destinée aux jeunes utilisatrices, de plus en plus
 nombreuses et qui n’avaient pas accès à d’autres méthodes, puisque le 
DIU leur était refusé, et l’implant n’est apparu en France qu’en 2001.
La "nouveauté" des pilules de 3e 
génération résidait dans le fait que les progestatifs nouveaux, moins 
puissants, permettaient à l’estrogène d’être plus actif, et d’avoir 
(parfois) un effet bénéfique sur l’acné. D’où l’argument souvent 
présenté aux médecins : "Les adolescentes ont deux problèmes : l’acné et
 la sexualité. Si vous leur prescrivez ces "nouvelles" pilules, vous 
traiterez les deux en même temps".
C’est d’ailleurs à partir de cet 
argument que le fabriquant de Diane 35 a fait prescrire son produit 
larga manu par des gynécologues, des dermatologues et des généralistes 
alors même que ce médicament n’avait pas dans son autorisation de mise 
sur le marché la mention "contraception" !!! (Il ne l’a toujours pas.) A
 noter que j’avais déjà dénoncé cet état de chose (et le risque thrombo 
embolique plus élevé de Diane 35) dans Contraceptions mode d’emploi 
(2001, réédité en 2003 et 2007), et que le laboratoire fabriquant ne l’a
 pas contesté...
Donner "deux-traitements-en-un" peut 
paraître séduisant mais n’est pas rationnel dans ce cas précis : on ne 
prend pas la pilule pour lutter contre l’acné, on la prend pour éviter 
d’être enceinte. Et l’acné nécessite des traitements spécifiques qui ne 
sont pas contraceptifs. Confondre les deux en prescrivant "une pilule 
pour l’acné", c’est aller au-devant d’une catastrophe.
Dans le cas de Jasmine et de ses copies 
et génériques (Jasminelle et autres), l’argument de marketing (non 
écrit, mais verbal) qui était livré aux médecins (et qui était inscrit 
dans les articles "inspirés par l’industrie" dans la presse féminine, 
était que Jasmine "empêchait de prendre du poids". C’est faux, mais en 
plus, en raison de la nature de son progestatif, qui a des effets 
diurétiques, la prise de Jasmine peut entraîner une déshydratation, des 
troubles cardiaques liés à un excès de potassium, etc. CETTE PILULE NE 
DEVRAIT ETRE UTILISEE QUE PAR UN TOUT PETIT NOMBRE DE FEMMES 
(probablement quelques centaines en France, tout au plus) et ce, dans 
des circonstances très précises (rétention d’eau sous pilule, en 
particulier). On peut même s’en passer tout à fait puisqu’il existe 
d’autres méthodes contraceptives...
En 2013, les pilules de "3e génération" seront déremboursées en France.
C’est une mesure destinée à éviter leur 
prescription inconsidérée par les médecins. Ce n’est pas une mesure 
suffisante, et elle sera certainement mal comprise par les utilisatrices
 qui n’ont pas de problème avec ces pilules-là. Pour éviter d’autres 
accidents comme celui qui a brisé la vie de Marion Larat, il faut autre 
chose :
Martin Winckler (Dr Marc Zaffran)
Pour en savoir plus, consultez la rubrique CONTRACEPTION de ce site.
Illustration : media_l_5325566.jpg
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«Un emploi excessif» des pilules 3e génération?
            
            
            
                C'est ce qu'estime l'agence du médicament qui envisage 
de restreindre la délivrance  de ces pilules à certains professionnels.
                
            
        
        
Du bon usage de la pilule
Tribune Ces retombées 
médiatiques à la suite d’un accident dramatique risquent, si des 
informations claires ne sont pas délivrées, d’inquiéter des centaines de
 milliers de femmes...
            
        
Ma sexualité Canada 
Ma Sexualité.ca est non seulement le meilleur site canadien sur la sexualité, c’est à mon humble avis le meilleur site francophone au monde consacré à la sexualité et la contraception. Aussi soucieux des adolescents que des adultes, il propose une très grande quantité d’informations, toutes de bon sens et toutes solidement étayées, sur la sexualité, la contraception, les maladies sexuellement transmissibles, la santé des femmes. Visitez-le et vous ne pourrez plus vous en passer. (Martin Winckler)
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