Le vrai visage de la « chasse aux Roms »
Par ,
- Politis
21 mars 2013
En
bordure de Paris, un camp de Roms est menacé d’expulsion sans
relogement, tandis que les élus UMP se mobilisent pour empêcher la
construction d’une aire d’accueil, 700 mètres plus loin. Reportage.
Aux premières heures du jour, la fumée s’échappe
déjà des cheminées de tôle trouées qui s’élèvent au-dessus d’un
alignement de cabanes de fortune. Depuis le mercredi 20 mars, la dizaine
de familles roumaines installées sur une bretelle désaffectée de
l’autoroute A4, à la lisière du bois de Vincennes, s’attendent à être
expulsées à tout moment. Dans un rudiment de français, engourdis et
anxieux, trois parents racontent.
Il y a un an et demi, ils ont quitté la région de Buzau, en Roumanie,
où ils tentaient de vivre comme ouvriers agricoles. Installés depuis
dans des maisons montées de bric et de broc, ils vivent de récupération,
en fouillant les poubelles à la recherche d’objets à vendre ou de
nourriture. Deux groupes électrogènes et des poêles à bois leur offrent
un confort rudimentaire.
À l’entrée du campement, jeudi 21 mars.
E.Manac’h
« Les Roms sont jetés à la rue comme des chiens »
Depuis le 18 juillet, 23 d’entre eux sont sous le coup d’une
ordonnance d’expulsion du tribunal de grande instance de Paris. Ils ont
posé leurs valises sur une bretelle désaffectée de l’autoroute A4 que la
direction des routes d’Île-de-France veut récupérer.
« Depuis un ou deux mois, les policiers viennent tout le temps, raconte Cosmin, 17 ans, qui a appris le français à l’école en Roumanie. Mais nous n’avons nulle part où aller

Rentrer en Roumanie ? « Impossible, rétorque l’adolescent, nous ne trouvons pas de travail là-bas, même avec des diplômes. Ici, nous pouvons au moins chercher dans les poubelles. Ce n’est pas
toujours possible en Roumanie. » Faute d’alternative, le groupe semble donc se résigner à devoir « attendre l’expulsion ».
« Il n’y a jamais de solution de relogement, les Roms sont jetés à la rue comme des chiens »,
s’emporte Évelyne Perrin, retraitée et militante hyperactive qui
accompagne ces familles avec un petit collectif d’habitants de
Joinville-le-Pont (Val-de-Marne). Depuis plusieurs mois, elle remue ciel
et terre – de l’ambassade de Roumanie au Défenseur des droits, en
passant par les mairies locales et les parlementaires – pour tenter de
faire scolariser les 12 enfants du campement. « J’ai tout fait, mais rien n’a été possible », soupire la militante.
Les élus UMP veulent « sauver » un parking du bois de Vincennes
Au même moment, à deux pas de là, devant la gare RER de
Joinville-le-Pont, une poignée de militants UMP distribuent des tracts. À
700 mètres du campement, un parking doit être transformé en aire
d’accueil pour « gens du voyage »
La loi l’exige et le Conseil de Paris a validé, le 12 février, deux
projets dans les bois de Vincennes et de Boulogne. Depuis, le sénateur
UMP du Val-de-Marne, Christian Cambon, et 8 villes UMP ont lancé une pétition contre ce projet, qui doit voir le jour au premier trimestre 2014.
Envisagée depuis 2010 par la mairie de Paris, la construction de ces
deux aires d’accueil s’est heurtée au refus systématique des élus
locaux. En avril 2011, saisie par Claude Goasguen, maire UMP du XVIe
arrondissement de Paris, la Commission départementale des sites
déclarait la zone du bois de Boulogne « inondable ». Et le projet
à Vincennes était ajourné en novembre 2011 sur le seul avis de la
Commission supérieure des sites : une aire d’accueil sur un parking du
bois trahirait le paysage.
En bordure du bois de Vincennes, l’aire d’accueil contesté par l’UMP et le campement menacé d’expulsion
Aujourd’hui, « l’installation de campements ne va pas dans le sens de l’écologie », martèle Valérie Montandon, conseillère UMP du XIIe arrondissement de Paris. Signataire de la pétition alléguant une « atteinte à l’intégrité du bois de Vincennes », son collègue Claude Goasguen menace de porter la décision en justice : « Si le préfet de Paris donne toutefois son accord, la décision sera de toute façon annulée par le tribunal administratif. »
Les 60 premières places sur Paris
Depuis le 5 juillet 2000, la loi Besson impose aux communes de plus
de 5 000 habitants d’implanter des aires permanentes d’accueil pour les
populations nomades. En juillet 2011, le président de la Commission
nationale consultative des gens du voyage, Pierre Hérisson, avertissait
déjà François Fillon du manquement des communes à la loi : au 31
décembre 2010, seulement 52 % des places en aires d’accueil prescrites
étaient en service. Le 31 juillet 2012, il réitère l’alarme auprès du
nouveau gouvernement à majorité PS : « De nouvelles structures d’accueil doivent être créées. »
Paris lance aujourd’hui la mise en œuvre de ses 60 premières places
d’accueil, alors qu’un accord avec le préfet de Région fixait, en 2004, à
200 places les besoins parisiens. Un chiffre abaissé depuis à 90
places.
Étrange inertie, alors que le ministère de l’Intérieur – qui a fait expulser 12 000 Roms en 2012 – promet de « démanteler le maximum de camps insalubres » et que François Hollande soutient qu’il « souhaite que lorsqu’un campement insalubre est démantelé, des solutions alternatives soient proposées »
Lire > Valls anti-Roms ?
Les opposants au projet d’aire d’accueil dans le bois de Vincennes
appellent à manifester, samedi 23 mars à 9 h 30, sur le parking
concerné. Les militants qui soutiennent les Roms ont d’ores et déjà
annoncé la tenue d’une contre-manifestation.
Tract distribué jeudi matin devant la gare de Joinville-le-Pont
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